Le billet de Joël Amar - Guerre à Gaza et en Israël. Certains mots, aussi, sont piégés et dangereux

07 Novembre 2023 | 598 vue(s)
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Les massacres du 7 octobre, puis la guerre entre le Hamas et Israël sont des horreurs avec lesquelles il nous  faut vivre désormais. La communication est, elle aussi, un champ de bataille, sale et dangereux. 

De part et d’autre, des mots, des slogans et des analogies nourrissent les haines, les colères et les peurs. 

Cela pourra sembler prématuré ou déplacé, mais un jour, les armes se tairont et ces mots, ces slogans et ces  analogies rendront plus difficiles la coexistence et le dialogue, ici en Europe et là-bas au Proche-Orient. 

Je veux donc montrer en quoi ils sont piégés et dangereux, en espérant qu’ils seront moins utilisés. 

Avant d’aller plus loin, je dois dire d’où je parle. Mon métier est le conseil en communication. Je l’exerce en  France et en Belgique. Il m’amène souvent à analyser des discours. 

Je suis juif et une grande partie de ma famille vit en Israël, certains sont mobilisés, les autres vivent au rythme des sirènes qui annoncent les roquettes. 

Je suis convaincu, depuis longtemps, qu’il faut deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix, en  sécurité et dans le respect des libertés individuelles. 

Et je souhaite, depuis longtemps, que Benyamin Netanyahou sorte de la vie politique israélienne. À mes yeux, le Hamas est une organisation totalitaire, ennemie à la fois d’Israël et des Palestiniens. 

Après les massacres du 7 octobre, je veux que le Hamas et les autres mouvements terroristes actifs à Gaza  soient mis hors d’état de nuire et que le plus grand nombre possible d’otages soit sauvé. 

Voilà d’où je parle. Certains se diront que mon propos ne peut être neutre, objectif, équilibré ou, plus  prosaïquement, qu’il va leur déplaire. 

S’ils aspirent sincèrement à la coexistence et au dialogue, je les appelle à poursuivre leur lecture et à mieux  prendre en compte les pièges et les dangers des communications sur cette guerre. 

Mon analyse porte sur une dizaine de mots, slogans ou analogies, qui sont souvent répétés de façon  mécanique à chacune des guerres en Israël et à Gaza. 

 

1. Faire une guerre de civilisation, une guerre contre la barbarie 

 

Les abominations du 7 octobre sont des actes barbares et tous ceux qui les ont commises sont des barbares détestant Israël, les Juifs, nos sociétés libérales, bref notre civilisation. 

Et pourtant, aller plus loin avec ces deux mots, barbare et civilisation, est un problème. 

Parler d’une guerre de civilisation, c’est convoquer les imaginaires d’un conflit global, moral ou religieux :  démocraties contre dictatures, Occident contre Islam, axe du bien contre axe du mal (Bush), lumières contre  ténèbres (Isaïe), la rébellion contre l’empire (Star Wars), eux contre nous… 

Parler d’une guerre contre la barbarie, c’est laisser planer le flou sur l’ennemi. Qui est-il ? Celui qui commet  des actes inhumains ? Celui qui est différent, étranger ? Celui qui a une autre religion ? 

La guerre est suffisamment dramatique et compliquée. Elle n’a pas besoin de vagues étendards qui creusent  des fossés infranchissables et inamovibles. 

La guerre oppose aujourd’hui Israël au Hamas et à tous les mouvements terroristes actifs à Gaza. Elle pourrait  s’élargir demain au Hezbollah, aux milices Houtis du Yémen ou, pire, à l’Iran.

Mais en aucun cas, ce n’est une guerre contre les Palestiniens, contre les Musulmans, contre leur  civilisation ou contre les barbares au sens premier du terme dans l’Antiquité, à savoir les étrangers. 

 

2. Tuer ou manifester en criant « Allahou Akbar »

 

Les terroristes du Hamas ont commis leurs crimes en criant « Allahou Akbar ». Il en est de même pour les  terroristes de Daech, d’Al-Qaeda, du Bataclan, de Zaventem, d’Ozar HaTorah, de Magnanville… pour les  tueurs de Charlie, de Samuel Paty, de Dominique Bernard… la liste est hélas très, très longue. 

La formule religieuse est devenue la signature des éventreurs, coupeurs de tête et autres tueurs islamistes. 

Lorsqu’ils tuent en criant « Allahou Akbar », les terroristes font de leurs crimes des actes religieux. C’est la  Oumma, la communauté des croyants, qu’ils convoquent alors à une guerre de religion. 

Lorsqu’on soutient les Palestiniens et que l’on demande un État de Palestine, manifester en Europe en criant  « Allahou Akbar », cela revient à répondre à l’appel des terroristes et à se rallier à l’étendard qu’ils se sont  appropriés, surtout lorsqu’on refuse de condamner leurs crimes. 

Ceux qui voient le conflit israélo-palestinien comme une guerre de religion – et non comme un conflit  territorial, ne se soucient ni du bien-être des Palestiniens, ni de la création de l’État de Palestine. Ils ont  pour impératif de réaliser sur terre le projet violent qu’ils attribuent à Dieu. 

Cette grille de lecture est terrible. Elle ne laisse aucune place au dialogue et à la coexistence. 

Sauf à vouloir une guerre de religion qui sera mondiale, une telle grille de lecture et la formule religieuse  « Allahou Akbar » n’ont pas leur place dans les manifestations de soutien aux Palestiniens. 

 

3. Faire la guerre contre Amalek

 

Amalek est le peuple qui est l’ennemi juré du peuple d’Israël dans la Bible, le peuple qui l’a attaqué par  surprise dans le désert, juste après la sortie d’Égypte, le peuple que Dieu lui demande « d’effacer de dessous  les cieux » (Exode, chap. 17). Au fil des siècles, il est devenu le symbole biblique de la haine des Juifs. 

Une analogie entre Amalek et le peuple palestinien serait aussi terrible que la guerre de religion voulue par  les terroristes criant « Allahou Akbar », puisque Dieu demande l’extermination d’Amalek. 

Une analogie entre Amalek et le Hamas inscrit la présente guerre dans un imaginaire biblique et religieux…  ce qui n’apporte rien de bon, la Bible étant loin d’un récit à l’eau de rose. 

D’un côté comme de l’autre, les références à la Bible, au Coran ou à Dieu ne font souvent qu’envenimer les  choses car elles sont porteuses d’absolus indépassables qui laissent peu de place au dialogue. 

La référence à la guerre contre Amalek a, de plus, une limite car Amalek est un peuple dans la Bible, tandis  que le Hamas est une NSO ou « Non-State Organization », selon la nouvelle terminologie en vigueur. 

En sa qualité de NSO, le Hamas est un mouvement islamiste, totalitaire et terroriste qui asservit les  Palestiniens de Gaza. Il ne peut donc, ni ne doit être confondu avec le peuple palestinien. Ce point est  essentiel si l’on veut la coexistence de deux États, Israël et la Palestine. 

 

4. De la rivière à la mer, Palestine vaincra

 

Le slogan est un « classique » des manifestations et des tags qui entendent ou prétendent soutenir les  Palestiniens. Il n’est nul besoin d’être agrégé de géographie pour le comprendre. 

Si la victoire pour la Palestine, c’est un État allant du Jourdain à la Mer Méditerranée, cela signifie qu’Israël  doit être rayé de la carte et que les Juifs qui y vivent doivent, au choix, être expulsés, asservis ou tués.

 

« De la rivière à la mer », le slogan est purement et simplement un appel à la destruction de l’État d’Israël. 

 

Ceux qui le scandent ou qui l’approuvent, ont la profonde conviction que l’existence d’Israël n’est pas légitime et qu’elle n’est qu’une parenthèse coloniale en terre d’islam. 

À leurs yeux, le monde serait meilleur sans cet État maléfique et raciste, voulu par un Occident pétri de  culpabilité après la Shoah et/ou en guerre contre l’islam. Pour eux, la disparition d’Israël ne serait que justice. 

Quant à ceux qui tolèrent ce slogan, ils se rendent complices de haine des Juifs, d’un appel à leur meurtre,  voire à leur génocide car la volonté d’effacer l’État du peuple juif relève clairement de l’antisémitisme. 

Je renvoie ici à la définition de l’antisémitisme qui fait référence en Europe, la définition de l’International  Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). Est antisémite « le refus du droit à l’autodétermination des Juifs, en  affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste ». 

Que le Hamas soit antisémite ne surprendra personne. Qu’il y ait autant d’antisémites chez ceux qui, en  Europe, disent soutenir les Palestiniens, est inquiétant car eux, ne veulent ni coexistence, ni dialogue. 

Ceux qui veulent un État de Palestine à côté d’Israël (j’en fais partie) n’ont rien à voir avec ceux qui veulent  un État de Palestine sans jamais parler d’Israël car leur but ultime est un État « de la rivière à la mer ». Il  est urgent que les premiers se démarquent fortement des seconds. 

 

5. Venger les horreurs du 7 octobre

 

Invoquer la vengeance, c’est faire d’Israël un État qui agit par pulsions, aveuglé par sa colère, donc capable  de tous les excès. C’est enfermer Israël et Gaza dans un cycle désespérant et sans fin, de violences et de  vendetta car la vengeance appelle la vengeance. 

Parler de vengeance, c’est aussi et surtout méconnaître l’histoire juive et la société israélienne et se tromper sur la raison de cette guerre. Non, Israël ne fait pas la guerre au Hamas pour se venger. 

Les horreurs du 7 octobre ont montré aux Israéliens que leur pays était faillible et que leur sécurité n’était  pas garantie. C’est un choc terrible pour tous les Juifs, en Israël et en diaspora. 

Buchers, Inquisition, pogroms, Shoah, exil des Juifs séfarades, guerres contre des États arabes unis contre  Israël pour jeter les Juifs à la mer… Après ces traumatismes, l’État-refuge s’est révélé vulnérable le 7 octobre. 

Israël doit surmonter le choc. C’est un enjeu de survie face à un ennemi, le Hamas, qui veut sa disparition. 

Qu’Israël se batte pour son existence et pour sa survie, est difficile à comprendre lorsqu’on a seulement  l’image d’un État high-tech et d’une puissance militaire. 

C’est pourtant la réalité d’Israël, au cœur d’une région où ses voisins lui ont longtemps fait la guerre et dans  un monde où les antisémites jugent son existence illégitime et maléfique. 

 

6. Des frappes et des bombardements disproportionnés

 

La guerre entre Israël et le Hamas est asymétrique et les forces militaires sont disproportionnées. 

Le Droit International Humanitaire (DIH) a codifié la proportionnalité dans l’attaque – ce qui vaut à Israël, depuis son retrait de Gaza en 2005, la critique récurrente de mener des attaques disproportionnées et d’être  excessif dans l’usage de la force. 

Comme l’écrasante majorité, je ne suis pas un spécialiste du DIH et je ne sais pas si les esprits brillants qui  ont échafaudé ce concept avaient imaginé des opérations militaires contre un mouvement terroriste prenant  les civils comme boucliers humains, se cachant sous les hôpitaux et se déplaçant en ambulance. 

À cet égard, les frappes des États-Unis, de la France et de leurs alliés à Raqqa en Syrie ou à Mossoul en Irak,  lorsqu’il s’agissait de lutter contre Daech, seraient, elles aussi, des attaques disproportionnées. 

À l’aune de ces situations asymétriques, une actualisation du droit serait peut-être appropriée.

 

Je m’en tiendrai ici à l’emploi du mot « disproportionné » dans les médias et dans l’opinion pour qualifier les  actions d’Israël contre le Hamas. S’il y a disproportion, qu’est-ce qui est disproportionné ? 

Le nombre de morts et de blessés ? Faudrait-il qu’il y ait le même nombre de morts dans chaque camp ? À  partir de quel écart y aurait-il disproportion ? Et une fois cet écart atteint, faudrait-il remettre la balle au  centre, dans l’attente du prochain match ? Une telle approche serait absurde et scandaleuse. 

Chaque vie compte et toutes les vies ont la même valeur, qu’elles soient athées, juives, musulmanes,  chrétiennes ou bouddhistes (n’oublions ni les morts, ni les otages thaïlandais). 

La disproportion serait-elle dans la façon d’attaquer et de faire la guerre ? 

Le 7 octobre, le Hamas a lancé des milliers de roquettes dépourvues de systèmes de guidage vers les  populations civiles israéliennes dans l’objectif de tuer le plus possible. Et il continue, depuis, d’en tirer tous  les jours, déclenchant des alertes en Israël. 

Rien de nouveau sous le soleil : le Hamas procède ainsi à chaque guerre. Mais faudrait-il qu’Israël tire ainsi à  l’aveugle et dans le tas, pour qu’il y ait proportionnalité ? Ce serait tout aussi absurde et scandaleux. 

Si le mot « disproportionné » est confus dans les médias et dans l’opinion, il est également piégé car il  revient à dire qu’Israël est injuste à Gaza, tout en s’abstenant de parler du Hamas et de qualifier le Hamas puisqu’il est le plus petit et que la disproportion « joue en sa faveur ». 

Et pourtant, qu’il s’agisse de l’attaque du 7 octobre, de ses horreurs, des otages ou des boucliers humains,  tant d’actes du Hamas tombent sous le coup de tant de règles du Droit International Humanitaire ! 

 

7. Les appels à des pauses et à des convois humanitaires

 

Il est évident que le blocus très strict imposé par Israël à Gaza après le 7 octobre a des conséquences  dramatiques sur la population civile et que des convois humanitaires permettraient d’améliorer un peu la  situation. Il est donc normal qu’à travers le monde, les demandes de gestes humanitaires se multiplient. 

Le problème est que le Hamas a mis Gaza en coupes réglées, qu’il s’en approprie tous les biens par la violence,  qu’il se cache dans des installations souvent situées sous des hôpitaux, qu’il y détient environ 240 otages,  qu’il consomme ses réserves en nourriture et en carburant depuis bientôt un mois et qu’il a besoin de les  renouveler pour tenir sous terre, le temps du siège de Gaza par Israël. 

Ceux qui demandent des gestes humanitaires pourraient s’adresser aux deux belligérants, Israël et le Hamas.  Ils pourraient ainsi demander la libération immédiate de tous les otages. Il est intéressant, mais pas vraiment  surprenant, que les demandes de gestes humanitaires soient seulement adressées à Israël. 

Cela en dit long sur le Hamas, sur sa priorité qui est d’allumer une guerre régionale et de tuer le plus possible  d’Israéliens, sur son peu d’intérêt pour la vie humaine et pour les Palestiniens de Gaza. 

Sans être un expert militaire, je comprends qu’Israël a pour stratégie d’assiéger le Hamas, sachant qu’il est  impossible de vivre dans des tunnels sans ventilation, donc sans carburant pour les générateurs. 

Des pauses dans la guerre permettraient au Hamas de se déplacer et de se réorganiser. Des convois de vivres  et de carburant seraient accaparés par le Hamas qui les utiliserait pour se renforcer. Pauses ou convois, les  deux feraient perdre à Israël « le bénéfice » de près d’un mois de siège. 

Les gouvernements qui demandent à Israël le passage de convois humanitaires pourraient proposer à Israël  des solutions garantissant que ces convois ne seront pas volés par le Hamas. Ils pourraient par exemple  assurer, avec leurs soldats, la sécurité des convois, mais nul ne veut que ses soldats soient tués ou enlevés… 

S’il n’y a pas de solution pour éviter le vol des convois, peut-être est-ce parce que le sujet est militaire ? 

Pourquoi continuer, alors, d’adresser à Israël des demandes humanitaires qui font croire qu’Israël manque  d’humanité et qu’il est le seul responsable de la situation catastrophique des Palestiniens ?

 

8. Effet-miroir : David contre Goliath, nazis contre Juifs 

 

e nombreuses personnes se réfèrent à d’autres guerres pour qualifier la situation actuelle à Gaza et en  Israël. Nous avons déjà vu que la référence à la guerre contre Amalek n’apportait rien de bon. 

Je souhaite pointer deux analogies qui opposent un héros ou un gentil à un méchant et qui présentent,  chacune, un effet-miroir : tour à tour, en fonction du camp soutenu par celui qui parle, les Israéliens et les  Palestiniens sont soit les héros/gentils, soit les méchants. 

La première analogie est biblique : c’est David contre Goliath, le faible contre le fort, et cela se termine par  la victoire du faible qui n’a pas peur parce qu’il est le plus malin et le plus stratège. 

Les Israéliens sont vus comme David parce que leur pays est tout petit face à l’immensité des pays arabes et  à leurs populations environ 60 fois plus nombreuses. Les Palestiniens sont vus, eux aussi, comme David parce  qu’ils ont face à eux Israël qui est plus fort sur les plans économiques et militaires. 

L’analogie brouille les messages puisque chacun s’attribue le beau rôle, mais elle montre aussi toute  l’importance d’écouter l’Autre et de comprendre sa vision du monde, si l’on veut la coexistence et le dialogue. 

La seconde analogie renvoie à la Shoah. Elle est invoquée par les Israéliens, par les Palestiniens et par leurs  soutiens respectifs, avec des conséquences bien plus dramatiques que l’analogie biblique. 

Pour les uns, le Hamas et tous ceux qui ont commis des abominations contre des Juifs le 7 octobre seraient  les nouveaux nazis ou leurs descendants. Faisant du nazi et du Hamas les symboles de la cruauté, l’analogie  entend montrer que les temps ont changé, que les Juifs sont aujourd’hui des combattants et qu’ils vont  l’emporter. Le récit vise à mobiliser les Israéliens, même si le présent a peu de similitudes avec le passé. 

Qualifier le Hamas de nazi est un raccourci peu rigoureux. Le Hamas est bel et bien un mouvement totalitaire,  mais ceux qui ont à en souffrir le plus, ne sont pas les Israéliens, mais les Palestiniens. 

Pour les autres, Gaza serait un camp de concentration et Israël y mènerait une politique génocidaire contre  les Palestiniens. Cette analogie qui transforme la victime juive en bourreau nazi, est tout simplement fausse  et scandaleuse. Nul besoin d’argumenter. Toute personne qui a étudié un peu la Shoah, sait que c’est faux. 

Il est vrai, toutefois, que l’étude de la Shoah est de plus en plus difficile dans de nombreuses écoles… 

L’analogie est non seulement fausse, elle est aussi antisémite. Je cite à nouveau l’International Holocaust  Remembrance Alliance (IHRA) : est antisémite « l’établissement de comparaisons entre la politique  israélienne contemporaine et celle des nazis ». 

 

9. Liberté d’expression, mais à géométrie variable 

 

Que nous soutenions Israël, les Palestiniens ou à la fois Israël et les Palestiniens, que nous soyons seulement  observateurs ou commentateurs de cette guerre et quel que soit notre niveau d’information, que nous  éprouvions de l’inquiétude, du dégoût ou de la colère, pour les uns ou pour les autres, nous avons, tous, le  droit de nous exprimer sur Israël, sur la Palestine, sur le Hamas et sur la situation au Proche-Orient. 

Ce droit à la liberté d’expression vient, comme tout droit, avec des limites : interdiction d’insulter et de  diffamer, interdiction d’inciter à la violence et à la haine et de faire l’apologie du terrorisme, interdiction de  tenir des propos racistes, antisémites, xénophobes, négationnistes, antimusulmans, homophobes… 

Nous pouvons avoir des désaccords sur le Proche-Orient, c’est normal et c’est heureux. Nous pouvons en  parler, en débattre ou préférer de les taire. Nous pouvons aussi nous réunir sur la voie publique pour  manifester et pour exprimer nos positions. Chacun est libre, dans les limites fixées par la loi. 

Je rappelle ces évidences sur la liberté d’expression et sur ses limites parce qu’on s’aperçoit, avec effroi,  depuis le 7 octobre que c’est loin d’être évident pour tout le monde, notamment dans les universités.

À titre personnel, je regrette qu’il n’y ait pas de manifestation de soutien à la fois aux otages, aux Israéliens,  aux Palestiniens et à la création d’un État de Palestine à côté d’Israël, mais je sais bien que ce propos paraîtra  aujourd’hui naïf, idéaliste ou prématuré. 

Les soutiens radicaux des Palestiniens, ceux qui veulent une Palestine « de la rivière à la mer », invoquent  la liberté d’expression pour appeler à la disparition d’Israël et se sentent offensés par tout discours de  soutien à Israël. En Europe et aux États-Unis, sur de nombreux campus, ils soutiennent le Hamas, ils harcèlent,  menacent et vandalisent, ils portent atteinte à la sécurité des étudiants et des lieux juifs. 

Des doyens d’universités se drapent dans la défense de la liberté d’expression pour fermer les yeux sur ces  violences, préférant renoncer à leur mission éducative et à l’application de la loi. 

Ils trahissent la liberté d’expression car celle-ci ne peut pas être à géométrie variable, instrumentalisée par  une minorité violente et totalitaire pour pousser ses idées et pour faire taire les autres. 

 

10. Ne pas importer le conflit en Europe 

 

À chaque guerre à Gaza et en Israël, nous entendons qu’il ne faut pas importer ce conflit en Europe, mais la  formule est creuse car le conflit est déjà ici et depuis longtemps, ne serait-ce qu’à travers les couvertures  médiatiques ou les liens familiaux et amicaux que certains, comme moi, ont en Israël ou en Palestine. 

Les images des conflits voyagent. Ici encore, c’est normal et c’est heureux, même si ces images sont violentes  et même si elles vont causer, au choix, de l’empathie, du soutien, du dégoût ou de la colère. 

Le conflit est déjà ici. Il serait mensonger de prétendre que l’Europe ne compte aucun soutien d’Israël, aucun  soutien des Palestiniens, ni aucun soutien du Hamas, même si celui-là relève de l’apologie du terrorisme. Il  serait abusif d’autoriser le soutien à un camp et d’interdire le soutien à un autre camp, sauf s’il est terroriste. 

Puisque le conflit est déjà ici, il paraît plus efficace que les acteurs publics en prennent acte, qu’ils  abandonnent les appels creux à ne pas l’importer et qu’ils se concentrent sur deux enjeux. 

Le premier relève de la communication et c’est la raison d’être de ce texte : éviter les mots piégés et  dangereux qui nourrissent les colères, les haines et les peurs. 

Il faut aussi articuler la nécessité d’éliminer le Hamas avec le souci de protéger les otages et les Palestiniens,  montrer qu’un Proche-Orient sans Hamas sera positif pour les Israéliens, pour les Palestiniens et pour l’Etat  de Palestine, ne pas faire de la guerre à Gaza et en Israël la matrice de tous les conflits… 

Les images des horreurs du 7 octobre, tout comme les images des morts, des réfugiés et des destructions à  Gaza sont dramatiques, mais le cycle de violences se poursuivra, tant que le Hamas existera. 

Le second enjeu relève de l’application des lois et de la sanction des délits et des crimes. 

Toute menace, toute violence, tout acte ou propos antisémite, raciste ou antimusulman doit être sanctionné de façon ferme et rapide. Ce sont les règles en vigueur dans nos Etats de droit depuis bien longtemps. Nos  sociétés européennes n’ont pas attendu le 7 octobre pour les adopter. 

Ces règles, il s’agit seulement de les appliquer. Et si, jusqu’ici, c’est mal fait, il est essentiel de mieux le faire. 

Mais soyons honnêtes et ne mélangeons pas tout, nos sociétés européennes ont leurs propres problèmes  et ils sont sans lien direct avec un conflit qui a lieu à plusieurs milliers de kilomètres. 

 

 

Joël Amar, le 6 novembre 2023

 

 

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