Président de la Commission pour les relations avec les Musulmans
Sur des sujets tellement polémiques, il est nécessaire de bien poser les mots utilisés. D’abord critiquer le gouvernement israélien actuel, en général ou par rapport à son traitement du conflit avec le Hamas, n’est pas de l’antisémitisme ; beaucoup sur place ou dans la diaspora le font au quotidien, et n’ont pas besoin de La France insoumise (LFI) pour le faire. Mais les termes « sionisme » / « antisionisme » ont été largement dénaturés pour servir de paravent à une autre entreprise : disqualifier tous ceux qui, Juifs ou non Juifs, sont attachés à la survie d’Israël ; et camoufler le souhait réel de démanteler un ߚtat. Pour que les choses soient encore plus claires, j’utiliserai l’expression « antisionisme radical » pour ceux qui partagent un tel souhait.
La France insoumise est selon l’expression de son fondateur et principal dirigeant un « mouvement gazeux » : pas de statuts, pas d’adhérents cotisants, pas de débats internes ; mais un vrai programme et une forte présence, à la fois médiatique et sur tous les supports numériques. Jean-Luc Mélenchon n’a pas de fonction officielle mais se comporte en monarque absolu. Les éléments développés à la suite indiquent une radicalité contre l’existence même d’Israël, même si – probablement des militants et certainement de nombreux électeurs de LFI – ne la partagent pas.
Le leader insoumis n’est pas à une contradiction près. En 2020 il faisait une sortie clairement antisémite en disant « je ne sais pas si Jésus était sur la croix, mais je sais que, paraît-il, ce sont ses propres compatriotes qui l’y ont mis » ; il évoquait ainsi un peuple juif présent il y a 2 000 ans sur une Terre qui lui est contestée. L’été dernier aux « amphis » de LFI, Jean-Luc Mélenchon qualifiait la Shoah de « massacre d'une population désignée à cause de sa religion » en l’opposant à un « génocide ethniciste à Gaza » ; on s’en serait pris à une foi et pas à un peuple. Au-delà de son révisionnisme abject, ce propos porte un message implicite : aucun lien non religieux ne peut réunir les Juifs.
Les Insoumis se caractérisent par un refus de connaître la réalité d’Israël. Alors qu’ils disent critiquer seulement un gouvernement, ils n’ont jamais soutenu les manifestations de l’opposition, avant ou après le 7-Octobre. Leur connaissance du pays pourrait passer par des échanges avec notre communauté qui a des liens profonds avec ce pays or ils le refusent, criminalisant même ceux qui en ont. Les seules associations juives mises en valeur par les Insoumis sont des groupuscules affichant un antisionisme radical (« Union Juive Française pour la Paix » et « Tsedek »).
La campagne « Boycott, désinvestissement et sanctions » qui a été lancée au niveau international il y a vingt ans a pour objectif officiel « de dénoncer la colonisation israélienne des territoires occupés » et de « soutenir le droit au retour des réfugiés palestiniens ». Le boycott total d’un pays, non seulement commercial mais également de tous les échanges y compris culturels et académiques, revient à le détruire à plus ou moins brève échéance. Par ailleurs le « droit au retour » consistant en la submersion démographique d’Israël par l’entrée forcée de plus de cinq millions de descendants de réfugiés de 1948, est totalement contraire à la « solution à deux États ». Or La France insoumise a adhéré officiellement à la campagne BDS ; et cela, tout en disant simplement réclamer une solution pacifique basée sur la dite « solution ».
Le communiqué en lien sur le BDS est d’une grande violence, puisqu’il dit notamment : « Depuis 1948, l’État d’Israël viole impunément le droit international et ignore les résolutions condamnant ses politiques coloniales et discriminatoires. » De quelles condamnations s’agit-il ? Aucun territoire n’était « occupé » après la guerre d’Indépendance, aucune résolution de l’ONU n’en parlait. Un tel communiqué fait passer le message toxique du « fait colonial », un message repris ouvertement par deux personnalités bien connues de LFI : la députée européenne Rima Hassan, qui a dit que « Israël est une monstruosité sans nom », et qui réclame ouvertement, comme le Hamas, « un État du fleuve à la mer » ; mais aussi le député Aymeric Caron, dénonçant « les décisions coloniales qui ont conduit à la création d’Israël au détriment des Palestiniens, sacrifiés pour expier les fautes de l’Occident », dans une interview sur le site de l’agence turque « Anadolu ».
Soyons à nouveau bien précis : certes, la ligne d’hostilité absolue à Israël est clairement partagée par toutes les personnalités LFI s’exprimant sur le sujet, et cette unanimité en dit beaucoup sur leur fonctionnement. Simplement, on peut l’exprimer de manière plus ou moins obsessionnelle et avec des références plus ou moins douteuses. Une remarquable étude méthodologique s’est penchée sur les treize comptes X insoumis partageant le plus, avec commentaires, des « informations » publiées sur divers sites. Sur les 4 742 partages relevés en 2024, on relève parmi ceux qui partagent le plus quatre députés polarisés par le conflit israélo-palestinien (Aymeric Caron, Thomas Portes, Rima Hassan et Ersilia Soudais). Mais surtout, on note des sources antisionistes radicales ou plus que douteuses : islamistes, comme « AJ+ » (Al Jazeera en Français) ou « Quds Network » ; voire complotiste et antisémite.
Jean Corcos
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