Jean-Pierre Allali
La pensée juive et la Bible, par Marie Vidal (*)
Sous la direction éclairée de Shmuel Trigano, la revue Pardès nous propose régulièrement des travaux littéraires et philosophiques de qualité. En témoigne ce numéro 68 dans lequel on trouve les interventions d’intellectuels lors du Vème Colloque des Intellectuels Francophone d’Israël.
S’il est vrai que certains auteurs ont tendance à utiliser un langage un peu précieux, l’ensemble demeure intéressant voire édifiant.
Après une introduction de Shmuel Trigano sur le sens même de la pensée juive, interviennent successivement Oury Cherky, autour de la liberté fondamentale, Mikhaël Benadmon, autour de la « dissimulation de la Bible dans l’horizon talmudique et halakhique, Elyakim Simsovic sur l’interdiction de dévoiler certains aspects de la Torah, Shmuel Trigano, à nouveau, sur la langue hébraïque et, plus loin, sur les figures du penseur juif, Francine Kaufmann qui se penche sur le concept d’inchronisme chez André Neher dont la pensée est également analysée par Gaëlle Hanna Serero qui nous présente par ailleurs un inédit de cet auteur, Michaël Wygoda et sa lecture juridique de la Torah suivie de sa relecture de la Bible au présent, Thierry J. Alcolumbre qui nous parle de Moïse et Maïmonide. Et voici Isabelle Cohen avec la temporalité de la lecture biblique et la poétesse Claude Cohen-Boulakia pour laquelle « Tout est bon ».
Le comparatiste Michel Arouimi, pour sa part, décortique, en le critiquant sévèrement, Alfred Marx et son ouvrage : « La stratégie identitaire de l’Israël antique ». Il n’hésite pas à parler de « parti pris antispirituel ». Se référant à l’histoire ancienne et aux Cananéens, Marx chercherait à accréditer l’idée qu’Israël a dérobé les terres des Palestiniens. Bref, « Marx ne met donc en avant les aspirations spirituelles du judaïsme que pour les ensanglanter ».
On s’attachera plus particulièrement à la contribution de Marie Vidal qui revient sur Vatican II, considérant, in fine, que la célèbre déclaration Nostra Aetate n’occupe qu’une place infime dans les attendus du Concile.
Le texte de Vatican III comporte seize parties et Nostra Aetate n’occupe que quelques lignes. Pourtant « L’enthousiasme des groupes catholiques de la génération contemporaine de la Shoah a entraîné les Juifs et les personnalités juives à parler de Nostra Aetate comme s’il représentait l’entièreté de Vatican II ». Une mise au point salutaire.
Un excellent numéro de cette belle revue.
Jean-Pierre Allali
(*) Numéro 68 de la Revue Pardès, Éditions In Press, mai 2022, 232 pages, 23 €.
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