Jean-Pierre Allali
Rose Valland, L'espionne à l'oeuvre, La femme qui sauva 60 000 oeuvres pillées par les nazis, par Jennifer Lesieur (*)
L’énormité de la catastrophe que fut, pour le peuple juif, la Shoah, six millions d’être assassinés et souvent réduits en poussière, a laissé dans l’ombre les malversations criminelles, les vols et pillages à grande échelle dont se sont rendus coupables Hitler et ses acolytes, dont l’immonde Reichsmarschall Goering, commandant en chef de la Luftwaffe, notamment dans le domaine de l’art. Grâce à l’action discrète mais terriblement efficace de Rose Valland et, plus tard des « Monument Men », plusieurs dizaines de milliers d’œuvres signées par les plus grands maîtres et appartenant à des musées ou des familles juives ont pu être repérées et récupérées. Parmi les familles juives concernées : James Mayer, Édouard et Maurice de Rothschild, Georges Wildenstein, les Seligmann, les David-Weill, les Rosenberg, les Veil-Picard, les Lévy de Benzion, les Watson, les Bacri, les Löwenstein, Alphonse Kann… et, pour ce qui est des artistes : Rembrandt, Van Dyck, Vermeer dont L’Astronome était le tableau préféré de Hitler et Le Christ et la femme adultère, vénéré par Goering, Velázquez, Rubens, Goya, Le Titien, Renoir, Monet, Courbet, Ingres, Corot, Van Gogh, Marie Laurencin, Valloton, Delacroix, Boucher, Van Ostade, Chardin, Fragonard…
Les brigands nazis, en plus des toiles de maîtres, jetèrent leur dévolu sur des centaines de sculptures, de meubles, de tapis, de tapisseries et d’objets précieux.
Quand aux peintures considérées comme rétrogrades par les nazis, elles furent tout bonnement lacérées et brûlées : Masson, Dali, Picasso…
Après la débâcle allemande et la capitulation du Reich, le bilan est lourd, épouvantable : « À la date d’août 1944, 203 collections particulières avaient été pillées, Soit plus de 21 900 objets d’art dont 10 000 tableaux, dessins, gravures ; 500 000 meubles et objets domestiques et plus d’un million de livres et manuscrits… »
Rien ne prédestinait, pourtant, Rose Valland, à ce rôle d’espionne, « une espionne insoupçonnée et insoupçonnable ». Pour sa biographe, « Le roman de sa vie lui redonne sa place dans l’Histoire ».
Née dans le Dauphiné, le 1er novembre 1898 Rosa-Antonia Valland était la fille unique de François, maréchal-ferrant et de Rosa Maria. Après une scolarité à l’École Normale de la Côte Saint-André, elle a été reçue première au concours des bourses de l’Isère et poursuivi un cursus à Grenoble avant d’intégrer les Beaux-Arts à Lyon puis à Paris. Elle compléta sa formation à l’École du Louvre et à L’Institut d’Art et d’Archéologie de l’Université de Paris et rédigea successivement deux thèses. C’est en 1932 qu’elle rejoint le Musée du Jeu de Paume où elle sera responsable du bâtiment et de ses collections. Lorsque les hordes hitlériennes envahirent la France, Rose participa à l’évacuation et à la mise à l’abri de centaines de pièces. Cela n’empêcha pas les charognards allemands de voler tout ce qu’ils purent. Le patrimoine français se retrouva, entre autres, à Carinhall, la résidence de Goering.
Témoin privilégiée des exactions allemandes, Rose Valland, dotée d’un mémoire photographique hors du commun et d’une plume discrète, consigna tous les méfaits. C’est ce qui permettra, après la défaite des barbares, de récupérer plusieurs dizaines de milliers d’œuvres.
Le 4 juin 1952, Rose Valland fut nommée conservateur des Musées nationaux. Elle avait alors 53 ans. Elle ne prit sa retraite qu’à 70 ans. Elle est morte à Ris-Orangis le 18 septembre 1980.
Un livre magnifique !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Robert Laffont, Postface d’Emmanuel Polack, mai 2023, 240 pages, 19,50 €
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