Jean Pierre Allali

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Lectures de Jean-Pierre Allali – Pourquoi le poète Ilarie Voronca s'est-il suicidé ? Correspondances inédites (1939-1947), par Carol Iancu

05 Mars 2024 | 66 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

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Pourquoi le poète Ilarie Voronca s'est-il suicidé ? Correspondances inédites (1939-1947), par Carol Iancu (*)

 

Les célébrités françaises d’origine roumaine sont légion. Qu’on pense par exemple, dans le domaine de la littérature, à Eugène Ionesco, à Emil Cioran, Elie Wiesel, Virgil Gheorghiu, Isidore Isou, Panait Istrati ou encore Tristan Tzara. Et aussi, pour ce qui est de la musique, à Vladimir Cosma. Sans oublier le journaliste Henry Chapier, les réalisateurs Marin Karmitz et Radu Mihaileanu, ou encore l’actrice Elvire Popesco. Le poète Ilarie Voronca est moins connu. C’est pourquoi on sera reconnaissant à Carol Iancu de nous permettre, par le biais de l’ouvrage qu’il vient de publier, de le découvrir et, pour certains, de le redécouvrir.

Ilarie Voronca, de son vrai nom Eduard-Edy Marcus, est né le 30 décembre 1903 à Brãila, port roumain sur le Danube, qui abritait alors une importante communauté juive. Sa famille ayant décidé de rejoindre la capitale, c’est à Bucarest qu’il poursuivra sa scolarité puis des études de droit. Licencié en 1924, il ne s’engagera pas dans la profession d’avocat à laquelle il était destiné, préférant se lancer dans les assurances. Le 2 mai 1927, il épouse Colomba Spirt. Le couple décide, en 1933, de s’établir à Paris où Voronca pratiquera divers travaux purement alimentaires, notamment en dirigeant une émission radiophonique, la Section Roumaine à la Maison de la Radio. Les Voronca obtiennent la nationalité française le 16 juin 1938. Peu après, Ilarie et Colomba se séparent, le poète étant tombé amoureux fou de la belle Rovena Valeãnu. Ce qui ne l’empêchera pas d’avoir, tout au long de sa vie, comme il le montrera dans certains poèmes, des sentiments profonds à l’égard de Colomba. Lors de la Seconde Guerre mondiale, Ilarie Volonca est affecté dans un régiment d’infanterie. On le retrouve plus tard à Marseille puis à Orpierre et à Moyrazès, dans l’Aveyron, où il sera l’hôte de Jean et Élise Mazenq, deux êtres d’exception qui l’auront profondément marqué au point que certains prétendront que le poète, sous leur influence, se serait converti au christianisme, comme il le dit, d’ailleurs, dans certaines de ses lettres. Il semblerait que ce fut plutôt une tactique lui permettant d’échapper aux rafles antisémites. En tout état de cause, ce ne fut pas une conversion officielle mais plutôt un état d’esprit. Pendant les années noires de l’Occupation allemande, Voronca fera partie de la Résistance. D’un point de vue politique, il adhéra au parti communiste. C’est en apprenant que Rovena le « trompait » avec plusieurs amants, que Voronca, par ailleurs atteint d’une pleurite endémique, souffrant de graves problèmes dentaires et particulièrement désabusé, se suicidera le 4 avril 1946, laissant à la postérité une œuvre particulièrement féconde. « Rovena est si inhumaine, si vulgaire, si basse. J’en ai vraiment assez… ».  « J’ai des moments où la mort me semble encore la meilleure solution. La mort ? Car que faire de ma vie… ».

Il repose désormais au cimetière parisien de Pantin. Il était, nous dit Carol Iancu, « le poète de l’avant-garde roumaine, théoricien du modernisme » qui publia régulièrement, notamment dans les Cahiers du Sud, dirigés par Jean et Marcelle Ballard.

Carol Iancu a réussi à mettre la main sur des correspondances, souvent inédites, du poète, ce qui lui a permis de reconstituer, patiemment, son parcours. Ces missives sont regroupées en sept annexes : A/ Avec Jean et Marcelle Ballard B/ Lettres à Saül Axelrud C/ Lettres de Rovena Vãleanu à Ilarie Voronca D/ Lettres à Élise et Jean Mazenq E/ Lettre de Wilhelmina Iagnov (sœur du poète) à Jean Mazenq F/ Lettre de Colomba Voronca à Saül Axelrud G/ Témoignage de Suzette Mazenq-Belmonte. En H/ un agréable cahier iconographique agrémente cet ouvrage véritablement original.

 

À découvrir !

 

Jean-Pierre Allali

 

Éditions L’Harmattan, juillet 2024, 236 pages, 27 €.

 

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