Pierre Haas

Délégué régional du Crif Alsace

Actualités des régions/Vel d'Hiv - Discours du Crif Alsace à la cérémonie commémorant le Vel d'Hiv

21 Juillet 2021 | 62 vue(s)
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France

Mardi 16 juillet 2024, s'est tenue la cérémonie nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites et d'hommage aux Justes de France, commémorant la rafle du Vél d'Hiv organisée par le Crif en collaboration avec le Ministère des Armées. Cette année, à l'approche des Jeux Olympiques, la cérémonie s'est tenue au Mémorial de la Shoah. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé, dans un contexte national et international difficile.

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Actualité

Vendredi 9 août 2024, s'est tenue la cérémonie en hommage aux victimes de l'attentat terroriste de la rue des Rosiers, organisée par le Crif en collaboration avec la Mairie de Paris. La cérémonie s'est tenue devant l'ancien restaurant Jo Goldenberg, au 7 rue des Rosiers. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé dans la lutte contre l'antisémitisme sous toutes ses formes, en dénonçant notamment celle qui se cache derrière la détestation de l'Etat d'Israël.

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Opinion

Mardi 16 juillet 2024, s'est tenue la cérémonie nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites et d'hommage aux Justes de France, commémorant la rafle du Vél d'Hiv organisée par le Crif en collaboration avec le Ministère des Armées. Cette année, à l'approche des Jeux Olympiques, la cérémonie s'est tenue au Mémorial de la Shoah. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé, dans un contexte national et international difficile.

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Mesdames et Messieurs,

Si nous nous retrouvons aujourd’hui à un horaire légèrement décalé c’est parce que nous sommes  le 9 du mois d’Av dans le calendrier hébraïque. Ce jour s’appelle Tisha Beav. C’est un jour de jeûne et de deuil qui commémore plusieurs événements tragiques de l’histoire du peuple juif, malheureusement donc totalement de circonstance.

C’est une célébration d’origine rabbinique qui commémore simultanément la destruction du Premier et du Second Temple de Jérusalem. En effet en 586 avant Jésus Christ, le premier Temple de Jérusalem a été détruit par Nabuchodonosor II de Babylone.

Le second Temple reconstruit à Jérusalem, capitale du royaume d’Israël, est incendié en 70 après Jésus Christ, à la même date du 9 et 10 du mois d’Av par les légions romaines de Titus.

Soixante ans après, sous le règne de l’empereur Hadrien, une seconde grande révolte juive éclata. Jérusalem est complètement rasée. La province romaine de Judée sera alors débaptisée en Palestina par les romains en référence au peuple philistin.

A cette époque, la religion Chrétienne se développe comme une secte juive et les arabes musulmans ne viendront dans cette région que 566 ans après.

Il est essentiel de connaître l’histoire pour comprendre les enjeux d’aujourd’hui particulièrement dans cette région du monde pour tous ceux qui traitent les juifs de “colon” dans le pays de leurs ancêtres.

Et c’est aussi pour cela, pour l’histoire, maintenant que les derniers acteurs disparaissent, que nous nous retrouvons dans le cadre de  cette "Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France" symbolisée par la terrible rafle du Vél d’Hiv.

Nous commémorons aujourd’hui la rafle des 13 152 Juives et Juifs, enfants, jeunes et vieux, qui eut lieu à Paris les 16 et 17 juillet 1942 au Vélodrome d’Hiver.

Cette rafle, ce rassemblement ordonné par les Nazis est exécuté avec zèle par les autorités françaises collaborationnistes du Gouvernement de Vichy.

Ces 13 152 personnes rejoignirent des camps de regroupement, notamment à Drancy, avant d’être transportées dans des trains à bestiaux vers leur extermination programmée dans les chambres à gaz et les fours d’Auschwitz-Birkenau en Pologne. Un mois plus tard, la presque totalité des 13 152 Juifs n’était plus que cendres. Seuls quelques dizaines d’adultes survivront, mais aucun enfant sur les 4 115 déportés. Certains furent sauvés avant la déportation comme ce bébé sorti du Vel d’Hiv par une infirmière et qui ne connaîtra jamais ses parents.

La Shoah, crime contre l’humanité sans précédent dans l’Histoire, aura anéanti l’existence de millions d’êtres humains essentiellement européens. Leur seul tort : être d’origine juive.

Car il est nécessaire de rappeler que ces enfants, ces femmes et ces hommes pris dans la rafle du Vel d’Hiv étaient pour la plupart des Juifs d’Europe, réfugiés en France sous la pression des premiers crimes annonciateurs de la haine antisémite qui explosa dans l’Entre-deux guerres en Europe.

Allemands, Autrichiens, Hongrois, Roumains, Polonais, Russes, apatrides : ils avaient demandé et obtenu pour la plupart l’autorisation de résider dans la patrie des Droits de l’Homme. Mais l’antisémitisme n’avait pas de frontières. Trahis, ils périrent. La rafle du Vel d’Hiv ouvrait également la voie à l’extermination des Juifs de France, pourtant bénéficiaires de la citoyenneté française depuis 1791.

La brutalité de la rafle de 1942 que nous commémorons chaque année depuis 76 ans nous renvoie au contexte national, européen et international d’aujourd’hui.

Beaucoup d’entre nous pensaient que plus jamais cela ne se reproduirait. Et chaque année, depuis quelques décennies désormais, nous assistons à la résurgence de ce qu’il faut clairement nommer, de l’antisémitisme en France et dans le monde, quelle que soit l’origine des auteurs et leurs motifs.

Je tiens a rappelé qu’en France nous avons connu depuis 2006 et le rapt meurtrier d’Ilan Halimi, l’assassinat de 11 Français et Françaises à raison de leur identité juive ou de leurs supposées caractéristiques juives.

A ces chiffres macabres, il faut ajouter les 12 000 plaintes d’actes antisémites depuis l’année 2000, soit une moyenne de plus de 550 plaintes chaque année, dont certaines ont fait l’objet d’une condamnation judiciaire pour agressions et violences à caractère antisémites, c’est plus d’un par jour.

D'après la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui vient de rendre son rapport au Président de la République, « alors que les Français juifs représentent moins de 1% de la population totale, ils subissent  plus d’un quart des actes racistes ».

Les violences, parfois meurtrières, menaces, injures et intimidations diverses contre des Juifs sont légion, à raison du port d’une kippa, d’un patronyme, d’une médaille, d’une appartenance, d’un air « qui ne revient pas » ; au nom de vieux préjugés alimentés ou manipulés par des polémistes professionnels ou médiatiques, dont certains ont été condamnés plusieurs fois par la justice. Je ne ferai pas l’honneur de les nommer, et pourtant certains continuent à faire leur spectacle en toute impunité et s’annoncent même dans notre région cet été.

Enfin, osons dire ce qui est une évidence : l’antisémitisme en France et dans le monde procède en partie d’une version radicale d’un islam conquérant et raciste : l’islamisme, contre les Juifs et les occidentaux, le conflit israélo-palestinien lui servant de paravent et d’amplificateur.

L’Alsace n’est malheureusement pas, et de loin, épargnée par la résurgence de l’antisémitisme, on dénombre dans notre région depuis 20 ans :

  • Des profanations de cimetières à Schiltigheim, Sarre-Union, Brumath, Wolfisheim, Strasbourg Cronenbourg, Herrlisheim, Quatzenheim ou Westhoffen,
  • Des dégradations de synagogues à Strasbourg Esplanade, à Lingolsheim, à Mulhouse, à Mommenheim,
  • De nombreux tags et inscriptions antisémites ou nazies sur des établissements publics ou collectifs,
  • Des provocations et agressions verbales dans l’espace public – il y a quelques semaines encore devant la synagogue de la Paix –, ou adressées spécifiquement au domicile de particuliers,
  • Le refus de livrer des repas casher au domicile de citoyens à raison de leur supposée identité,
  • Des agressions physiques sur des personnes portant des signes religieux ou évoquant leurs attaches réelles ou supposées à Israël,
  • Dans des enceintes universitaires, des prises de positions hostiles aux Juifs, par exemple durant des débats sur le Moyen-Orient, ou bien dans des assemblées délibératives en conseil municipal ou communautaire, le refus ambigu d’adopter une définition partagée de l’antisémitisme proposée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, qui a profondément blessé.

La liste n’est malheureusement pas exhaustive. Les agressions vont crescendo et sont ouvertement ostentatoires et de plus en plus physiques ; on affiche désormais clairement son hostilité, des menaces on passe aux actes.

Pour la communauté juive de notre ville, Strasbourg, pour toutes les communautés d’Alsace, pour tous ceux dont l’identité juive a un sens dans leur existence, le doute s’installe. Face à un tel contexte: Quel avenir pour les juifs ?

Comment ne pas penser au destin funeste de ces juifs étrangers réfugiés en France et raflés, il y a 76 ans et pour lesquels nous nous rassemblons ce jour ?

Depuis que les êtres humains sont doués de langage, le verbe a presque toujours précédé la violence. Aussi, je terminerai mon propos en soulignant deux ressorts fondamentaux de l’antisémitisme contemporain : le poids des mots et de la rhétorique, d’une part, et l’hyper communication dans un monde désormais numérique, d’autre part.

Les mots élaborent la violence, ils la construisent. Durant au moins un siècle et demi en Allemagne et en Autriche en particulier, des discours populistes et des rhétoriques savantes ont construit et entretenu la haine contre les Juifs, jusqu’à la culmination de la Shoah.

Les éructations verbales des nazis ont précédé la Conférence de Wannsee, elle-même précédée par Mein Kampf, lui-même précédé par le Protocole des Sages de Sion, etc. L’antisémitisme n’est pas un phénomène spontané, il s’origine loin dans le temps et aux tréfonds des âmes, des pratiques sociales, parfois dans le droit, voire dans de pseudosciences.

Le droit précisément n’est que construction intellectuelle où la parole est essentielle, compromis entre les points de vue et les intérêts de la société et des individus. La décision du 14 avril 2021 de la Cour de cassation, favorable par défaut à l’assassin de Sarah Halimi car l’exonérant d’une condamnation pour cause d’altération du discernement entraînant son irresponsabilité, ne doit rester qu’un funeste précédent. Nous attendons avec détermination que le droit évolue. Sarah Halimi et l’ensemble de la communauté juive de France ont été privés d’une juste condamnation de son assassin dont l’antisémitisme a pourtant été reconnu par la même justice.

La commission d’enquête parlementaire dans cette affaire doit justement démarrer ses travaux le 27 juillet, nous les suivrons avec attention.

L’antisémitisme est donc un phénomène culturel fondé dans la parole, dans le langage, dans leurs expressions. Il doit par conséquent être combattu par les armes de la culture. Le droit, mais aussi les instruments numériques d’information et de communication d’aujourd’hui, c’est mon second point.

Nous le savons tous : le principal vecteur d’élaboration et de diffusion de la haine contre les Juifs est Internet, cette toile mondiale sans limite ou presque, sur laquelle sont imaginés et où s’expriment fake news, théories du complot, manipulations de toutes sortes, mensonges. On le sait : le moindre tressaillement localisé fait immédiatement écho sur tous les continents. L’antisémitisme n’est pas un problème local, régional ou seulement national, c’est une mécanique qui transcende toujours les frontières de l’Europe, du continent américain, du Moyen-Orient et de l’Afrique notamment.

La presse dite sérieuse est aussi l’otage de ces ressorts planétaires. Contester la politique de l’État d’Israël est une chose, amplifier les discours radicaux de haine contre ses habitants et contre les Juifs où qu’ils soient, ou bien occulter une partie des faits, en est une autre. Tout comme on peut légitimement critiquer la politique de la France mais juger inacceptables les appels au meurtre de ses ressortissants, la situation au Proche-Orient est bien plus complexe que les simplifications et les caricatures de certains.

L’antisémitisme n’a toujours pas de frontières. Il suffit ainsi d’observer sur la Toile la rapidité de la circulation des messages, la virulence des échanges, des propos, des images, des arguments, des contre-vérités visant Israël et les Juifs en général, pour mesurer combien il est urgent de réagir et surtout de s’en prémunir.

C’est pourquoi, nous appelons les autorités françaises et européennes, à Strasbourg, Capitale de l’Europe, à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires et efficaces pour débusquer et prévenir les discours et les tentations antisémites, par l’encadrement des réseaux sociaux, de Facebook à Twitter en passant par Tik Tok et autres plateformes qui touchent éminemment, entre autres cibles, les jeunes et les populations les plus perméables aux discours démagogiques et aux passages à l’acte.

C’est pourquoi, les Juifs de France, d’Europe et d’ailleurs doivent eux-mêmes s’armer culturellement pour démonter et combattre systématiquement le langage de l’antisémitisme, les appels à la violence contre des individus et des groupes à raison de leur identité juive. C’est ce qu’essaye de réaliser le Crif avec sa cellule digitale. Mais aussi à travers les procédures pénales, comme vous avez pu le lire récemment par la condamnation en Alsace d’un professeur de mathématique qui soutenait financièrement un site suprémaciste.

Ne pas oublier, être lucide et combatif pour préserver notre avenir : la rafle du Vel’ d’Hiv n’arrivera plus jamais, ici ou ailleurs ; c’est l’engagement que chacun doit prendre désormais au fond de lui.

Pour notre avenir à tous.

Je vous remercie de votre attention.