Virginie Guedj-Bellaïche

Journaliste-Blogueuse

Bordure protectrice : un an après ... la vie.

22 July 2015 | 1016 vue(s)
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Opinion

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Eté 2014. Pendant 1 mois et 18 jours, Israël a vécu au rythme des alertes et d’une guerre qui ne dit pas son nom. Un an plus tard. Juillet 2015 : Que reste-t-il de ces jours d’angoisse ?

Nous sommes le 8 juillet. C’est le lendemain de mon anniversaire, difficile d’oublier. Je vis ma première alerte. Il est un peu plus de 22h30, je découvre le miklat  - abri-blindé de mon immeuble. Des cafards agonisants aux quatre coins de la pièce, des chaises de jardin en piteux état, des voisins rassurants et souriants malgré l’heure tardive et nos tenues qui vont avec.  Des alertes, il y en aura d’autres. Une dizaine en tout, moins qu’à Tel-Aviv et Ashdod ou Ashkelon mais suffisamment pour mesurer que cet été n’est évidemment pas comme les autres.

Chaque matin, je tente de déchiffrer les journaux. En une, les familles endeuillées enterrent un père, un mari, un fils, un frère. Au bord des cercueils, il y a les parents, les amis, les frères d’armes. J’ai gardé tous les journaux de ce terrible été. Un an après, derrières les visages juvéniles des soldats qui s’étalent au fil des pages, je vois tout ce qu’on ne dit pas. Ces bribes de vie anodines qui faisaient le sel des récits familiaux, ces traits de caractères qu’ils tenaient assurément « du père ou du grand-père ». Et puis, il y a ces projets qui ne verront jamais le jour.

Ce mariage prévu dans quelques semaines comme pour Benaya Sarel, commandant de Tsahal tombé au combat le 1er aout 2014. Ce voyage en Asie qu’on prévoit après la mobilisation. Cette boîte qu’on va monter avec l’ami d’enfance. Cette allée du jardin qu’on a commencé à repaver. Cet  enfant qui va naître.  Au total, 67 soldats de Tsahal tomberont à Gaza l'été 2014. Un an après, leurs noms ont rejoints la longue liste des soldats tombés depuis 1948 dont on commémore chaque année le souvenir. Depuis que je vis ici, je constate chaque jour combien les israéliens ont une capacité incroyable à reprendre pied dans la vie, à être dans la vie.

Qu’ils soient pratiquants ou non, les israéliens vivent avec la certitude que tout n’est pas entre leurs mains. Cette conviction s’accompagne d’un tel enthousiasme, d’un tel instinct de survie, d’une telle énergie qu’il est impossible d’y voir de la résignation. Chaque année, pour  yom hazikaron – jour du souvenir, les israéliens observent une minute de silence pour se rappeler des soldats morts pour cette terre et les victimes de terrorisme. Pendant 60 secondes, ils se figent, sur les autoroutes, dans les magasins, les rues, les écoles, les administrations, les bureaux. On est souvent bluffé de voir comment au même moment tout un pays fait « pause ». Mais finalement, on devrait être autant impressionnés de voir que les 365 autres jours de l’année, les israéliens vivent, rient, sortent, travaillent font la fête en dépit de la menace permanente d’une guerre.

Un an après cette guerre, si personne ne fait abstraction de la peine immense et du malheur qui ont touché celles et ceux qui ont perdu un être cher, un constat s’impose. La vie a repris le dessus comme à chaque fois. Après la mort de Gilad, Eyal et Naftali, des jeunes étudiants de Yeshiva ont continué de faire du stop pour rentrer chez eux le chabbath. Le lendemain de l’attentat  perpétré dans la synagogue Kehilat Bnei Torah de Har Nof  à Jérusalem, des milliers d’hommes se sont rendus dans leurs lieux de prières pour l’office du matin.

Un an après « Bordure protectrice », tous les projets inachevés de ceux qui sont tombés ont un goût amer. Dans l’avion qui emmènera vers l’Asie ces jeunes israéliens libérés de leurs obligations militaires, on pensera à celui qui n’est pas du voyage.  Pour combler l’absence de son nom dans les statuts de constitution de la société créée entre copains, on se promet d’accrocher son portrait dans des futurs locaux. Mais la vie est là, et cet enfant qui devait naitre doit sûrement marcher à quatre pattes dans une allée de jardin que des amis ont finalement terminée.