Jean-Pierre Allali
Fauteuil d'artiste - Autobiographie, par Frédéric Zeitoun (*)
C’est un beau roman, c’est une belle histoire. Et cette histoire, c’est celle de Frédéric Zeitoun, « le petit Juif à roulettes ».
Fils d’Henri et de Dolly Zeitoun, Frédéric a vu le jour à Tunis le dimanche 2 juillet 1961. Ce qui, pour ses parents et pour ses deux sœurs, Martine et Annie, aurait dû être un jour de joie va rapidement tourner au cauchemar. L’accouchement n’en finit pas… huit heures de lutte et de forceps avec, à l’arrivée, un verdict impitoyable : le bébé est mal barré. Sa colonne vertébrale est incomplète. Pour le dire autrement, Frédéric Zeitoun est né paraplégique. Dès lors, pour lui donner une chance, il convient de l’opérer… à Paris. C’est chose faite. Le 10 juillet 1961, à peine âgé de huit jours, le bébé handicapé se retrouve à l’hôpital Bretonneau. Pour la famille, c’est l’adieu au jasmin et à la brise marine. Direction : une HLM de la Seine-Saint-Denis et, pour Henri Zeitoun, un poste de soudeur à Montreuil. Les Zeitoun sont tunisiens et, ironie de l’histoire, c’est grâce au préfet Maurice Papon, qu’ils obtiendront la nationalité française ! La famille va vivre un judaïsme traditionaliste rythmé par le couscous boulettes du vendredi soir et les vacances estivales en Espagne.
Dès sa tendre enfance, le petit Frédéric va connaître les béquilles et le fauteuil roulant. Mais il saura très vite s’adapter pour coller au plus près à la « vraie vie ». En 1967, le voilà scolarisé à Aulnay-sous-Bois mais, il est interdit de récré car la cour, c’est dangereux ! Plus tard, ce sera, à treize ans, la bar-mitzvah. Et une passion naissante : l’écriture et la chanson. Frédéric va participer modestement à des spectacles et, à force de ténacité, va forcer les portes des décideurs.
Une fois son baccalauréat en poche, la question de l’orientation professionnelle se pose. Dans les familles juives tunisiennes, le top du top pour un jeune qui se lance dans les études et la vie professionnelle, c’est la médecine. En deuxième choix, la dentisterie et, à la rigueur, le barreau. Mais Frédéric ne l’entend pas de cette oreille. Il veut écrire. Le voilà pion à roulettes à Villepinte et étudiant en droit. Il finira par décrocher pour la forme, un DESS en droit de la communication audiovisuelle délivré par l’Université de Paris 1. Lors d’un voyage à New York, il s’offre une guitare Ovation. Il a vingt-et-un ans quand il signe son premier contrat avec la maison Chappell avant de s’envoler pour Jérusalem. Avec ses amis, l’Université d’été sur le Mont Scopus, c’est la franche rigolade. Handicapé, certes (il n’aime pas le mot !), mais d’une activité débordante. Grâce à Jean-Yves Laneurie, il va connaître Albert Amsellem, patron des variétés d’Europe 1. Une carrière artistique commence.
Mai 1992. Frédéric est de nouveau en Israël. Il y retrouve Sabrina, une amie qui sera, finalement, le « cadeau de sa vie ». Il l’épousera à Las Vegas avant d’adopter, en 2007, en Éthiopie, Simon, un nourrisson.
On est véritablement époustouflé par le nombre de vedettes qui seront des amis de Frédéric : Charles Aznavour, Enrico Macias, Michel Drucker, Dalida, Rika Zaraï, Frédéric François, Jacques Martin (« J’ai passé dans l’équipe Martin les quatre plus belles années de ma vie professionnelle »), William Leymergie, Michel Fugain, Manu Dibango, Serge Lama et bien d’autres.
L’auteur ne manque pas, au fil des pages, de s’en prendre aux pouvoirs publics et à l’administration pour le peu d’efforts réalisés, malgré les promesses, en faveur des personnes en situation de handicap.
En conclusion, nous dit Frédéric Zeitoun, « je crois que le meilleur reste à venir, j’espère bien que mon fauteuil d’artiste n’a pas fini de rouler… »
Ce très beau récit est entrecoupé par des textes de chansons écrites par l’auteur et par un beau cahier iconographique de photos émouvantes.
À découvrir sans tarder !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions de L’Archipel, octobre 2022, 240 pages, 20 €