Président du Crif, un militant juif et citoyen
Je n'ai pas eu le privilège de connaître personnellement Mireille Knoll mais aujourd'hui je sais pourtant ce que je lui dois.
Hier soir, son meurtrier a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Une décision de justice n'est jamais une victoire. Ca ne peut malheureusement pas être non plus ici un acte de réparation. C'est en revanche une reconnaissance. En déclarant que "le caractère crapuleux a été alimenté par une haine en raison de l'appartenance", le verdict n'a éludé aucune des réalités de ce drame : oui, Yacine Mihoub a sauvagement tué Mireille Knoll. Oui, l'antisémitisme fut l'une des motivations de ce crime.
Ce que nous devons désormais à Mireille Knoll, c'est peut-être avant tout cette reconnaissance publique : il n'y a pas de petit antisémitisme. Il n'y a pas de préjugé ou de haine qui ne soient pas in fine dangereux. Il y a au contraire un dramatique continuum, qui à partir d'une "détestation larvée" des Juifs a mené à la violence barbare. Qui à partir de l'un des préjugés les plus éculés sur la prétendue richesse des Juifs a conduit au meurtre d'une personne âgée vulnérable.
Que ce précieux rappel nous vienne d'une rescapée de la Shoah, voilà qui n'est sans doute pas dû au hasard : son destin témoigne du fil continu qui lie tous les visages de l'antisémitisme à travers l'histoire contemporaine. Le parcours de son meurtrier, dont la cour a rappelé l'intérêt pour des livres à la fois sur Mohamed Merah, la Charia et Mein Kampf, ne dit pas autre chose sur la manière dont l'islamisme et l'antisémitisme du quotidien s'inscrivent dans les pas de l'antisémitisme historique.
On a souvent présenté symboliquement Mireille Knoll comme la "grand-mère de tous les Français", tant son visage souriant avait ému nos concitoyens. Assurons ce soir sa famille, et en particulier ses enfants et petits-enfants, que s'ils sont ceux qui doivent porter son deuil, chacun des Français pourra, on l'espère, entendre son ultime message.
Qu'au souvenir de Mireille Knoll soit associé celui de Sarah Halimi et de toutes les autres victimes de l'antisémitisme.
Yonathan Arfi