Jean-Pierre Allali
Budapest 1944. Des diplomates sauvent des Juifs, par Larissa Caïn (*)
Chirurgien-dentiste, spécialisée en orthodontie, l’auteure est née en Pologne en 1933. Enfermée dans le Ghetto de Varsovie, elle a dix ans quand elle parvient à s’en échapper. Plus tard, elle s’installera en France. Dans ce livre très documenté, elle a décidé, tout en narrant les dernières années de la Guerre 1939-1945 en Hongrie, de mettre l’accent sur les Justes des Nations qui, souvent au péril de leur vie, ont sauvé des Juifs en danger de mort.
Après la reddition de l’armée allemande à Stalingrad, le 2 février 1943, on pouvait penser que les Juifs de Hongrie, plus de 800 000 âmes à l’époque, malgré l’antisémitisme latent du pays dirigé par le sinistre amiral-régent Miklos Horthy, étaient désormais à l’abri. Il n’en fur rien, hélas. En mars 1944, les Allemands, pourtant aux abois, envahissent la Hongrie, leur allié. Le sinistre Adolf Eichmann va déployer dans le pays ses Sonderkommandos de la mort. La fin du peuple juif de Hongrie est alors inscrite en lettres de feu dans l’Histoire.
D’autant plus que le 15 octobre 1944, Horthy, qui a signé un armistice avec les Alliés, est destitué. Le nazi Ferenc Szalasi, chef du parti des Croix Fléchées, le remplace. La peste a laissé la place au choléra.
Raoul Wallemberg, Angel Sanz Briz, Giorgio Perlasca, Carl Lutz, Monseigneur Angelo Rotta, Senpo Sugihara, Aristide de Souza Mendès, Salahettin Ülkümen et bien d’autres, ont sauvé l’honneur de l’humanité. Désobéissant souvent aux ordres de leur hiérarchie, ils auront permis de maintenir en vie des milliers de Juifs menacés d’extermination et qui, pour beaucoup, prendront le chemin du futur État d’Israël, alors en gestation.
Ces diplomates, avec courage et détermination, multiplient la création de « maisons protégées » et délivrent sans compter des « certificats de protection », véritables sauf-conduits salvateurs. Un ensemble d’immeubles à statut diplomatique jouissant de l’extraterritorialité, où sont mis en lieu sûr des milliers de Juifs devient un véritable « Ghetto international »
Au fil des pages de ce récit très intéressant, nous découvrons, entre autres, les deux rencontres du diplomate suisse, Carl Lutz, ancien consul en Palestine, avec Adolf Eichmann, pour tenter de sauver huit mille enfants juifs, l’épopée d’Hannah Szenes, poétesse et parachutiste d’Israël, arrêtée exécutée par les nazis le 7 novembre 1944, l’évasion du camp de la mort d’Auschwitz, de Rudolf Vrba et d’Alfred Wetzler, la destinée d’Imre Kertesz, futur prix Nobel de littérature ou encore l’inlassable entreprise de Serge et Beate Klarsfeld, avec l’aide de Lili Jacob, pour parvenir à publier « L’Album d’Auschwitz ».. Sans oublier l’action téméraire et courageuse d’un secrétaire de mairie, Pal Szaley, qui sut tenir tête au général SS Schmidthuber et à ses troupes, pour empêcher, le 15 janvier 1945, à la veille de l’arrivée des troupes soviétiques dans la capitale hongroise, le massacre programmé de 70 000 Juifs rassemblés dans le ghetto et les invraisemblables négociations intitulées « Blood for Goods », « Sang contre marchandise », en réalité « Juifs contre argent » ou encore « 1684 », qui permirent d’acheter littéralement des Juifs aux nazis moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. Et cela grâce à l’action courageuse de héros comme la Slovaque Gisi Fleischmann ou le Hongrois Rudolf Kaszner.
Malgré un côté parfois un peu brouillon, un travail exemplaire. À découvrir.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions L’Harmattan. Avril 2020. 170 pages. 17,50 €.