Blog du Crif - Récit de mon voyage à Auschwitz, par Eliott Hirsbein

01 Février 2023 | 175 vue(s)
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Opinion

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Eliott Hirsbein a 15 ans. Après avoir fait venir Ginette Kolinka pour témoigner dans son lycée, à sa propre initiative, il raconte dans ce texte son voyage à Auschwitz-Birkenau, le dimanche 22 janvier 2023 avec le Crif. Il raconte sa rencontre avec Ginette Kolinka, celle avec Esther Senot, toutes deux rescapées du camp, et il rappelle combien lui, Eliott Hirsbein, est désormais un « passeur de mémoire », un « témoin des témoins »

 

« C’est pendant le premier confinement de mars 2020 que j’ai lu le livre de Ginette Kolinka, Retour à Birkenau. Je l’ai lu d’une traite et il m’a fallu quelques temps pour me remettre de ce récit bouleversant, si simple dans son écriture et qui dénonce pourtant l’incompréhensible.

Avec Madame Kolinka, en effet, tout est simple. La faire venir pour témoigner dans mon lycée était une évidence et la contacter, un jeu d’enfant. Les messages qu’elle m’a laissés sur mon répondeur, avant que l’on se parle de vive voix, sont à son image, plein de vie et d’humour. Très vite, il a fallu bloquer une date… Ah ça par exemple, c’est beaucoup moins simple ! Du haut de ses 98 ans, cette drôle de petite dame a un emploi du temps de ministre et une énergie débordante. Grâce à mon professeur d’histoire, tout s’est très vite organisé.

La rencontre a eu lieu samedi 21 Janvier 2023, à Saint-Germain-en-Laye, dans la salle Jacques Tati et ce moment restera, j’en suis sûr, gravé dans le cœur de chacun. C’est une grande chance d’avoir pu écouter pendant plus de deux heures une des dernières rescapées de la Shoah et des camps de la mort. Madame Kolinka a répondu avec précision et beaucoup de patience à toutes nos questions. Son discours était poignant, et j’ai lu dans les yeux de mes camarades une réelle émotion ; des larmes coulaient sur certains visages. Quelle belle leçon de vie, de courage et d’Humanité nous avons reçue !

Elle est repartie, son sourire indéfectible aux lèvres malgré les cauchemars qui doivent probablement la hanter quand elle ferme les yeux… Mais Ginette Kolinka ne s’est pas reconstruite sur un désir de revanche, elle a choisi la vie et appelle « passeurs de mémoire » ceux à qui elle raconte inlassablement son histoire. Elle en a fait sa mission depuis près de trente ans, cela occupe ses journées et comme elle le dit si bien, « le reste, elle le fera quand elle sera plus vieille »…

Le hasard du calendrier a fait que le lendemain, mes parents avaient réservé, grâce au Crif, un voyage à Auschwitz-Birkenau.

La journée était extrêmement bien organisée, nous nous sommes d’abord rendus au camp de Birkenau et avons pu observer la judenrampe, les blocks, les vestiges de chambres à gaz et de fours crématoires. Les mots de Ginette Kolinka résonnaient encore dans ma tête et prenaient forme au fil de la visite. Nous avons eu le privilège d’entendre un long moment Esther Senot, elle aussi rescapée de ce camp. Ce qui m’a frappé dans les témoignages de ces deux femmes, c’est l’absence d’émotions, comme si elles racontaient l’histoire de quelqu’un d’autre, comme si leur sensibilité était restée sur place, au camp. En revanche, en les écoutant, il est impossible de ne pas être bouleversé. Quand elles racontent, leur voix ne tremble pas, les mots sont crus et c’est peut-être cette capacité à se détacher du drame qu’elles ont vécu qui les a aidées à avoir une vie heureuse, après ça.

La matinée s’est achevée par une cérémonie très émouvante où monsieur le Grand Rabbin Olivier Kaufmann et Yonathan Arfi, Président du Crif, ont rendu hommage aux si nombreuses victimes de la Shoah.

Après le déjeuner, nous nous sommes rendus au camp d’Auschwitz 1, aujourd’hui transformé en musée. De salle en salle, l’émotion et la colère montent face aux preuves si méticuleusement accumulées par les nazis. Le travail d’archives y est très important et chacun prend le temps de se recueillir, de retrouver parfois un nom familier sur la longue liste des victimes.

Pour ceux qui hésitent encore à faire ce voyage, qui ont peur de ne pas « supporter », je vous invite à penser aux mots de Ginette Kolinka qui y est retournée des dizaines de fois : « Le camp que vous verrez n’est pas celui que j’ai connu : l’herbe y est trop verte, il manque le bruit, les cris, les odeurs, la fumée et la boue ». Il est de notre devoir de nous rendre sur les lieux du crime et de transmettre aux générations futures toutes les explications des derniers déportés encore en vie.

À notre tour, soyons les témoins des témoins. »

 

Eliott Hirsbein

 

À lire aussi : Crif - Le voyage de la Mémoire du Crif au camp d'Auschwitz-Birkenau

 

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