Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Blog du Crif - Mélenchon, l’homme et sa dérive

18 June 2021 | 216 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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Le 10 janvier 2023, Yonathan Arfi, Président du Crif, s'est rendu à la cérémonie en hommage aux victimes de la rafle de Libourne du 10 janvier 1944. Il a prononcé un discours dans la cour de l'école Myriam Errera, arrêtée à Libourne et déportée sans retour à Auschwitz-Birkeneau, en présence notamment de Josette Mélinon, rescapée et cousine de Myriam Errera.  
 

La 12ème Convention nationale du Crif a eu lieu hier, dimanche 4 décembre, à la Maison de la Chimie. Les nombreux ateliers, tables-rondes et conférences de la journée se sont articulés autour du thème "La France dans tous ses états". Aujourd'hui, découvrez un des temps forts de la plénière de clôture : le discours de Yonathan Arfi, Président du Crif.

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"Tout ça, c’est écrit d’avance. Nous aurons le petit personnage sorti du chapeau et l'événement gravissime, qui va une fois de plus permettre de montrer du doigt les musulmans et d'inventer une guerre civile..."

Seuls ceux qui ont la foi insoumise chevillée au corps ou une presbyacousie très sélective ne comprennent pas dans ces paroles de Jean-Luc Mélenchon à France Inter que les événements graves qui ont émaillé les dernières semaines de plusieurs campagnes électorales présidentielles ont été organisés. Or, à moins que Mélenchon n’ait changé son logiciel religieux, qui peut penser que le « c’est écrit par avance » traduise une adhésion au « mektoub » islamique ? Si l’organisateur n’en est pas Dieu, ce sont des hommes qui ont planifié les attentats et on se demande à écouter le leader de la France insoumise, si le « petit personnage sorti du chapeau », c’est Emmanuel Macron ou bien si c’est Mohammed Merah transformé en marionnette manipulée pour commettre ces « événements gravissimes ».

Si l’identité du « petit personnage » est ambiguë, injurieuse dans le premier cas, ignoble dans le second, le sous-entendu était aussi clair que celui qui associe une Magen David à une croix gammée.

Certains espéraient que Jean-Luc Mélenchon présenterait ses excuses. C’était mal le connaitre. Un homme comme lui ne peut pas s’excuser.Il ne peut pas avoir de défaillance. Ce sont les autres qui ont mal compris, ou plutôt qui font semblant de mal comprendre pour l’attaquer vicieusement. Il suffit d’une video ignoble d’un militant d’extrême droite et  il prend la posture de la victime en danger de mort, demandant, magnanime, une pause dans la violence sur le Net. Les 100 000 messages de haine contre la jeune Mila ne l’avaient pas particulièrement ému…

Ses lieutenants sont allés au combat pour défendre le patron. Eux aussi n’allaient pas expliquer, mais attaquer, autrement dit détourner. Le problème n’était pas ce qu’avait ou n’avait pas dit Mélenchon, c’était que les critiques contre lui faisaient le jeu de l’extrême droite. Le vrai complot visait à l’empêcher de jouer son rôle politique.

Au lieu d’une excuse, ils offrent aux familles leur « compassion ». La compassion du Dalaï Lama, fruit d’un travail sur soi approfondi, a du sens, mais il est difficile de confondre avec des moines bouddhistes des dirigeants insoumis qui répètent ce mot en boucle et pour qui ce n’est qu’un élément de langage proposé par des communiquants. Les familles ne réclament pas de compassion. Elles se contenteraient d’un minimum d’empathie au lieu d’un choquant brouillamini complotiste.

Le refus d’admettre une erreur rapproche Mélenchon d’autres dirigeants politiques mégalomanes comme Donald Trump. Leurs sentiments envers Israël, leur orientation politique, leur bagage intellectuel sont on ne peut plus différents, mais leur comportement autocentré, associant violence verbale et posture victimaire, leur fascination pour les autocrates, leurs allusions complotistes et jusqu’au déni de défaite électorale sont très analogues. Écoutez le discours de Mélenchon après le premier tour de l’élection de 2017 et son stupéfiant refus d’appeler à voter Macron : cet homme a la certitude que l’élection lui a été volée. Et la façon méprisante dont il traite depuis le Président de la République rappelle le « sleepy Joe » de Trump vis-à-vis de Joe Biden.

Ce dérapage de Mélenchon survenu après bien d’autres, sonne-t-il le glas de sa carrière politique nationale, alors que son électorat a diminué de moitié depuis 2017 ? La mise à l’écart de celui qui rêve d’imiter Hugo Chavez, un dirigeant qui a transformé le Vénézuela, première réserve pétrolière de la planète, en pays importateur d’essence, serait un soulagement pour l’économie française. Et ceux qui sont convaincus que l’islamo gauchisme est une rupture de notre contrat national n’en seraient pas fâchés non plus. Mais les dirigeants populistes, qui savent attiser la lutte du « nous » (la nation pour Le Pen, les « gens » pour Mélenchon) contre « eux » (les forces qui détiennent le pouvoir occulte), exercent une emprise émotionnelle, satisfont le ressentiment, ce moteur de l’action dans l’histoire, et leur complotisme a d’autant plus de succès que leur argumentaire est débile.

Les événements gravissimes, dit Mélenchon, qui ont ponctué toutes les fins de campagnes présidentielles  (c’est faux) ont permis de stigmatiser les musulmans (c’est encore plus faux). Il en conclut que ces événements ont été planifiés par les partis « islamophobes ». Ce raisonnement circulaire indique sa volonté de soulever une coalition qui associerait musulmans et gilets jaunes sous la bannière de la révolte des opprimés contre les nantis. Ce discours est un carburant à l’abêtissement d’une population déjà biberonnée dans la méfiance des institutions. C’est un naufrage intellectuel, mais pour Mélenchon, c’est le dernier espoir. Gageons qu’il sera vain.

Richard Prasquier