Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Le bombardement à Rafah et la diabolisation d’Israël

30 Mai 2024 | 208 vue(s)
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Israël

À l’heure de la réconciliation Jérusalem-Ankara, retour sur l’histoire des Juifs de Turquie.

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Les images ont fait le tour du monde ; elles sont terribles. Les deux bombes israéliennes lancées le matin du 27 mai à Rafah dans une opération destinée à éliminer deux dirigeants importants du Hamas ont beau avoir atteint leur objectif, l’histoire retiendra qu’elles ont entraîné la mort de nombreux civils palestiniens, 45 prétend le Hamas, dont une fois de plus on rapporte les chiffres sans les vérifier. La réprobation qu’elles ont provoquée fait de cet événement, qualifié d’accident tragique par Benyamin Netanyahou et d’assassinat abominable par les ennemis d’Israël, un épisode majeur dans une guerre qui dure depuis près de huit mois. 


Jamais Israël n’a été aussi critiqué. Je ne parle pas ici des militants La France Insoumise (LFI), comme ce minable tartufe de David Guiraud, celui qui plaisantait sur le bébé israélien placé dans un four le 7 octobre et qui joue à l’humaniste en pleurant devant le bébé décapité par une bombe israélienne. Je parle de ces sympathisants d’Israël qui disent aujourd’hui : « Désormais, ça suffit. Il faut arrêter les combats tout de suite et faire la paix ». Comme si le cessez-le-feu avait la moindre chance de mener à la paix avec un Hamas grandi par sa résilience en face de la plus forte armée du Moyen-Orient et pour qui la destruction d’Israël n’est pas une option politique, mais une obligation sacrée.

Il faut d’abord qualifier et localiser l’événement. Bavure tragique ou volonté de tuer ? Cette dernière hypothèse peut être écartée, car même le plus allumé des kahanistes sait que le bénéficiaire des morts civiles à Gaza est le Hamas, qui ne demande que cela. Israël a réussi l’exploit de transférer 900 000 habitants de Rafah vers d’autres zones de l’enclave, qui ont pris un caractère humanitaire. Or, contrairement à ce qui a souvent été dit, le bombardement a eu lieu à 1 500 mètres en dehors de ce périmètre. Pourquoi des tentes se trouvaient-elles à cet endroit, à cent mètres environ du point d’impact des bombes et pourquoi les habitants n’avaient-ils pas quitté cette zone de guerre ? Est-ce que le Hamas s’en servait comme de boucliers humains ? 

Ensuite, la bombe. On sait aujourd’hui qu’il s’agissait de bombes américaines GBU-39, de petit diamètre, très précises et portant une très faible charge explosive, 17 kg : à titre de comparaison, pour un missile non nucléaire, la charge est souvent de 500 kg à une tonne. Il s’agit donc de frappes de précision destinées à des éliminations ciblées et certainement pas du tapis de bombes destructeur auquel font croire des commentateurs très orientés. C’est précisément parce que les Israéliens n’ont pas recours à ce type de bombardements à Rafah, au risque de ralentir leur progression et de mettre leurs propres soldats en danger, que l’accusation de bombardements massifs et sans précautions est inepte. Pour rappel, le Hamas avait affirmé qu’Israël avait envoyé sept bombes d’environ une tonne d’explosifs chacune, une information mensongère parmi tant d’autres.

Le ciblage ne semble pas en cause, puisque les objectifs ont bien été atteints. Alors pourquoi ce terrible incendie à une centaine de mètres de distance ? Ces bombes, aussi petites soient-elles, peuvent générer un effet de souffle important et celui-ci peut entraîner des incendies dans les réservoirs d’hydrocarbures ou des explosions en chat ne dans des dépôts de munitions surtout si elles sont stockées sans précautions. C’est probablement ce qui s’est passé, d’autant que des conversations captées après l’accident confirment l’existence de ces dépôts.

C’est là une constante du modus operandi du Hamas que d’installer ces munitions à proximité des lieux d’habitation. Il suffit de se rappeler les dramatiques explosions de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth pour noter que le Hezbollah avait cette même négligente habitude. 

De telles considérations ne dédouanent pas totalement les Israéliens qui ont peut-être manqué de prudence. L’enquête déterminera si tous les risques avaient été pesés avant de lancer l’opération, mais Rafah n’est ni Dresde, ni Coventry. Aucune intention de tuer des civils ne peut être alléguée. C’est bien ce que signifie la réaction très mesurée de l’administration américaine, contrastant avec les articles au vitriol des journaux engagés, des pacifistes professionnels et les réactions débridées de LFI qui y cherche un tremplin pour les européennes.

Malheureusement, les victimes civiles de Rafah ont renforcé dans le monde la détestation d’Israël. Ces drames sont inhérents à la guerre : les bombardements alliés sur la France en préparation du débarquement ont fait en 1944 plus de 50 000 victimes dans la population. Des villes entières, Saint-Nazaire, Dunkerque, Calais, Beauvais, Le Havre ou Brest furent presque complètement détruites. Deux fois par jour, Philippe Henriot fustigeait à la radio  les « Anglo Saxons soumis à l’internationale judéo-bolchévique qui tuent sans état d’âme de bons Français » et la visite surprise de Pétain le 26 avril 1944 venu « apporter sa compassion au peuple de Paris »  fut un vrai succès populaire. 

Est-ce que de tels drames enlevaient la légitimité du combat des Alliés contre l’Allemagne nazie ? La réponse est évidemment non. Exiger d’Israël l’arrêt immédiat et unilatéral des combats revient à acter la victoire du Hamas, un adversaire avec lequel la paix est impossible, comme la paix sans capitulation était impossible avec les nazis. 

Le vainqueur tend à faire silence sur ces victimes civiles, vite assimilées à des dommages collatéraux. Les récents sièges de Mossoul et de Raqqa, menés contre Daech par une coalition à laquelle la France appartenait, ne font pas exception à la règle, mais il y a un écart moral considérable entre le bombardement destiné à tuer des civils pour épouvanter une population et celui où la mort des civils est une occurence non recherchée. À la première catégorie appartient le bombardement de Tokyo qui dans la nuit du 9 au 10 mars 1945 a fait 100 000 morts. Récemment, la guerre menée par la Russie en Tchétchénie relève de ce type, avec des bombardements massifs, qui ont fait plus de 100 000 victimes civiles sans entraîner de réaction dans la communauté internationale. On pourrait multiplier les exemples.

Contre Israël, et contre Israël seulement, le mot génocide est brandi de façon de plus en plus banale. Il s’agit, comme l’avait théorisé Goebbels, d’utiliser constamment contre l’ennemi une qualification mensongère qui deviendra progressivement indiscutable par sa répétition même.

La guerre de Gaza se double d’une guerre des mots dans laquelle le Hamas, ses sponsors internationaux, les Frères Musulmans et les idiots utiles de l’islamisme jouent chacun leur partition. L’objectif est de faire d’Israël un paria infréquentable, et cette dernière quinzaine a été particulièrement productive, avec les incriminations du Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) contre le Premier Ministre israélien et l’incendie du camp de tentes de Rafah, mais aussi par la lamentable compromission des organisations internationales dans les hommages à feu Raïssi, le boucher de Téhéran.

N’oublions pas que cette guerre des mots ne vise pas seulement Benyamin Netanyahou, Israël ni même les Juifs. Elle met en cause l’aptitude à utiliser le langage pour exprimer la vérité du monde dans ses nuances et sa complexité. Il s’agit d’un vrai combat de civilisation et ce combat n’est pas gagné…

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif 


 

 

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