Président du B'nai B'rith France
L’annonce du décès du Docteur Elie Buzyn fut un choc. Tant il semblait infatigable, indestructible, éternel. Lui qui avait vécu l’enfer des camps, la mort des siens, une jeunesse volée par l’enfer, une famille décimée par la barbarie. La promesse faite à sa mère à Auschwitz de survivre, de continuer, malgré tout, il l’a tenue et honorée durant près de 80 ans, jour après jour. « Tu choisiras la vie, afin que tu vives toi et ta descendance » dit le Deutéronome 30:9-31:3. Il l’a choisie. Il est revenu. Il a vécu. Il a reconstruit. Avec son épouse Etty, ses enfants, ses petits-enfants, comme chirurgien, docteur des corps et des âmes. Au-delà d’une revanche, ce fut sa victoire. Et il a témoigné, transmis, encore et toujours. Inlassable passeur de mémoire, de vie et d’humanité. Ses récits, ses silences, ses réflexions n’ont jamais cessé. Dans ses livres, dans les écoles, dans ses conférences, derrière les caméras, sur les lieux mêmes de l’horreur.
Son destin, sa résilience, son engagement, furent et resteront de formidables leçons de vie de chaque instant. Son visage, son regard, son sourire, reflétaient la force, la bienveillance. Un Mensch, un géant, qui imposait naturellement et immédiatement le respect, l’admiration, l’humilité. Et qui changeait la vie. De ceux qui eurent l’honneur de le connaitre, de le croiser, de l’écouter. De ces milliers de jeunes devant lesquels il est venu témoigner de l’indicible durant des décennies, jusqu’au dernier soir avant que la bougie qui avait tant résisté au temps ne s’éteigne. Elie Buzyn était avec son épouse Etty membres de longue date de la loge Sigmund Freud du B’nai B’rith France. C’est pour nous un honneur, un privilège et une responsabilité.
Lors de ses obsèques ce 24 mai au cimetière de Bagneux, avec sa famille, ses proches, ses amis, nous étions tous là, silencieux et tristes, pour écouter son fils, ses deux filles, ses petits-fils, le grand Rabbin de France, rappeler sa vie exceptionnelle, avec les mots justes et forts pour dire l’essentiel. Nous étions là, empreints de souvenirs et de reconnaissance, pour lui rendre hommage et l’accompagner dans son dernier voyage. Celui qu’il a dû finalement entreprendre après en avoir parcouru tant d’autres, depuis la nuit froide de l’enfer jusqu’au soleil paisible de ce mardi de printemps, toujours debout, toujours vivant, toujours tourné vers l’avenir.
Sa promesse tenue, sa mission accomplie, il a rejoint ses parents, ses amis, Simone Veil, Raphaël Esrail, Samuel Pisar, Benjamin Orenstein, Marceline Loridan-Ivens, Jo Wajsblat, et tant d’autres. Partis les uns après les autres. Les derniers.
À nous de nous inspirer de leur exemple. À nous de ne jamais oublier ce que nous avons entendu d’eux sans l’avoir vécu. A nous de le répéter, de le transmettre. A nous de porter la flamme de cette mémoire éternelle. À nous de puiser dans leur énergie la force de la vigilance. À nous de tout faire pour que cette nuit n’assombrisse plus l’humanité. A nous de poursuivre. Pour eux. Pour lui. Pour tous ceux qui ne sont pas revenus.
Adieu Elie Buzyn.
Reposez en paix.
Philippe Meyer