Jean-Pierre Allali
Le précepteur : Comment Moïse entreprit la Bible, par Michel Louis Lévy (*)
Polytechnicien, démographe et statisticien, Michel Louis Lévy a décidé de revisiter à sa manière les textes bibliques. Le Moïse et son environnement qu’il nous présente sont pour le moins originaux. Malgré un prologue, qui s’adresse à « Mes chers enfants » et, comme à l’école, s’achève par « Est-ce que quelqu’un a une question à poser », l’ouvrage s’avère d’emblée d’une lecture difficile, mêlant guématria et analyses lexicographiques. L’auteur présente à sa manière l’histoire de l’Égypte des Pharaons au temps d’Amenophis IV et de son épouse Néfertiti, 1360 ans avant l’ère commune. Avec Aton, le « Seigneur », on assiste à l’invention du monothéisme. Quant à Moïse, qui découvrit la Thora comme Pythagore sa Table, il est présenté comme l’inventeur de l’alphabet hébraïque et le « cadenasseur » de la Thora. « Moïse n’est pas seulement l’auteur génial de l’ordre alphabétique, il est aussi celui de la semaine de sept jours ». Par ailleurs, Moïse, au commencement, était désigné comme l’ « Enfant du Nil ». C’est bien plus tard qu’il recevra le nom de « Moïse ».
Au fil des pages, on découvre Moïse, « Puits de science » reconnu de tous, le précepteur du Prince héritier, dit « Petit Ramsès », et plus précisément, « Ramsès, fils de Thoutmsès » son épouse Séphora, fille de Jethro, YTRW, une Noire d’origine éthiopienne rencontrée à Modian, au pays de Kouch où leur fils Gershom est né. Voici également le Pharaon et son Épouse-sœur, le Gouverneur, préoccupé par une révolte de travailleurs réclamant un jour de repos hebdomadaire, les Dignitaires de la cour ou encore l’Instituteur. Sans oublier les Prêtres de Thout, officiers d’état-civil de l’époque.
Et voilà que Sephora, « Petit-oiseau » à l’instar de la Vierge Marie, réalise qu’elle a un retard dans ses menstruations. Pourtant, elle ne souvient pas que son époux l’ait visitée récemment. Quant à imaginer qu’elle ait connu un autre homme, quelle infamie !
Malgré la grossesse de Sephora, le couple décide de partir en voyage vers le Nord. C’est le temps d’une belle « croisière sur le Nil » en direction du Delta. En felouque, la « Tébah », pour la nommer, c’est encore mieux qu’avec les gondoles de Venise, quelques siècles plus tard. C’est à l’occasion de ce voyage d’agrément que le destin de Moïse va connaître un tournant décisif. Pour l’auteur, « C’est alors que le destin du Précepteur bascula ». La rencontre avec l’Orfèvre lui réserve des surprises de taille. Appartenant au peuple des Hébreux, il apprend à Moïse que la plus grande partie de ce peuple réside à Goshène, ajoutant que l’un des érudits, Aaron, AHRN, un grand collectionneur devant l’Éternel, de surcroît Grand Prêtre des Hébreux, Cohen Gadol, KHN GDWL de la région, est un parfait sosie de Moïse, son frère, peut-être ! Et on évoque aussi une possible sœur aînée, Myriam MRYM, sage-femme du pays de Goshène. Dès lors, Moïse a des parents naturels et serait le fils d’un héros de la Résistance, Amram, OEMRM. Quant à sa mère, elle, avait pour nom Yokébed, YWKBD, fille de Lévy.
Se considérant désormais comme Moshè, MSH, inverse de HSM, HaShem, le Nom, Moïse décide de faire le voyage de Goshène. Histoire d’en avoir le cœur net. En attendant, Moïse et Sephora sont invités à partager le repas de Shabbat de la famille de l’Orfèvre : allumage des bougies, kiddoush, motsi…On se souhaite un bon Shabbat Shalom, SBT SLWM. Et, plus tard, après la Havdala, Chavoua Tov.
« Et ce fut soir, et ce fut matin. Dimanche ».
Puis c’est enfin la rencontre émouvante entre les deux frères. Au repos du septième jour et à la circoncision du huitième jour, on proposera désormais aux Hébreux, l’alphabet de 22 lettres inventé par Moîse. Le peuple aura désormais deux leaders, deux frères inséparables, Moïse et Aaron qui vont aller ensemble, se recueillir sur la tombe de leur mère à ‘Hevrone, EBRWN. Mort au combat, leur père repose, lui, dans un lieu inconnu. Sur la tombe de Yokébed, près d’un grand rocher, ces mots : « Eshet « Hayil », « Une femme vaillante », AST EYL. Devant la sépulture de leur maman, les deux frères se déchaussèrent et, après une courte bénédiction, déposèrent chacun deux cailloux sur la tombe.
En attendant son départ, Moïse fait du tourisme. Il accompagne Myriam qui fait ses courses au marché dans une boucherie cashère KSR. Plus tard, ils retrouvent Aaron qui a passé sa matinée à une recevoir au Tribunal une délégation syndicale venue réclamer une convention collective entre Pharaon et les travailleurs des chantiers, mines et navires. Une grève aura lieu, d’ailleurs, peu après.
Le voyage du retour de Moïse et Séphora se fera à dos de chameau : treize jours. Dès lors, une correspondance régulière s’établit entre les deux frères. Un carton parvenu à Aaron annonce la bonne nouvelle : « Séphora , Gershom et moi avons la joie, grâce à Elohim, d’annoncer la naissance et la circoncision au huitième jour d’ALYOECR, Eliézer. La Maman et l’Enfant se portent bien ».
À son frère retrouvé qui lui demande la communication du code d’Hammourabi, Aaron répond : « Le transfert de gros fichiers me pose problème ». Faute de mettre en branle « une caravane de vingt chameaux ou une flotte de plusieurs navires », il se contentera d’envoyer un résumé.
Véritable acrobate des chiffres et des lettres, l’auteur jongle avec les carrés magiques comme avec la musique, les métaphores et les anagrammes, « l’internet et les textos » du temps jadis. Il va même jusqu’à imaginer que Moïse, Séphora et Gershom, en famille, à force de triturer les lettres de l’alphabet et les mots, en viennent à inventer les mots croisés et le scrabble ! Et, d’une certaine manière, l’ordinateur.
En refermant ce livre pour le moins étonnant, après l’avoir lu attentivement, on a envie de crier, avec l’auteur : « LEYYM, Le’hayim ! À la vie » et « HLLW-YH, Allelou-ia ! ». À découvrir.
Jean-Pierre Allali
(*) Autoédition. Août 2019. 210 pages. 18,50 €.