Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean-Pierre Allali - La guerre aux terres saintes, par Michel Arouimi

14 Octobre 2020 | 269 vue(s)
Catégorie(s) :
Religion
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La guerre aux terres saintes, par Michel Arouimi (*)

 

Si l’on en croît l’auteur, certains écrits, certains films, voire certaines publicités, ont tendance, de manière explicite ou, parfois, plus subreptice, à faire la promotion de l’islam et du Coran, « religion de l’équilibre objectif, éloigné des extrêmes », « retour au pur monothéisme abrahamique », tout en dénigrant les deux autres religions monothéistes. « Inquiété par le travail de sape que la prétendue modernité fait subir aux fondements vétérotestamentaires de notre civilisation », Michel Arouimi veut réagit de manière forte et sans ambages.

L’auteur examine de près l’ouvrage de Michel Dousse « Dieu en guerre : la violence au cœur des trois monothéismes » (Éditions Albin Michel, 2002), 

Dousse, qui considère Israël comme responsable de la guerre sainte, présente Yahvé comme homme de guerre. Parallèlement, nous dit, Michel Arouimi, il « oppose à la guerre ‘dramatisée et sacralisée liturgiquement’ de la Bible, la guerre ‘codifiée’ du Coran ».

Autres auteurs montrés du doigt et même fustigés: Philippe d’Arcy, auteur d’un essai « Du terrorisme au Christianisme. Dieu est-Il Meurtrier ? « (2008) où Arouimi voit « la mise en avant d’un Moïse pervers, sadique et criminel », Moïse, « chef d’une mafia », « atteint de crises de paranoïa ».

« Le lecteur de l’essai de d’Arcy est incité à reconnaître dans le terrorisme islamique un rejeton abrahamique de l’Ancien Testament. D’Arcy n’hésite pas à présenter Moïse comme une préfiguration de ‘Ben Laden’ ». Ou encore : « La pensée de d’Arcy est exemplaire des comportements mentaux de notre époque, agités par une giration du sens éperdue qui leur tient lieu de dynamisme. C’est peut-être un signe de la proximité méconnue de la pensée occidentale avec le terrorisme islamique ». Des lignes qui font véritablement frémir !

Selon l’auteur qui analyse les écrits de d’Arcy, « Saint Paul, et plus gravement Jésus, dans la logique qui est celle de d’Arcy, seraient des avatars supérieurs et assagis du Moïse criminel ». Peu à peu, au fil du raisonnement, on aborde la période actuelle : « Cet instinct criminel du peuple hébreu est un fantasme de l’antisionisme contemporain ».

Voici encore Alfred Marx et son livre « La stratégie identitaire de l’Israël antique » (2019) qui évoque la ségrégation des Cananéens et adopte un « parti pris anti-spirituel » et considère la Jérusalem antique comme un « gros bourg agricole »., le roi David comme « un chef de bande(s) » et Salomon comme un « enfant indirect d’un adultère » et véritable tyran ». Quant à son fils, Roboam, il se singularise par son « attitude bravache » et ses « réactions butées ». ».. Sans oublier, par ailleurs, une évocation du  « végétalisme intégral » de l’Israël antique. Finalement, « Marx ne met donc en avant les aspirations spirituelles du judaïsme que pour les ensanglanter ».

Concernant la publicité, Arouimi évoque un film tourné pour le parfum « Idole » de Lancôme, avec l’actrice américaine Zendaya Coleman,

Et, pour ce qui est du cinéma, Silent Hill de Christophe Gans (2006), « film exemplaire de la nouvelle image de la femme, forgée par les médias », Trois jours et une vie de Nicolas Boukhrief (2017), « version moderniste de l’histoire d’Abel et Caïn ». Sans oublier, parmi « les films les plus révélateurs de l’antisémitisme contemporain : « The ritual » de David Bruckner (2017) et « Apocalypto » de Mel Gibson (2006).

Après une première partie consacrée à ce qu’il nomme les « Délires de l’Exégèse », Michel Arouimi se lance dans l’analyse des « Délires Universitaires ». 

Ainsi, invité à un colloque international à l’université Paris 3 en mars 2017, sur le thème « Figure et figuration des terroristes : enjeux postcoloniaux », il ne peut que constater que « la volonté de comprendre le terrorisme guidait la plupart des intervenants », notamment à travers l’exposé du contenu de trois romans : « Allah Superstar », « Cités à comparaître » et « Dit violent ».  Une idée est lancée : selon laquelle « le sort des terroristes emprisonnés se rapprocherait de celui des victimes d’Auschwitz » !!  

Autre terrain de recherche de notre auteur : la préparation de diplômes universitaires avec ce titre éloquent : « L’agrégation de lettres, pour désagréger le judaïsme ». L’épreuve de littérature comparée au programme de l’agrégation de lettres modernes en 2016 était axée sur trois œuvres : « Les Noces » suivie de « L’été » d’Albert Camus, « Le labyrinthe au bord de la mer » (2011) de Zbigniew Herbert et « L’ombre infinie de César » (1990) de Lawrence Durell. Ce qui interpelle Arouimi dans ce choix, au-delà de l’ « empathie pour le monde arabe justifiée par le passé colonial » qu’il relève en notant par ailleurs que « le modèle musulman est donc substitué au modèle antique », c’est la charge, sous-jacente ou explicite contre le judaïsme. Et si l’auteur ménage quelque peu Camus, dont les deux œuvres n’auraient été choisies que « pour assurer à ce programme une recevabilité », il renvoie dos à dos les deux autres écrivains : « La pensée d’Herbert, comme celle de Durell, louvoie entre le déni de la tradition et la perception du drame du scepticisme ». En résumé, « La déconstruction de Durell, plus clairement que celle d’Herbert, canalise sur le judaïsme une violence ambiante, laquelle est jugulée dans les mythes dont Camus proclame le néant. Et seulement masquée dans le rapprochement de ces trois œuvres, imposé par ce programme ».

Inhabituel et étonnant.

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Orizons. Février 2020. 176 pages. 19 €.