Blog du Crif - Miss Provence, ciblée par l’antisémitisme sur les réseaux sociaux

21 Décembre 2020 | 245 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires ! 

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Par Marc Knobel

 

Ce devait être une soirée distrayante, avec les paillettes habituelles, le frou-frou que produit le froissement des étoffes et des tissus, les ballets millimétrés, la grâce sublime, la beauté et la féminité. Toutes les candidates de l’édition 2021 de Miss France se succédaient à l’écran pour se présenter. Lorsque ce fut le tour de Miss Provence, April Benayoum - d’une beauté fatale et saisissante - se mit à dévoiler qu’elle était née d'une mère serbo-croate et d'un père italien et... israélien. Il n’en fallut pas plus pour qu’à l’instant même se déchaînent les légions d’imbéciles et de petits frustrés antisémites, avec les fautes d’orthographe (dans les tweets) :

« "Mon père est israélien." Allez ça dégage » ; « Miss Provence juif, je la veux plus » ; « Miss Provence mais pas Lorraine ? Israël finance TF1. Réveillez-vous !!! » ; (sur fond de photographie d’Adolf Hitler) : « Moi, quand j’ai entendu les origines de Miss Provence ! » ; « Dîtes à Miss Provence que l’Israël n’existe pas, c’est la Palestine ! » ; « Miss Provence, elle est israélienne ?????? Mdr, dégage » ; « Miss Provence, elle est israélienne donc celui qui vote pour elle, sa mère c’est une pute, by » ; « Tonton Hitler ta oublier d’exterminer miss Provence »…

Une haine que l’on peut quantifier. En effet, selon les données observées par Visibrain (plateforme de veille médiatique), on constate que le nombre de tweets faisant référence à Israël a littéralement explosé dans la soirée, (près de 40 000 tweets avec cette mention) (1). 

Au final, cela pourrait paraître anecdotique et totalement futile. Pour autant, ces tweets révèlent quelques pathologies, que nous voudrions très rapidement énoncer et décrire :

1. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui les défouloirs par excellence. La haine y joue un rôle majeur et les Juifs y apparaissent comme une cible privilégiée (2). Depuis Internet, l’univers sombre et restreint des porteurs de haine trouve (avec les réseaux sociaux) une opportunité unique de répandre aussi largement que possible leur idéologie mortifère grâce à Internet, justement.

2. Cette haine confine au délire, lorsqu’il est question d’Israël, de près ou de loin. Sur le Net, la haine d’Israël recouvre de multiples visages, fantasmes et expressions diverses. Elle peut être difficile à interpréter, elle évolue, fluctue, sous des formes diverses. Elle change d’objet, de visage, en fonction de multiples conditions, d’innombrables situations. Elle est même d’une vertigineuse et confondante banalité, tant elle se diffuse.

3. Dans le monde virtuel, les internautes sont débridés. C’est ainsi que sur Twitter, insulter n’est pas un problème, se moquer, non plus. Cela va jusqu’à l’appel au meurtre.

4. Le mimétisme est la règle. Lorsque des messages violents, injurieux, diffamatoires sont déposés, d’autres ensuite et en plus grand nombre encore. Il y a un effet entraînant, celui de la violence, sans modération aucune.

5. La rapidité à laquelle ces messages sont postés est un atout. L’entraînement, la violence, la haine se répandent sur les réseaux sociaux à « vitesse grand V ». C’est le temps de l’immédiateté. S’effectue par la suite, l’archivage des données.

6. Dans les faits, la haine antisémite/antisioniste se déverse impunément sur le Net, sans modération aucune (ou presque).

7. Cependant, il serait erroné de penser que la banalisation de l’expression raciste/antisémite sur Internet est seulement le produit d’une poignée d’internautes égarés par la haine. Elle résulte aussi de l’absence de mobilisation de ses principaux acteurs, les fournisseurs d’hébergement, les fournisseurs d’accès, les moteurs de recherche, puisqu’ils ont revendiqué pendant des années une neutralité de simple intermédiaire pour déserter le terrain de la mobilisation citoyenne et de l’éthique.

8. L’un des principaux facteurs de cette pathologie collective n’est autre que l’anonymat des commentaires. Cette anonymisation prospère sur le terreau de la liberté d’expression (totale), qui se confond dès lors dangereusement avec la liberté de dissimulation et de falsification.

 

Notes :

1. Romain Herreros, « Miss Provence cible d'injures antisémites, indignation dans la classe politique », Huffpost, 20 décembre 2020.

2. Depuis 2019, l’Observatoire de l’antisémitisme en ligne du CRIF en collaboration avec IPSOS, collecte du contenu antisémite sur le Net, grâce à une liste de mots-clefs, sur plus de 600 millions de sources. Parmi les catégories étudiées figurent « la haine des Juifs via la haine d’Israël. » Font notamment l’objet d’une attention particulière, les points suivants : la diffamation et les critiques envers Israël parce que c’est un état Juif ; l’utilisation de symboles et images associés à l’antisémitisme classique pour caractériser Israël ou le sionisme ; les allégations disant que l’Etat d'Israël est comparable au nazisme ; les comparaisons entre la politique actuelle d'Israël avec celle les nazis. Quelles en sont les conclusions ? 51 816 contenus antisémites ont été comptabilisés en 2019 (63% sur Twitter et 17% sur Facebook), avec une forte progression de la haine à l’égard d’Israël, sur la première moitié de l’année 2019, 79%. Pour l’année, cette catégorie constitue 39 % des propos antisémites sur le Net.