Directrice de projets
Lors de la manifestation du mouvement “Convergence Citoyenne du Sud”, organisée samedi 27 février à Avignon, certains manifestants opposés au passeport vaccinal portaient une étoile jaune en guise de protestation.
Il aura fallu bien peu de temps. A peine l’idée de passeport vaccinal a-t-elle été évoquée par le gouvernement français que certains ont sorti l’artillerie lourde. Ce sont les Lucky Luke des temps post modernes ; quand le cowboy solitaire tirait plus vite que son ombre, eux en un tournemain sortent de leur manche de magiciens pathétiques une étoile jaune. Elle était là, toute prête à être collée sur leurs poitrines rebelles, comme un slogan. Pourquoi ces militants de Convergence Citoyenne du Sud n’ont-ils pas arboré précisément celui des Républicains espagnols « No Pasaràn » ? C’eut été plus approprié, plus proche aussi sans doute de leur sensibilité politique profonde qui consiste souvent à qualifier de fascisante toute décision qui restreindrait les libertés individuelles et porterait les germes d’une discrimination. Employons le conditionnel, c’est important sur ce sujet.
Non, pas de slogan politique. Ils ont choisi le symbole suprême ; celui de la « victime totale », l’étoile jaune, celle que les Juifs de France ont dû porter dès juin 1942.
L’étoile jaune, ça représente quoi au juste pour eux ? Le régime autoritaire de Vichy ou la persécution des Juifs ? Ils la portent pour quoi ? Pour dire en sous texte que notre gouvernement actuel ne vaut pas mieux que Vichy ou qu’ils sont les « nouveaux Juifs » ? Cette seconde hypothèse ne peut que nous amener à penser que décidément, on ne sortira jamais de cette « théologie » de substitution…. Faut-il à chaque génération qui passe un Vérus Israël ?
Tiens, Israël justement. Israël a été le premier pays à officialiser le passeport sanitaire. Est-ce avoir la plume paranoïaque d'oser faire un parallèle entre le choix d’Israël et la tragi-comédie qui se joue ici ? La question, si elle n’autorise pas de réponse ne peut qu’interpeller.
Débattre est légitime ; douter est souvent sain. Mais attirer l’attention des médias, faire du buzz avec ce type de méthode c’est de l’instrumentalisation pure. Dans une république en proie à une permanence de l’antisémitisme, dans un pays où 12 Français juifs sont morts assassinés depuis le début des années 2000, et où il faut le dire, l’opinion publique ne s’est pas franchement mobilisée pour s’en indigner, il y a dans cette démonstration quelque chose de triste et quelque chose d’indigeste.
Triste parce que les survivants de la Shoah ont tant donné d’eux-mêmes pour sillonner la France, en prenant le temps d’expliquer à beaucoup d’élèves le sens profond du port de l’étoile, en soulignant aussi la chance pour eux de vivre en temps de paix et de démocratie, en évoquant le souvenir de leurs camarades morts dans les camps sans avoir jamais su ce que c’était d’avoir un jour 30 ans voire 20.
Indigeste parce l’indécence l’est par nature. Elle laisse un sentiment de dégout et d’abattement. Parce que faire cela est bête, s’accoler soi-même une étoile jaune. C’est ne pas comprendre une chose : ceux qui ont vécu l’enfer de la persécution nazie ne feront jamais ça pour un projet sociétal, par ailleurs même pas encore tranché.
Albert Einstein disait : « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. »
On ne saurait mieux conclure.
Stéphanie Dassa