Jean-Pierre Allali
La chute du régime dictatorial de Bachar El-Assad et la nouvelle donne politique en Syrie, à la fois inquiétante et, pour certains observateurs, chargée d’espérance, nous rappelle les combats qui furent menés, notamment par le Crif, pour la liberté des Juifs de Syrie. S’il n’y a plus de Juifs en Syrie de nos jours, leur histoire millénaire mérite d’être rappelée.
Les Juifs de Syrie sont, avec les Juifs d'URSS et les Juifs d'Éthiopie, ceux pour lesquels la communauté internationale et, partant les communautés juives du monde entier, se sont le plus mobilisées, certes à des époques différentes, pour obtenir la liberté et le droit d'émigrer pour le pays de leur choix.
Si, en 2014, à l'occasion de la fuite réussie d'une famille judéo-musulmane de Syrie en direction d'Israël, on a appris qu'il restait en Syrie, dix-sept Juifs, composant pour l'essentiel, des famille « mixtes » [1] et si, en 2016 [2], on apprenait, selon les dires du professeur Eyal Zisser du Centre Moché Dayan de l'université de Tel Aviv, qu'il restait encore quelques Juifs à Damas où une synagogue fonctionnait pendant deux heures le chabbat et si, enfin, à l’aube de 2023, on peut affirmer qu’il n’y a plus de vie juive en Syrie, ils ont été très nombreux dans les années quarante : environ 30 000.
Le professeur Zisser précisait à l’époque : « Nous en avons identifié une vingtaine. Ils ont tous plus de 70 ans » et ajoutait, étonnamment : « Tant que Bachar El Assad sera au pouvoir, ils ne seront pas inquiétés ».
La présence juive en Syrie est particulièrement ancienne et date de la période du Second Temple, il y a 2 000 ans. En témoigne Flavius Josèphe qui raconte qu'Ezra le scribe nomma des juges pour les « Juifs qui ont des tribunaux en Phénicie et en Syrie ».
La proximité de la Syrie avec la terre d'Israël comme avec Babylone permettait alors facilement des contacts avec ceux des Juifs qui étaient restés, malgré toutes les vicissitudes, à Jérusalem et ceux qui avaient été accueillies dans le territoire du futur Irak.
Si l'on en croît le Livre des Macchabées, les Juifs d'Antioche, alors en Syrie, aujourd'hui en Turquie, étaient les plus nombreux et les plus actifs du pays. Une légende locale raconte que le nom arabe de la ville d'Alep, Khaleb, renvoie au vocable arabe, « Khalab » qui désigne le lait, lait que le patriarche Abraham distribuait aux nécessiteux qu'il croisait quand il faisait paître ses troupeaux dans la région.
Au IIème siècle avant J.-C. fut bâtie la synagogue de Doura Europos à l'extrême sud-est de la Syrie, sur le Moyen Euphrate.
Avec la montée de l'influence chrétienne, aux IIème et IIIème siècles, les Juifs furent victimes de persécutions au point de se soulever.
La conquête arabe, tout en imposant aux Juifs le statut infamant de la dhimma, entraînera quand même une amélioration de la situation des Juifs au point que des coreligionnaires quitteront la Babylonie pour les rejoindre. Pour la plupart, les Juifs syriens sont alors des artisans et, pour les plus éduqués d'entre eux, des agents du pouvoir. Comme partout en terre d'islam, il y eut des périodes plus dures que d'autres selon les souverains. Des synagogues furent détruites ou transformées en mosquées au Moyen Âge et, quand le calme revenait d'autres étaient bâties à Damas, à Alep et à Tyr.
Sous les Fatimides, un Juif, Manasseh Ben Ibrahim Ibn Quazzaz, fut nommé gouverneur de Damas. Il fut, certes, démis de ses fonctions, mais son fils, Katib, fut secrétaire du gouvernement local.
L'Inquisition va conduire de nombreux Juifs à fuir l'Espagne et le Portugal pour se réfugier en Syrie entraînant une augmentation conséquente de la population juive. En 1605, preuve d'un certain essor, une imprimerie hébraïque s'installe à Damas.
Au XVIIIème siècle, de riches banquiers juifs choisissent de s'installer en Syrie. Proches du pouvoir, ils auront une influence positive sur le sort de leurs coreligionnaires.
En 1840, une affaire restée sous la dénomination d’« Affaire de Damas », allait secouer la communauté juive et avoir des répercussions négatives sur son avenir.
Le 5 février 1840, les Capucins de Damas constatent que leur supérieur, un Italien, le père Thomas, a disparu ainsi que son serviteur musulman, Ibrahim Amara. L'hypothèse la plus plausible est qu'il ait été tué par des marchands turcs avec qui il s'était querellé la veille. Mais cette piste est rapidement abandonnée quand on apprend que le père Thomas a été aperçu dans le quartier juif peu avant sa disparition. Un bruit court, la rumeur s'enfle : les Juifs ont tué le père Thomas afin d'utiliser son sang pour la fabrication de pains azymes. Les deux consuls de France, Ratti Menton et Cochelet, antisémites notoires, soufflent sur les braises et incitent le gouverneur Chérif Padia, à agir contre les Juifs. Des arrestations sont opérées dans le quartier juif. Soumis à la torture, un barbier juif, Salomon Negrin « avoue » : « Le père Thomas a été tué dans la maison de David Harari. Les meurtriers étaient au nombre de sept ». Sept notables juifs sont alors arrêtés et soumis à la question. David Harari prétend que le serviteur du père Thomas a été sacrifié dans la demeure d'un certain Meyer Pahri. Des hommes sont encore arrêtés dont Isaac Levi-Picciotto qui, sujet autrichien, est relâché. Un notable, Joseph Lanado, ne résiste pas et meurt sous la torture. Un autre, Moïse Aboulafia, pour avoir la vie sauve, accepte de se convertir à l'islam. Les enquêteurs s'emparent de 63 enfants juifs menaçant leurs mères, si elles ne révèlent pas le lieu où se trouvent les cadavres du Capucin et de son employé, de ne pas leur rendre leurs enfants. Par le biais de leurs consulats, les pays européens, mis au courant, se passionnent pour « L'Affaire ». On est pour. On est contre. La fable du crime rituel juif fait la une de certains journaux. Adolphe Crémieux s'écrie : « La France est contre nous ! ». Des meetings de soutien aux Juifs de Damas ont lieu partout dans le monde, à Londres et à New York, notamment. Adolphe Crémieux, Sir Moses Montefiore, qui a le soutien de la Reine Victoria, et l'orientaliste Salomon Munk, décide d'aller à la rencontre du sultan Mehemet Ali et embarque sur une frégate. Sous la pression internationale, Mehemet Ali, le 28 août 1940, ordonne la libération de tous les Juifs emprisonnés. Un firman est publié qui déclare que l'accusation de meurtre rituel est une basse calomnie contre le peuple juif. Une des conséquences de cette sombre affaire sera la création, en 1860, de l'Alliance Israélite Universelle.
Dans la période moderne, la Syrie n'a pas connu de régime stable et a vécu plusieurs coups d'État. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Royaume Arabe de Syrie avec le roi Fayçal Ier, un Hachémite, à sa tête, va durer deux ans, laissant la place, pendant un quart de siècle, de 1920 à 1926, à un mandat français. De 1946 à 1958, une République syrienne émerge dont le dernier représentant sera Choukry El Touatly. Sous l'impulsion de Gamal Abdel Nasser la Syrie se joint à l'Égypte pour former la République Arabe Unie. Une expérience qui ne durera que trois ans, de 1958 à 1961 pour voir naître la République Arabe Syrienne présente encore aujourd'hui. Un tournant essentiel a lieu en 1963 avec le coup d'État fomenté par Amine El Hafez et la venue, à la tête du pays et jusqu'à ce jour, du parti Baas. El Hafez sera renversé à son tour, en 1966 par Salah Jedid au nom d'une fraction dissidente du Baas. Jedid gouvernera le pays en sous-main, Nourredine El Atassi, secrétaire général du parti étant officiellement président jusqu'en 1970, où un nouveau coup d'État, après un intérim incolore d'Ahmed Khatib, de 1970 à 1971, porte à la direction de la Syrie, Hafez El Assad, père de Bachar.
Cette instabilité chronique du régime syrien a été défavorable à la communauté juive et si la guerre israélo-arabe de 1948 consécutive à la proclamation de l'État juif par David Ben Gourion avec l'attaque d'Israël par les armées de six pays arabes dont la Syrie, va, bien évidemment entraîner des mesures de rétorsion à l'égard des Juifs syriens : suspicions d'espionnage, interrogatoires par les terribles « Mukhabarat », services secrets syriens, emprisonnements, assassinats, pogrom d'Alep, cimetière de Damas livré aux bulldozers pour laisser la place à une route menant à l'aéroport, entraînant la fuite de milliers de Juifs, c'est avec la venue au pouvoir du président Hafez El Assad, que la situation de Juifs de Syrie va prendre une tournure dramatique.
Bâti autour du parti Baas, le régime d'Hafez El Hassad va se montrer impitoyable à l'égard des Juifs considérés indistinctement comme « sionistes » et, dès lors, comme des ennemis potentiels.
L'émigration des Juifs, y compris de ceux détenant un passeport étranger, est strictement interdite, un Juif ne peut pas s'éloigner de son domicile de plus de trois kilomètres, ni sortir de chez lui après 22 heures. Sur les cartes d'identité des Juifs figure, en rouge, la mention : « Moussaoui » (Juif). Les Juifs, qui ne peuvent recevoir plus de six années d'enseignement scolaire, sont exclus de la fonction publique et des établissements bancaires. Il est donné instruction aux fonctionnaires et aux soldats de ne pas s'approvisionner dans des commerces juifs. Les Juifs ne doivent posséder ni téléphone, ni poste de radio. Et s'ils peuvent acquérir des biens, ils ne peuvent en aucun cas les revendre. Les écoles juives ont des directeurs musulmans, comme le sont aussi de nombreux professeurs. Dans les universités, un numerus clausus est imposé aux Juifs. Quant aux examens, ils ont lieu systématiquement le jour du chabbat. 400 jeunes filles, en âge de se marier, ne peuvent pas le faire, faute de candidats au mariage. Enfin, lors du décès d'un Juif, son héritage va à l'État.
Au début des années 1980, un homme en France va prendre la tête du combat pour la liberté des Juifs de Syrie. Il s'appelle Roger Pinto. Président d'une organisation sioniste séfarade, SIONA, vice-président du Crif, institution dont il préside la commission « Communautés juives en péril », il lance un Comité International pour la Liberté des Juifs de Syrie qui obtient le soutien de plusieurs associations juives comme le B'nai B'rith [3] et le Crif, et non-juives comme la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et l'adhésion de très nombreuses personnalités du monde politique comme du monde des arts et des lettres comme Jacques Chirac, Alain Poher, Simone Veil, François Léotard, Jacques Chaban-Delmas, François Fillon, Robert Pontillon, Lionel Jospin, Georges Sarre, Bertrand Delanoë, Jean Pierre-Bloch, le père Michel Riquet, Simone de Beauvoir, François Jacob, André Lwoff, Gérard Oury, Claude Lanzmann, Fernando Arrabal et Guy Béart. Ce Comité aura des antennes dans 22 pays.
Par deux fois, en novembre 1984 et en mai 1988, il met sur pied des conférences internationales qui connaissent un remarquable succès, avec la participation de plusieurs centaines de personnes et attirent l'attention des gouvernements, notamment européens, obligeant la diplomatie syrienne à une contre-offensive faite de dénégations et de descriptions idylliques de la situation de la communauté juive syrienne.
4 800 Juifs vivent alors encore en Syrie, 3 000 à Damas, 1 000 à Alep et 800 à Kamishli.
C'est en 1991 que les choses vont commencer à évoluer. Dans le magazine Alternances, Haïm Musicant s'interroge : « Mais qu'a donc voulu dire Ytzhak Shamir à Paris, l'autre semaine ? » Et de préciser : « Le Premier ministre israélien n'a pas hésité à déclarer : « Chers frères et sœurs de Syrie, soyez-en sûrs, le jour de votre libération approche » [4]. Dans l'attente d'un éventuel miracle, des manifestations ont lieu devant les ambassades de Syrie à Paris et dans la plupart des capitales européennes le 1er décembre 1991. Une légère éclaircie est constatée alors que le président Assad est réélu pour un quatrième mandat de sept ans : quatre Juifs syriens emprisonnés depuis septembre 1990 sont libérés. Roger Pinto souhaite que ces libérations marquent un tournant dans la politique de Damas et estime qu'elles sont certainement la conséquence d'une campagne quasi permanente de harcèlement du gouvernement syrien [5]. Peu après, dans Le Monde, Françoise Chipaux, envoyée spéciale à Damas titre son reportage : « Syrie : les Juifs dans l'attente de la paix », considérant que la communauté juive jouit de la liberté de culte mais demeure dans l'impossibilité d'émigrer librement. Elle remarque que la notification de leur religion sur les cartes d'identité des Juifs est plus discrète [6] et va même jusqu'à évoquer « l’amélioration dans laquelle vivent la plupart des membres de la communauté ».
Au moment même où une forme de libéralisation du sort des Juifs syriens est constatée surgit une affaire qui rappelle la symbiose qui eut lieu, à l'époque de la Seconde Guerre mondiale entre le nazisme et une partie du monde arabe. L'attitude pro-hitlérienne du Grand mufti de Jérusalem, Hadj Amine El Husseini étant l'exemple le plus symbolique [7]. On l'oublie souvent : après la défaite allemande, de nombreux dirigeants nazis trouvèrent asile en terre d'islam. Des cohortes d'anciens nazis recherchés pour crimes de guerre, des centaines d'anciens officiers de l'Afrika Korps, trouvèrent aisément asile en Égypte, assurés de la bienveillance des autorités et de la sympathie des masses. Certains adoptèrent des pseudonymes arabes, d'autres poussèrent jusqu'à la conversion. Beaucoup participeront à l'effort de guerre de l'Égypte contre Israël en se chargeant de la modernisation de l'armée de ce pays. Tel l'ex général S.S. Voss, ancien dirigeant des usines Skoda sous le IIIème Reich ou le général Wilhelm Fahrmbacher, spécialiste en artillerie qui raconte, en 1963, dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung : « De mars 1951 à l'été de 1958, j'ai été chef du groupe des conseillers militaires auprès de l'armée égyptienne. J'avais recruté en Allemagne 67 experts pour l'armée de terre et quatre pour la marine. Tous les secteurs militaires égyptiens étaient alors aux mains d'anciens de la Wehrmacht. Le colonel Ali An Naher alias le standartführer S.S. Leopold Gleim, condamné à mort par contumace, organise la police secrète égyptienne. Le colonel Ben Salem alias l'obersturmbannführer S.S. Berhard Bender aidé du colonel Hassan Soliman, qui fut le gruppenführer S.S. Alois Moser, mettent sur pied des mouvements de jeunesse égyptiens sur la base des Hitlerjugend. Sans oublier le docteur Rolf Engel, qui dirigera le Centre égyptien d'engins à réaction et le professeur Paul Görke, chargé de la construction de radars à Héliopolis ou les professeurs Pilz et Brandner, ex sturmbannführers, anciens de Peenemünde. Ou encore le docteur Hans Eisele, ancien médecin du camp de Büchenwald, le docteur Heinrich Willermann, spécialiste de la stérilisation et des poisons au camp de Dachau, Hans Appler (Salah Chaffar) et Ludwig Heiden (El Hadj), traducteur de Mein Kampf en arabe [8].
Pour ce qui est de la Syrie, qui, de 1936 à 1939, avait reçu une noria de dignitaires nazis, elle donnera refuge à l'inventeur des chambres à gaz, Walter Rauff, Otto Strangl, chef du camp de Treblinka et Alois Brunner, alias Georg Fisher, chef du camp de Drancy, organisateur zélé de la déportation de Juifs autrichien, des Juifs de Berlin, des Juifs de Salonique et des rafles de la Côte d'Azur.
C'est précisément à propos d'Aloïs Brunner qu'une polémique va éclater.
Alors qu’une demande d'extradition d'Alois Brunner est confirmée par Paris et par Bonn [9] et qu’une visite prévue de Roland Dumas, ministre français des Affaires étrangères, à Damas [10] est ajournée, entraînant de vives réactions de la Syrie et de son ambassade à Paris, Beate Klarsfeld, munie d'un passeport au nom de l'une de ses amies, Gertrude Baer, maquillée par une professionnelle, prend, non sans un certain courage, l'avion de Syrianair en direction de Damas. Sur place, elle parviendra à déployer une banderole avec l'inscription : « Président Assad, extradez le criminel nazi Alois Brunner, libérez les Juifs de Syrie ». Aussitôt arrêtée, Beate Klarsfeld sera expulsée manu militari de Syrie [11].
C'est en avril 1992 que la situation des Juifs de Syrie va enfin se débloquer. Quelques mois avant, en janvier, le parlement européen avait bloqué l'aide communautaire envisagée pour la Syrie. C'est peut-être la raison pour laquelle, le président Assad accepte de recevoir une délégation de la communauté juive conduite par le Grand rabbin Abraham Albert Hamra. Les dirigeants de la communauté juive n'avaient pas été reçus à un si haut niveau depuis 1974. Et l'incroyable se produit : les Juifs sont désormais autorisés, s'ils le désirent, à quitter le pays. L'hebdomadaire parisien Actualité juive peut titrer : « Damas entrouvre la porte du ghetto » [12]. Contre toute attente, bien que soulagés par cette situation nouvelle, les Juifs de Syrie prendront leur temps pour quitter le pays. La plupart rejoindront les États-Unis, notamment à Brooklyn, où une communauté juive syrienne était bien installée. D'autres iront en France. D'autres enfin, feront leur alyah comme le Grand rabbin Hamra, en 1994. En 1974, il avait succédé au Grand rabbin Nissim Indebou et consacré toute son énergie à sa communauté. À 51 ans, après avoir, un temps, vécu à New York, il commençait une autre vie. Il emmenait avec lui son épouse, Henriette, leurs six enfants, sa mère et son jeune frère.
En 1994, Roger Pinto pouvait s’écrier : « La communauté juive de Syrie est sauvée ». Un an plus tard, en effet, en juin 1995, on ne dénombrait plus que 250 Juifs en Syrie.
Les Juifs syriens avaient pu, fort heureusement, emporter avec eux la plus vieille Bible du monde appelée la « Couronne d'Alep ». Rédigée sur des parchemins, elle connut mille années de pérégrinations avant de se retrouver à Jérusalem en 1995.
Accompagnant le président français Jacques Chirac en voyage officiel à Damas, en 1996, le journaliste israélien Eldad Beck constatera que « la synagogue est vide » [13].
Avant de clore ce chapitre relatif aux Juifs syriens, évoquons une affaire d'espionnage au profit d'Israël qui, en son temps, fit grand bruit, en Syrie et dans le monde entier.
C'était en 1965. Un proche du pouvoir et du parti Baas, ami d'Hafez El Assad, pressenti pour un poste d'adjoint au ministre de la Défense, Kamel Amin Taabat, est arrêté alors qu'il émet, depuis son appartement damascène, des messages en direction de l'État juif. On découvre alors qu'il s'agit d'un Israélien d'origine égyptienne, Eli Cohen. Les renseignements transmis à son pays par celui qui sera considéré comme l'un des espions les plus talentueux de l'Histoire, seront essentiels pour la défense d'Israël. Condamné à mort, Eli Cohen a été pendu le 18 mai 1965 dans le square Marjeh à Damas. Sa dépouille n'a jamais été restituée à sa famille. Son frère, Maurice Cohen, affirme que s'il n'avait pas été découvert, Eli Cohen se serait présenté à la présidence de la Syrie [14].
Eli Cohen, l’espion de Damas
Crédit photo : © MENAHEM KAHANA / AFP
En 2013, lors d'affrontements entre loyalistes et rebelles syriens l'ancienne synagogue de Djoubar, dans le nord-est de la capitale, qui avait déjà été pillée et dévastée en 2012, a été endommagée par des bombardements. Celle de Jobar, dans la périphérie de Damas a été détruite en 2014.
La synagogue de Jobar, près de Damas, après sa destruction en 2014
En 2017, alors que le pays est plongé dans l'enfer de la guerre civile, les Juifs de Syrie n’étaient déjà plus qu'une poignée à demeurer sur place espérant, à la faveur d'une accalmie, sortir enfin de l'enfer.
Il était une fois des Juifs en Syrie.
Jean-Pierre Allali
Notes :
[1] Information Juive du 7 août 2014.
[2] « Il reste encore quelques Juifs à Damas » par David Jortner in Hamodia du 24 février 2016.
[3] Vice-président du B’naï B’rith Européen (District 19), j'ai personnellement, en tant que président de la Commission Européenne « Communautés Juives en péril dans les pays afro-asiatiques », une action, notamment auprès des élus européens, d'aide aux Juifs de Syrie.
[4] Alternances du 2 octobre 1991.
[5] Actualité Juive du 12 décembre 1991.
[6] Le Monde du 20 décembre 1991.
[7] Le Mufti leva même des troupes bosniaques au service d’Hitler.
[8] Il est vrai que cette collaboration n’aura qu’un temps et que, pour toutes sortes de raisons, les Allemands quitteront l’Égypte au bout de quelques années, le dernier à partir, en 1959, étant le colonel Bayerlein, ancien aide camp de Rommel.
[9] Le Monde du 30 novembre 1991.
[10] Le Monde du 19 décembre 1991. Le ministre se rendra finalement à Damas en février 1992 et la question de l'extradition de Brunner sera alors abordée avec les autorités syriennes. Il ne sera finalement pas extradé. On considère qu'il est probablement mort à Damas en 2010. Plusieurs fois visé par des tentatives d'assassinat, il perdra un œil et les doigts d'une main lors de l'explosion d'une lettre piégée, déposée, semble-t-il par le Mossad.
[11] Actualité Juive du 12 décembre 1991.
[12] Actualité Juive du 30 avril 1992.
[13] « Un Israélien à Damas » dans L'Arche, décembre 1996.
[14] En Israël où il est considéré comme un héros, des rues, des jardins et même un village, portent son nom. Une plaque commémorative à sa mémoire est apposée au Mont Herzl, à Jérusalem.
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