Tribune
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Publié le 4 Août 2014

Une antisémite ordinaire, analyse

Les réseaux sociaux permettent la diffusion d’opinions qui semblent avoir pour seul motif un souci humanitaire pour des populations civiles subissant les affres de la guerre. En général elles s’accompagnent de la dénonciation du coupable, de celui qui massacre aveuglément femmes, enfants, vieillards (il n’y a jamais de terroristes dans cette énumération!): l’armée d’Israël, instrument de l’horrible gouvernement d’Israël, colonisateur et génocidaire.

Ces opinions masquent trop souvent des intentions conscientes et inconscientes de délégitimation d’Israël.

Elles sont toujours l’expression d’une nouvelle forme d’antisémitisme qui, paradoxalement, a honte de s’appeler ainsi, et suscite des cris d’orfraies de la part de leurs auteurs dès qu’on les met face aux sous-entendus que leurs opinions véhiculent.

Ce nouvel antisémitisme qui se cache derrière la feuille de vigne « antisionisme » sévit abondamment sur internet, j’ai appelé ces habitués des forum et réseaux sociaux des « antisémites ordinaires ».

J’en rencontre, hélas, chaque jour. A l’occasion du dernier échange avec « une antisémite ordinaire » j’ai établi une liste de critères afin de débusquer derrière des discours apparemment remplis de sentiments de compassions pour des civils ce qui en fait des antisémites malgré leur dénégations.

En effet, dans la démarche intellectuelle de ces individus et leurs raisonnements on retrouve toujours les mêmes ingrédients:

1/ De droite ou de gauche, qu’ils aient un discours marxiste ou alter mondialiste, ou qu’ils donnent l’impression d’avoir un discours libéral la première chose qui apparaît, c’est qu’ils s’intéressent au sujet de façon évidente, parfois même obsessionnelle.

2/ L’intérêt pour le sujet ne signifie pourtant pas qu’ils soient jamais allés sur place, en fait, la plupart du temps ils n’y sont jamais allés. Leur connaissance géostratégique du terrain est en général inexistante.

3/ Ils rejettent avec véhémence l’idée qu’ils soient antisémites. Pour les uns ils n’ont pas honte de s’affirmer antisionistes, pour d’autres ils disent simplement qu’ils dénoncent seulement la politique de Netanyou.

4/ Pour justifier leur positions ils avancent systématiquement les opinions insignifiantes et justement controversées des Sand, Finkelstein, Chomsky, Warchavsky et tous les autres idiots utiles du monde arabe.

5/ Ils mettent en avant les déclarations des mouvements pacifistes Israéliens ou autres : Jcall; Shalom Archav; Betselem etc. comme les seules autorisées. Ils ne répondent jamais à l’objection qu’aucun de ces mouvement n’existent dans l’univers arabo-musulman.

6/ A aucun moment ils ne semblent comprendre que la majorité du peuple juif vit en Israël et donc que mathématiquement la grande majorité du peuple juif, aujourd’hui, est sioniste sans le moindre doute.

7/ Rejetant cela, ils se permettent ainsi de décider de qui est un bon juif et qui est un mauvais juif. Une petite pique sur le peuple victime devenu bourreau est de bon teint.

8/ De même, ils ne connaissent que le récit de la doxa palestinienne et reprennent abondamment les accusations d’état apartheid, de prison à ciel ouvert, de colonies etc. Le récit israélien ne trouve jamais grâce à leurs yeux.

9/ Aucune cause humanitaire qui ne met pas en jeu les juifs ne les anime avec autant de fougue, de véhémence, de hargne. Ils n’appellent pas à manifester pour la paix en Syrie, en Irak, en Libye etc. Ils évitent de dénoncer les exactions des groupes terroristes.

10/ Ils décontextualisent systématiquement le conflit israélo-arabe de l’état global du monde arabe.

Tout ça ne fait pas, objectivement des antisémites. Mais un élément de plus accompagne cette démarche qui fait pencher définitivement la balance du côté de l’antisémite ordinaire : poussé dans ses derniers retranchements dans une discussion, l’individu, agacé, finira toujours par lâcher un:

Rendre les juifs (sionistes) responsables de la haine qu’ils suscitent est une constante qui est toujours sous-jacente à ces discours, et sous une forme ou une autre ils finissent toujours par trouver que finalement, ce sont les juifs par leur attitude qui méritent les malheurs qui leur arrivent.

On retrouve ce schéma dans la haine que suscite les Etats Unis: c’est eux qui ont créé Bin Laden, c’est eux qui ont créé le chaos en Irak. Jamais le sens critique n’est utilisé pour dire que même si le choix qui s’offrait aux américains était entre la peste et le choléra, et que même si le choix final avait été malencontreux, c’est quand même le monde arabo-musulman qui est délirant, violent et en guerre avec le monde entier autant qu’avec lui-même.

Ainsi, le raisonnement de ces antisémites ordinaires, qui se confondent bien souvent avec les anti-américains primaires (les explications de cette proximité n’est pas innocente, j’y reviendrai peut-être une autre fois), est toujours fait en partant de la conclusion:

«qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ».

La boucle est bouclée, l’antisémitisme de l’Eglise accablait les juifs d’être un peuple Déicide qui méritait ses malheurs, il ressurgit aujourd’hui avec son avatar alter-mondialiste ou libéral dans un occident dé-christianisé qui succombe à l’islam fanatique. En adoptant le récit arabe sans le moindre recul critique, un nouvel antisémitisme, ordinaire, se répand en accusant les juifs et leur Etat des pires turpitudes justifiant la haine dont ils sont l’objet.

Au moins l‘antisémite d’antan avait le mérite de ne pas avoir honte de son opinion.

* J’ai utilisé dans le dialogue dont la copie est en tête de ce post, un autre cas odieux, délibérément, celui de Samir Kuntar, mais j’aurais pu utiliser n’importe quel attentat suicide, le réflexe de l’interlocuteur est toujours le même: nous sommes responsables de nos malheurs, et un refus total de juger l’acte terroriste en tant que tel, une arme immonde, reflet d’une société malade.

Le nom de mon interlocutrice est resté à dessein puisque ses tweets étaient publics.