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Ceux qui n’étaient pas nés, ou trop jeunes pour percevoir le sens des événements survenus dans cette année charnière, sont aujourd’hui invités, par le bruit médiatique orchestré autour de cette commémoration, à penser que les Allemands de l’est, massés devant le « mur de la honte » un beau soir de novembre, ont réussi à renverser l’ordre du monde issu de Yalta.
L’ouverture du mur serait donc la cause, et non la conséquence de la défaite historique du « socialisme réellement existant », dans laquelle l’Allemagne et son peuple auraient joué un rôle décisif. Tous les historiens sérieux savent que cela est faux, mais quel poids ont-ils face aux images qui symbolisent cet événement (ruée des Est-Allemands vers Berlin-Ouest, Rostropovitch jouant du violoncelle devant le mur…) ?
S’il faut fixer une date marquant l’ouverture du rideau de fer dénoncé dès sa mise en place, en 1946, par Winston Churchill, c’est plutôt celle du 10 septembre 1989, lorsque le gouvernement communiste hongrois, dirigé par Miklos Nemeth, décida d’ouvrir totalement sa frontière avec l’Autriche. Pierre Waline a rappelé utilement ce point d’histoire à ceux qui l’auraient oublié…Cette mesure, qui permettait aux citoyens de la RDA de se rendre sans entraves à l’ouest, minait plus sûrement l’édifice berlinois que les maigres manifestations de dissidents contestant le pouvoir absolu d’Erich Honecker et de la Stasi. Sur le plan politique, un autre mur, celui de la théorie léniniste du rôle dirigeant de la classe ouvrière et de son parti, venait de voler en éclats en Pologne : pour la première fois depuis la Révolution d’octobre, un parti communiste et ses séides avaient été contraints de quitter le pouvoir pour faire place, en août 1989, à un gouvernement dominé par les partisans de Solidarnosc, dirigé par Tadeusz Mazowiecki. Ce n’est pas un hasard, si le 9 novembre 1989, le chancelier allemand Helmut Kohl se trouvait à Varsovie, négociant avec Mazowiecki l’amélioration du statut des quelques milliers d’Allemands ethniques restés en Pologne après l’amputation et l’attribution, en 1945, à la Pologne des provinces allemandes de Silésie, Poméranie et Prusse orientale… Si l’on me permet de faire un brin d’ego histoire, j’en veux encore à ce brave Helmut Kohl d’avoir abandonné brusquement à Varsovie la délégation de journalistes et d’hommes d’affaires qui l’accompagnait, et dont je faisais partie, pour s’envoler vers Berlin dès que la nouvelle de l’ouverture du mur fut annoncée… Lire la suite.