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Publié le 24 Août 2023

Commission du Crif - La Commission Études politiques a reçu Laurent Joly, historien

Mardi 4 juillet 2023, la Commission des Études politiques et la Commission du Souvenir du Crif se sont réunies pour auditionner Laurent Joly, historien et Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Dans le cadre d’une réunion croisée, la Commission des Études politiques, présidée par Nathalie Cohen-Beizermann et la Commission du Souvenir, présidée par Bruno Halioua, ont eu l’honneur de recevoir l’historien Laurent Joly, venu parler de son ouvrage, La falsification de l'histoire : Éric Zemmour, l'extrême droite, Vichy et les juifs.

 

Cette réunion, focalisée sur les liens entre Éric Zemmour et l’extrême droite, s’inscrivait notamment dans le contexte du cycle annuel de la Commission des Études politiques portant sur la montée des extrêmes en France.

 

Spécialiste de Vichy, ayant consacré ses recherches à retracer non seulement l’histoire du régime mais également son traitement historique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours, Laurent Joly a tenu à rappeler en introduction la « nécessité de bien nommer les choses » lorsque les faits historiques sont manipulés. Alors que le phénomène entourant Éric Zemmour ne cesse de susciter des interrogations, son travail a consisté à clarifier, définir, situer et qualifier ce phénomène de la manière la plus précise possible, du moins pour ce qui concerne les interprétations relatives à l’histoire de Vichy.

Dans un premier temps, Laurent Joly a tenté de répondre à la question fréquemment posée : « Éric Zemmour est-il d’extrême droite ? ». Après avoir retracé brièvement l’histoire de l’extrême droite en France, ce dernier a pu démontrer l’existence d’une filiation entre Éric Zemmour et certains polémistes de la fin du XIXème siècle, à commencer par Charles Maurras. Selon lui, Éric Zemmour ne se contente pas de reprendre leurs arguments, il adopte également leur posture, celle d’un pamphlétaire, à mi-chemin entre la politique et le monde intellectuel, dont le rôle est d’alerter les Français sur les périls encourus.

En outre, l’historien a expliqué les motivations qui ont poussé Éric Zemmour à adopter une parole controversée vis-à-vis de Vichy, que l’on peut considérer comme une réécriture de l’histoire. Il existe en France des divisions historiques entre la droite et l’extrême droite, qui prennent racine durant la Seconde Guerre mondiale. Encore présente dans les esprits, l’association de l’extrême droite à la collaboration empêche toute union potentielle. Réunir les figures de De Gaulle et de Pétain, nier l’idée d’un conflit les opposant, répond donc à une finalité purement politique : légitimer l’extrême droite et aboutir à un rassemblement.

Pourtant, Laurent Joly l’affirme, les arguments employés par Éric Zemmour sont en contradiction avec le savoir historique qui s’est construit depuis la fin de la Shoah. Composé d’erreurs factuelles, d’une manipulation des citations, de mensonges et d’ambiguïtés, l’argumentaire d’Éric Zemmour, destiné à entretenir le doute et la confusion sur des faits historiques connus et un savoir acquis et partagé, peut s’apparenter à une falsification. Cette tendance à la confusion rejoint l’idée évoquée par Laurent Joly au début de son exposé quant au devoir de bien nommer les choses et quant au danger du relativisme : la confusion des mots entretient de fait la confusion des esprits et donc la prolifération des idées extrémistes et de l’antisémitisme.

 

À l’issue de ce passionnant exposé, Laurent Joly a pu répondre aux différentes questions des participants. À la question de savoir si Éric Zemmour était négationniste, l’historien a notamment répondu qu’Éric Zemmour ne présentait pas un véritable intérêt pour la Shoah, contrairement à un négationniste, mais qu’il se saisissait du sujet uniquement par stratégie et pour faire parler de lui. D’autres questions portaient également sur le succès rencontré par Éric Zemmour, particulièrement auprès de la communauté juive, sur sa personnalité, son identité, ou encore sur le rapport de l’extrême droite avec les questions d’antisémitisme.

 

Présente lors de la réunion, Rachel Jedinak, survivante de la rafle du Vél d’Hiv et membre de la Commission du Souvenir, a insisté sur la nécessité de combattre, par le biais de l’éducation, la propagation de telles pratiques mensongères et falsificatrices.

 

Pour en savoir plus :

 

  • Laurent Joly, La falsification de l'histoire : Éric Zemmour, l'extrême droite, Vichy et les juifs, Grasset, 2022