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Publié le 2 mai sur i24News
C’est un album-photos tout ce qu’il y a de plus ordinaire. En regardant sa couverture aux couleurs vives, certains imagineraient que l’objet contient les clichés plein de soleil d’un séjour à la mer. D’autres songeraient à ceux d'une fête d’anniversaire…
Mais à l’intérieur de cet album se trouvent bien plus que des photos. Page après page, des souvenirs inestimables. L’histoire d’une vie. Celle de Colette Hazan, née Halber, et de ses parents, exterminés durant la Shoah. Parce que Juifs.
"Si un feu se déclarait dans ma maison, c’est la seule chose que je prendrais avec moi", indique la femme de 79 ans, pour qui réunir tous ces documents n’a pas été une mince affaire.
"Chez mes grands-parents, il y avait une petite pièce sans fenêtre où des choses étaient rangées. A l’intérieur, il y avait une grande malle en osier, à laquelle personne ne touchait jamais", raconte Colette. Alors qu’elle est adolescente, un jour elle franchit le pas et décide d’ouvrir la panière. Elle a environ 15 ans, nous sommes au milieu des années 50. "Ca a été un choc", raconte-t-elle à i24NEWS. Pour la première fois, cette Française de confession juive est confrontée à un passé qu’elle ne connaît pas. Celui de ses parents, déportés et tués pendant la Shoah, mais aussi le sien : enfant cachée pendant la Seconde Guerre mondiale.
"Avec mes grands-parents, nous n’avions jamais parlé du sujet", explique la Franco-israélienne, arrivée dans l’Etat hébreu il y a plus d’un demi-siècle. Si certains détails du passé des Halber sont toujours flous, Colette Hazan peut aujourd’hui conter son histoire et celle des siens.
En 1939, sa mère quitte Paris pour venir accoucher à Saint-Raphaël, où ses parents sont installés. A l’époque, ce sont les seuls Juifs de la ville : "Ca ne posait aucun problème !", raconte-t-elle à i24NEWS.
Alors que la guerre est déclarée, on déconseille vivement à la mère de Colette de remonter vers la capitale. Elle se retrouve bloquée dans le sud de la France avec deux enfants en bas âge. Son mari est resté à Paris, impossible de le joindre.
"Je n’ai jamais vu mon père, et il ne m’a jamais vue", raconte Colette. Interné dans le camp de transit français de Pithiviers, Isaac Halber est déporté à Auschwitz le 17 juillet 1942. Il fait partie des près de six millions de victimes juives de la Shoah.
Pendant les premières années de la guerre, Colette, son frère et sa mère, restent à Saint-Raphaël.
Le 1er mai 1943, cette dernière indique à sa famille qu’elle doit absolument prendre le train "pour récupérer quelque chose d’important". Jusqu’à aujourd’hui, personne ne sait de quoi il s’agit ; alors que la Micheline est en marche, des soldats allemands font irruption dans un wagon où se trouve Marguerite Rébecca Halber, née Loria. Son nom ne laisse aucune place au doute : la mère de Colette Hazan est raflée sur le coup.
"On nous a fait parvenir une lettre codée, écrite à la va-vite sur un petit morceau de papier-toilette", raconte la Franco-israélienne. "Ma mère y racontait qu’elle allait bien, qu’elle était dans un centre de santé où tout le monde avait la même maladie qu’elle. Elle disait à mes grands-parents qu’elle regrettait de ne pas avoir 'pris de vacances' avant son arrivée dans ce centre. 'Ca ferait du bien aux enfants d’aller dans l’arrière-pays', expliquait-elle. En fait, elle leur disait qu’il fallait fuir !", poursuit Colette.
Rapidement, ses grands-parents entrent en contact avec l’archevêque-évêque de Nice, Monseigneur Rémond, qui s’est donné pour mission de sauver les jeunes juifs de la déportation. Il leur donne une adresse, celle d’une maison d’enfants, la 'Villa les Petits', située à Cannes. C’est ici que Colette et son frère seront cachés dans un premier temps.
"Il y avait environ vingt enfants sur place, des non-Juifs dont les parents étaient en missions dans les colonies françaises", explique-t-elle à i24NEWS. "C’était une très belle maison, une petite villa provençale, tenue par deux protestantes", continue-t-elle.
Avec l’aide de nombreux habitants de Saint-Raphaël, les grands-parents de Colette et son frère sont eux envoyés vers le centre de la France, où ils sont mis en sécurité.
"Le soir de Noël 1943, une petite fête avait été organisée pour les enfants. A un moment, on a vu les soldats arriver pour s’y joindre", raconte Colette. "Ils ont pris les petits sur leurs genoux, ont commencé à leur parler". Au sein de l’équipe de la maison, c’est un véritable vent de panique qui commence à souffler. "Ils craignaient que les enfants juifs donnent leurs vrais noms ! Parfois, les adultes réveillaient les petits en pleine nuit en leur disant 'Comment tu t’appelles ?', jusqu’à ce que l’enfant finisse par ne plus se tromper", explique-t-elle.
"Il faut parler de ces gens, ces femmes ont été extraordinaires !", indique Colette. "Si elles n’avaient pas été là, on serait morts !", poursuit-elle.
Cette dernière est restée cachée par les deux Protestantes jusqu’en mai 1945. "On a eu l’énorme chance que nos grands-parents sachent où nous étions et puissent nous retrouver".
Pour rendre hommage à celles qui lui ont sauvé la vie, Colette Hazan a fait ouvrir un dossier dans le but de leur attribuer la médaille des Justes parmi les nations. "Pour moi, c’était une évidence", indique-t-elle.
En 1982, son souhait s’est réalisé : les arbres numéros 861 et 862 ont été plantés à Yad Vashem, le mémorial israélien de la Shoah, pour remercier Hélène Charpiot et Elizabeth Martinet.
Dans son album-photos, Colette montre fièrement les clichés des deux plantes, qui ont bien grandi. "Parfois, je prends quelques feuilles des ces arbres, je les fais sécher et je les envois à Hélène et Elizabeth", raconte-t-elle à i24NEWS.
"La France a été le pays qui a sauvé le plus de Juifs", rappelle-t-elle.
Si 70.000 enfants ont été cachés dans l’Héxagone pendant la guerre, 11.000 autres ont toutefois été déportés.