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Publié le 20 novembre dans L'Express
Impensables il y a quelques années, les signes du rapprochement entre Israël et le monde arabe deviennent de plus en plus tangibles et, surtout, publics. Face à la montée en puissance de l'Iran chiite, ennemi juré d'Israël et rival de l'Arabie saoudite, la grande puissance régionale sunnite, l'Etat hébreu et les pays arabes "modérés", notamment du Golfe, ne cessent, depuis 2015, de souligner leurs convergences de vues et d'intérêts, en particulier sécuritaires. En octobre 2018, le Premier ministre d'Israël, Benyamin Netanyahou, s'est ainsi rendu à Oman afin d'y rencontrer le sultan. En 2019, des ministres et des diplomates israéliens ont participé à des conférences dans différentes capitales arabes, au Caire, à Abou Dhabi, à Dubaï ou à Manama. Israël a été officiellement invité à participer à l'exposition universelle de Dubaï en 2020.
C'est dans ce contexte qu'une trentaine de personnalités arabes se sont réunies à Londres, les 19 et 20 novembre, afin de créer le Conseil arabe pour l'intégration régionale. Dans un manifeste, dont L'Express a eu copie, ses promoteurs entendent briser un tabou en appelant à "récuser la culture de l'exclusion et de la diabolisation" du monde arabe envers l'Etat juif et à adopter "un esprit d'engagement et de dialogue" avec celui-ci. "Le boycott, écrivent-ils, est une entreprise politico-idéologique [...], qui n'a pas réussi à vaincre les Israéliens. Il a, au contraire, incité ces derniers à trouver des réponses novatrices qui ont fortifié son économie et leur société. Par ailleurs, il nuit aux sociétés ainsi qu'aux économies arabes. Le boycott a privé les Arabes des bénéfices d'un partenariat avec les Israéliens. Il a empêché les Arabes de rapprocher Israéliens et Palestiniens sur la voie de la réconciliation." Les signataires se promettent de rompre avec cette "histoire tragique" et de "reconstruire la région sur de nouvelles bases".
Cette initiative inédite a été lancée par le Centre pour la promotion de la paix (Center for Peace communications), basé aux Etats-Unis, dont Dennis Ross, ancien coordinateur de la présidence Clinton pour le Proche-Orient devenu l'un des collaborateurs de Barack Obama, est membre du conseil d'administration. Elle réunit des intellectuels de la société civile (journalistes, artistes, activistes des droits de l'Homme), issus d'une quinzaine de pays arabes (Irak, Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Algérie...), parmi lesquelles l'ancien ministre koweïtien de l'Information Sami al-Nisf, le rédacteur en chef du magazine panarabe Al-Majalla Mostafa El-Dessouki, l'avocate égypto-britannique Egal Gheita ou le député égyptien Mohammed Anwar el-Sadate, le neveu de l'ancien président Anouar el-Sadate.
Absent à Londres, l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui fut l'envoyé spécial du Quartet pour le Moyen-Orient, a envoyé un texte de soutien. "Les pays [arabes] comprennent de plus en plus que les réalités géopolitiques de la région exigent l'intégration d'Israël dans la région, souligne-t-il. Je ne crois pas qu'il y aura une paix complète dans la région à moins d'une relation profonde et intégrée entre les Arabes et les Israéliens - une relation dont nous avons besoin et une relation sans laquelle nous ne pourrons jamais obtenir un règlement durable et équitable du problème palestinien."
L'objectif de ce conseil est de lancer les conditions d'un nouveau dialogue panarabe - d'où l'absence d'invités israéliens à Londres - et de lancer une série de programmes d'échanges universitaires ou culturels susceptibles de développer les relations entre juifs et arabes, alors que le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens est au point mort. Présenté par Donald Trump comme le "deal du siècle", le plan de l'administration américaine pour résoudre le conflit ne cesse d'être reporté.