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Aujourd’hui comme hier, dans de multiples régions du monde, le viol constitue une arme de guerre. En Ukraine, au Congo, au Soudan, en Irak pour les femmes yézidies, ces déchaînements de violences sexuelles à l’encontre des femmes ont été documentés et aucun déni ne doit les occulter. Les attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre dernier en Israël s’inscrivent dans cette lignée. Si le 7 octobre constitue « le plus grand massacre antisémite de notre siècle », comme l’a rappelé le Président de la République, il a été aussi marqué par des crimes barbares, massifs et systématiques au cours desquels des femmes ont été violées, torturées, mutilées.
Le travail de documentation entamé par les autorités israéliennes et la Commission civile des crimes commis par le Hamas à l’égard des femmes et des enfants ne cesse de s’enrichir de témoignages plus atroces les uns que les autres. Ne détournons pas les yeux. La communauté internationale doit reconnaître cette vérité crue : le 7 octobre a non seulement été un pogrom mais aussi le théâtre de violences sexuelles d’une ampleur et d’une cruauté inédites.
Yonathan Arfi, Président du Crif
DES VIOLENCES SEXUELLES INTENTIONNELLES ET SYSTÉMATIQUES
Le 7 octobre, les hommes du Hamas ont violé des femmes de façon répétée et en groupe, de façon systématique et intentionnelle. Que ce soit dans les kibboutz, le festival de musique Nova ou dans les bases militaires.
Selon l'Association des centres d’aide aux victimes de viols en Israël (ARCCI), de nombreuses agressions sexuelles auraient été commises devant des proches. Lorsque les femmes violées étaient seules, les terroristes envoyaient les vidéos de leurs viols à leurs familles. Sur certaines des images disponibles, on voit les femmes kidnappées, le pantalon rougi de sang. Des femmes retrouvées mortes avaient les os pelviens entièrement brisés. Leurs seins avaient parfois été coupés. Leurs organes sexuels brutalement attaqués et, dans certains cas, des armes y avaient été insérées. Un survivant de l’attaque du festival Nova a décrit « une apocalypse de cadavres de filles dénudées », une autre a raconté au journal israélien Haaretz avoir « assisté au viol collectif d’une femme », une troisième a confié au quotidien Le Parisien avoir été « violée et tabassée » sous les yeux de son petit-ami. Chen et Agam Goldstein, otages durant 51 jours, ont quant à elles déclaré après leur libération avoir croisé « au moins trois femmes otages agressées sexuellement lors de leur captivité ». Le rapport de l’ARCCI rendu public le 20 février met également en évidence l’existence de mutilations sexuelles infligées aux hommes. Malgré la difficulté de recueillir des témoignages directs (dans la plupart des situations, les victimes ont été assassinées ou sont toujours captives), ce rapport fait état de nombreuses preuves récoltées auprès des otages libérés, des témoins du festival Nova, des ambulanciers de Zaka, des membres de l'armée israélienne dépêchés sur les lieux des crimes ainsi que de femmes potentiellement enceintes de leurs bourreaux.
Les crimes sexuels perpétrés par les terroristes du Hamas le 7 octobre sont documentés chaque jour davantage par des groupes de travail de médecins légistes, psychologues, juristes du droit international. Le droit international humanitaire interdit toutes formes de violences sexuelles. De plus, le droit international pénal organise la responsabilité individuelle des auteurs de crimes sexuels. Dans certaines circonstances, les violences sexuelles peuvent constituer un crime international, auquel cas leurs auteurs peuvent être jugés au niveau national et international.
L’ONU a adopté en octobre 2000 une résolution rappelant qu’il est nécessaire de protéger spécifiquement les femmes pendant les conflits armés. C’est cette résolution qui a fait entrer les violences sexuelles parmi les compétences des institutions internationales. Huit ans plus tard, l’ONU a décidé de qualifier les crimes sexuels de « crime de guerre, crime contre l’humanité ou acte constitutif du crime de génocide ». Le viol comme arme de guerre relève donc officiellement de la Cour pénale internationale.
« Les terroristes du Hamas infligent autant de douleur et de souffrance que possible aux femmes et aux filles, puis les assassinent. C’est épouvantable. Il appartient à nous tous – gouvernement, organisations internationales, société civile et entreprises – de condamner avec force, sans équivoque et sans exception, les violences sexuelles perpétrées par le Hamas. » Tels sont les mots utilisés par le Président américain Joe Biden le 5 décembre dernier pour dénoncer le recours aux crimes sexuels par les terroristes du Hamas.
Il a pourtant fallu beaucoup de temps à la communauté internationale et en particulier à l’ONU pour caractériser les viols commis par les terroristes du 7 octobre sur les victimes israéliennes. La Directrice exécutive d’ONU Femmes Sima Bahous s’est ainsi dite « alarmée par les informations inquiétantes faisant état de violences sexistes et sexuelles », huit semaines après les attentats terroristes. Dans un rapport rendu le 6 mars dernier, l’ONU a finalement confirmé l’existence de ces crimes sexuels.
Plus généralement, la Commission civile israélienne en charge de documenter les violences sexuelles exercées sur les femmes par le Hamas déplore un silence gêné de nombreuses organisations féministes ne voulant pas être suspectées de prendre parti pour Israël en évoquant des crimes qu’elles dénoncent d’ordinaire partout dans le monde.
« Des femmes et des filles ont été assassinées, torturées, terrorisées et violées de la manière la plus inhumaine possible. Les preuves sont accablantes et indéniables. Et encore une fois, le même mécanisme de déni infligé aux victimes de viol [...] Au lieu de se voir proposer de l'aide, nous sommes tous soumis à un déni collectif international. »
Tweet de Cochav Elkayam Levy, Professeure de droit international à l'université de Pennsylvanie, créatrice de la Commission civile des crimes commis par le Hamas à l'égard des femmes et des enfants.
Les attentats du 7 octobre ont provoqué en France un débat sur l’absence de réactions au sein du mouvement féministe sur les violences sexuelles commises par le Hamas. Des organisations comme « Nous toutes » ont été accusées de déni car elles n’ont pas dénoncé spécifiquement les viols commis par les terroristes du Hamas.
La manifestation du 25 novembre contre les violences faites aux femmes a été le théâtre d’un affrontement entre certaines féministes bien décidées à dénoncer les viols où qu’ils soient commis et d’autres davantage désireuses de montrer leur solidarité avec les
Palestiniens. Plusieurs militantes juives ont expliqué avoir été empêchées de défiler en raison de leurs pancartes « Féministes, votre silence vous rend complices ».
À la suite de cette manifestation, plusieurs féministes historiques dont l’ancienne Ministre Laurence Rossignol ont publié une tribune pour dénoncer la « mise à l’écart des manifestantes venues dénoncer les violences commises sur des femmes juives par le Hamas ». La Directrice de l’ONG « We are Not Weapons of War » Céline Bardet a également rappelé que les féministes israéliennes se sentent « seules » et ont besoin d’être « écoutées et soutenues ».
Ce scénario s’est pourtant reproduit à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, durant laquelle les militantes des collectifs « Nous vivrons » et « No Silence » ont dû être exfiltrées d’une manifestation après avoir été violemment agressées par des manifestants.
La Ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé s’est interrogée : « Si le drame qui s’est produit le 7 octobre à l’encontre des femmes s’était produit ailleurs, est-ce que les réactions auraient été plus fortes ? Malheureusement je crains que ça aurait pu être le cas ».
Par ailleurs, le Ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a annoncé le 5 février dernier que la France « soutiendra à hauteur de 200 000 euros l’association des centres de réponse aux victimes de viol en Israël ».
Le Crif continuera, de son côté, à se mobiliser pour dénoncer le viol comme arme de guerre et le déni sur les crimes sexuels subis par les victimes du 7 octobre.
Julia Christ, De l’indifférenciation à l’indifférence. Sur les viols de masse le 7 octobre en Israël. Article publié sur le site de La Revue K