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Le Crif : La droite républicaine, longtemps au pouvoir sous la Ve République, est confrontée comme le reste des partis de gouvernement à la montée du parti lepéniste. Dans cette situation, difficile pour Les Républicains (LR), comment pensez-vous à l’avenir faire face au Rassemblement National (RN) ?
Jean-François Copé : Il faut d’abord être clair sur le diagnostic. La droite républicaine, droite de gouvernement, n’est plus au pouvoir depuis douze ans parce qu’elle n’a pas fait ce pour quoi elle avait été élue. Elle a incarné une forme d’impuissance alors qu’elle avait proclamé une obligation de résultat. Cela a produit le résultat qu’on connaît : la grande sanction, la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2012.
Depuis, la droite, qui était un colosse politique en effet sous la Ve République et qui reste un colosse dans l’opinion publique où elle est très majoritaire, s’est avérée être un colosse aux pieds d’argile. Parce que les querelles d’égos, les règlements de compte, l’incapacité des anciens à organiser leur succession et à faire entendre la voix d’un rassemblement, tout cela a conduit à ce désastre.
Emmanuel Macron, avec beaucoup d’habileté, s’est emparé du pouvoir et alors qu’on pouvait espérer que le renouvellement et le rajeunissement de la classe politique amènent une opposition très forte à la montée des radicalités, on a eu une autre réalité avec une politique essentiellement menée au centre. Cette politique au centre, comme le général de Gaulle l’avait d’ailleurs théorisé, a pour corollaire une montée de l’extrémisme, des deux côtés.
Le Crif : Mais aujourd’hui comment pensez-vous, à LR, faire face à cette situation ?
Jean-François Copé : De mon point de vue, il y a deux impératifs. Le premier est la reconstitution d’un authentique clivage droite-gauche de gouvernement, excluant toute collusion avec l’extrémisme, qui est une ligne rouge infranchissable. Le Parti socialiste (PS) a montré, en se déshonorant, le prix qu’il paye en se compromettant avec Jean-Luc Mélenchon. De l’autre côté, il faut que nous redevenions une droite claire, à la fois sur l’ordre et sur le progrès. C’est tout l’enjeu de ce qui se réfléchit et se prépare actuellement, la logique des événements politiques que nous vivons conduisant à la démission d’Emmanuel Macron de la présidence de la République, dans les mois qui viennent. Avec, en conséquence, un nouvel affrontement, clair, entre les uns et les autres, permettant de déterminer ce que les Français veulent.
Le Crif : Vous pensez que l’issue à la confusion politique au Parlement ne peut être que la démission du Président de la République ?
Jean-François Copé : Je pense qu’Emmanuel Macron ne pourra pas tenir jusqu’en 2027, ce n’est pas raisonnable.
Le Crif : Certaines voix, certes très minoritaires à LR, se sont élevées pour dire qu’il fallait non pas combattre mais rallier Marine Le Pen…
Jean-François Copé : Et bien voyons ce qu’il s’est passé : Monsieur Ciotti a fait cette bascule, on aurait pu imaginer que des millions d’hommes et de femmes se lèvent pour le rejoindre, on l’a bien vu, il s’est retrouvé tout seul ! C’est bien la démonstration que ce n’est en aucun cas la bonne formule, ni la bonne direction, tout le monde à LR en a parfaitement conscience.
Le Crif : La reconstitution du clivage droite-gauche, que vous appelez de vos vœux, devra se faire dans une alliance avec le centre ?
Jean-François Copé : Bien sûr, nous n’avons pas le choix. Il faut refaire une UMP, avec les macronistes de droite, les philippistes, avec tous ceux qui voudront s’opposer clairement aux options politiques d’une gauche, qui s’est déconsidérée avec La France insoumise (LFI).
Le Crif : Mais dans la perspective de la prochaine présidentielle, comment pourrez-vous assurer qu’il n’y ait pas dispersion de candidatures du côté de la droite et du centre ?
Jean-François Copé : Les choses sont assez simples, une élection présidentielle en cas de démission, c’est 50 jours de campagne. Pas besoin de vous dire qu’on ne passera pas du temps sur la cueillette des olives en Basse Provence ! Tout ira très vite et, dans ce cas-là, la seule solution est de voir qui sera le mieux placé dans les sondages. Cela va se jouer, se discuter, entre Michel Barnier, Gérard Larcher et Édouard Philippe.
Le Crif : Ces trois personnalités sont éminentes mais d’autres pourraient se voir sentir pousser des ailes, un peu comme Emmanuel Macron en 2016, non ?
Jean-François Copé : La différence est qu’Emmanuel Macron s’y était mis un an et demi avant l’échéance présidentielle de 2017 et que là, si nous avons une présidentielle anticipée, il n’y aura que 50 jours. L’union sera un impératif, il sera impossible de risquer des pseudo-candidatures de témoignage, type Taubira en 2002, qui ont fait plonger toute la gauche.
Le Crif : Les sondages seront-ils le mode de départage suffisant ?
Jean-François Copé : On peut toujours imaginer mieux mais vue la situation dans laquelle nous sommes et le faible temps imparti, nous pouvons ne pas avoir d’autre choix pour fixer une candidature de rassemblement. On ne va pas promouvoir un candidat qui est à 4 %.
Le Crif : Sur un tout autre sujet, la flambée de l’antisémitisme, qui n’a pas cessé depuis le 7 Octobre 2023 en France et ailleurs en Europe, au-delà des mesures sécuritaires prises, quelles sont les capacités permettant d’endiguer ce fléau ?
Jean-François Copé : Dans les esprits, cela paraît impossible, dans le Droit c’est indispensable. Dans les esprits, ceux qui souscrivent au discours dit « antisioniste » et antisémite ne vont pas changer d’avis en un quart d’heure, tant que le conflit à Gaza ne se résout pas d’une manière ou d’une autre.
En revanche, au niveau du Droit, il faut être extrêmement ferme, il faut que chacun prenne ses responsabilités et, de ce point de vue, je pense que le Parti socialiste aura des comptes à rendre. Car son alliance coupable avec l’extrême gauche est impardonnable devant l’Histoire.
Le Crif : Certains au PS veulent, notamment lors du prochain congrès de ce parti, s’émanciper du lien avec LFI, vous croyez modérément à cette autonomisation ?
Jean-François Copé : Le moins qu’on puisse dire c’est que ces socialistes-là ne sont pas majoritaires, or c’est la totalité des socialistes qui devrait couper le câble. Or, ils ne le font pas. Pour moi, ils se fourvoient gravement. Vous imaginez si c’était le cas, chez nous, avec l’extrême droite ?
Le Crif : Le PS est donc selon vous dans une impasse, électoralement ?
Jean-François Copé : Selon moi, si le Parti socialiste ne fait pas un aggiornamento complet, il ne s’en sortira pas. Ni moralement, ni politiquement, ni électoralement.
Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet
- Les opinions exprimées dans les entretiens n’engagent que leurs auteurs -