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Le Crif : La France et l’Europe ont connu une flambée d’actes et de menaces antisémites depuis le 7 octobre. Quelle riposte, quelle mesure, vous semble aujourd’hui prioritaire pour faire face efficacement à ce fléau ?
Geoffroy Didier : Ce qui se déroule est écœurant. Alors que l’horreur survenue le 7 octobre en Israël aurait dû créer un élan immédiat de solidarité à l’égard des Juifs de France et en Europe, c’est l’inverse qui s’est une nouvelle fois produit. Plus 1 000 % d’actes antisémites en seulement trois mois ! Ce fut la même chose en 2012 après l’attentat terroriste de l’école Ozar Hatorah à Toulouse, où les violences antisémites avaient augmenté de 200 % en quelques mois ; puis en 2015 après l’attentat de l’Hyper Cacher où les violences antisémites avaient bondi de 300 %.
Les réactions de stupéfaction et les manifestations de solidarité font chaud au cœur mais ne résolvent pas le problème. Seule la sévérité absolue paye ! Je propose un véritable bouclier législatif et judiciaire contre l’antisémitisme qui mettra la barre beaucoup plus haut sur les sanctions pénales en cas d’incitation publique à la violence, à la haine ou à la discrimination, ou d’injures ou de violences antisémites. Face à la banalisation ou à l’orchestration de la haine, la République doit utiliser ses armes lourdes. Que chacun le comprenne : c’est une guerre. La place d’un antisémite n’est pas sur une estrade ou sur les pavés. Sa place, c’est la prison. Chacun doit bien saisir l’enjeu et en mesurer l’urgence : du sort réservé aux Juifs dépend la survie de la France.
Le Crif : L’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture un texte de loi qui prévoit justement un renforcement des sanctions pénales à l’encontre des actes et propos antisémites et racistes. Ni LFI, ni le RN n’ont voté ce texte. Pensez-vous qu’il y a à l’œuvre une alliance objective entre la gauche radicale et l’extrême droite ?
Geoffroy Didier : Le paysage politique n’est pas une ligne mais un cercle. Les extrêmes, de gauche et de droite, se rejoignent toujours. Ils sont fait ainsi : ils ne se rassemblent pas mais se ressemblent. La preuve : malgré son appartenance à la nouvelle génération, Monsieur Bardella affirme que Jean-Marie Le Pen n’a jamais fait preuve d’antisémitisme. Malgré sa stratégie de respectabilité, Marine Le Pen continue de s’entourer d’Axel Loustau aux connaissances néonazies. Vous le voyez, c’est plus fort qu’eux. Ils ont la culture de l'extrémisme. La méfiance de l’autre coule dans leurs veines.
Observez ce qui se passe actuellement au Palais-Bourbon : plus les semaines passent, plus les extrêmes se rejoignent. Qu’il s’agisse du soutien à l’Ukraine ou de la proposition de loi à l’initiative des députés Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan, qui vise à permettre à un tribunal d’émettre un mandat d’arrêt ou de dépôt contre l’auteur d’une infraction à caractère antisémite ou raciste, extrême droite et extrême gauche agissent de concert. Alors que la proposition de loi a été soutenue par 100 % des députés Les Républicains (LR) présents, elle ne l’a été ni par la France insoumise – avec 21 abstentions sur les 22 présents – ni par le RN, avec 17 abstentions sur les 17 élus présents. Je le dis à tous ceux qui seraient tentés par le Rassemblement National par peur de La France insoumise : l’extrémisme n’est pas un parti, c’est un état d’esprit.
Le Crif : Les sondages d’intentions de vote aux élections européennes du 9 juin, mesurent depuis plusieurs semaines un haut niveau d’intentions de vote pour la liste RN. Comment pensez-vous possible, pendant la campagne, de réduire le score de la liste lepéniste, dont les membres sont alliés aux mouvements d’extrême droite européens, comme l’AFD en Allemagne ?
Geoffroy Didier : En disant la vérité ! Monsieur Bardella dit aux Français « placez-moi en tête le 9 juin, je veux gagner cette élection ». Mais en 2019 n’était-il pas déjà en tête ? N’avait-il pas déjà gagné l’élection européenne ? Au Parlement européen, quelle victoire a-t-il obtenue en cinq ans pour les Français ? Aucune ! Pire que cela, lui et ses amis sont venus se faire élire en Europe pour mieux la détruire. Le 12 novembre 2020, ils ont voté contre l’augmentation du budget de la police aux frontières. Le 23 novembre 2021, ils ont voté contre une meilleure identification des bénéficiaires des financements européens. Le 16 décembre 2021, ils ont voté contre l’indépendance de l’Ukraine. Le 22 juin 2022, ils ont refusé de soutenir la taxe contre les importateurs qui ne respectent pas nos normes environnementales, normes pourtant imposées aux agriculteurs français. Par tous ces votes, ils ont desservi la France, trahi nos agriculteurs, foulé aux pieds nos valeurs. La seule chose qu’ils acceptent de l’Europe, c’est leur paie chaque mois à Bruxelles. Derrière les cravates bien nouées, Monsieur Bardella et ses amis sont en fait des cyniques hors pair qui instrumentalisent les problèmes des Français pour mettre en œuvre leur projet de destruction de l’Europe.
Contrairement à eux, dans ce scrutin européen, la droite républicaine incarne la solidité, l’expérience et la crédibilité. Pendant cinq ans, alors que nous n’étions que quelques députés européens LR, avec François-Xavier Bellamy nous avons agi, mené des combats, obtenu des résultats. Nous avons, par exemple, réussi à interdire la Commission européenne de publier ses promotions hasardeuses avec des femmes voilées, campagnes indécentes lorsqu’on sait que des femmes meurent en Iran pour avoir voulu enlever leurs voiles. Les députés macronistes, eux, ont voté pour cette campagne publicitaire. Nous avons aussi mis en œuvre notre engagement de campagne de créer une taxe carbone aux frontières visant les entreprises étrangères qui importent chez nous sans respecter nos règles. Nous avons mis en place la première régulation au monde des réseaux sociaux pour commencer à nous protéger des dérives des écrans. Et nous avons empêché le funeste projet des Verts et des macronistes de geler 10 % des terres agricoles qui aurait mis en danger de mort notre souveraineté alimentaire. À Bruxelles, beaucoup de macronistes sont des gauchistes. Et les extrémistes restent des extrémistes ! La voilà, la vérité !
Le Crif : Le débat s’est fortement tendu en France comme ailleurs à propos de la guerre Hamas-Israël et ses enjeux. Le Parlement européen a adopté, à une large majorité, une résolution qui conditionne le souhaitable cessez-le-feu à la libération des otages détenus par le mouvement terroriste Hamas. Approuvez-vous d’une part cette condition et d’autre part l’objectif affiché par Israël qui est, pour l’avenir, de détruire les infrastructures militaires du Hamas ?
Geoffroy Didier : Le Hamas a perpétré le plus grand pogrom depuis la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas d’une formation politique mais d’une organisation terroriste qui n’a qu’un seul objectif : la destruction d’Israël. Depuis le 7 octobre, Israël joue sa survie. Aucun cessez-le-feu ne sera donc possible sans la libération de l’intégralité des otages.
Le Crif : La liste LFI aux européennes comprend Rima Hassan, une personnalité qui a déclaré que l’attaque du Hamas était « légitime », ajoutant qu’elle était opposée à une solution « à deux États », sa volonté d’une solution à un seul État (palestinien) correspondant à la position du Hamas qui affiche sa volonté de détruire l’ État d’Israël. Ne pensez-vous pas que cette présence devrait disqualifier la liste LFI ou que cette personne, soutenue par Jean-Luc Mélenchon et cautionnant le Hamas, devrait quitter cette liste ?
Geoffroy Didier : L’antisémitisme de La France Insoumise n’est pas un dérapage, c’est une stratégie. Au lendemain des évènements du 7 octobre, la députée Daniele Obono avait estimé que le Hamas était « un mouvement de résistance ». Jean-Luc Mélenchon s’en était pris au courageux Président du Crif Yonathan Arfi et avait refusé de participer à la marche contre l’antisémitisme à Paris. Quelques années plus tôt, leur candidat aux élections législatives Taha Bouhafs avait exhorté la gauche à cesser de « lécher les sionistes jusqu’aux orteils »…
Désormais, l’activiste Rima Hassan est propulsée en place éligible aux élections européennes pour avoir déclaré que « le Hamas mène une action légitime ». La France Insoumise fait du rejet d’Israël un fonds de commerce électoral. Elle mise sur l’antisionisme, qui est en réalité un véritable antisémitisme de banlieue qui se nourrit chaque jour de l’ignorance, de la diffusion accrue de la bêtise sur les réseaux sociaux et de l’entrisme islamiste dans ces quartiers.
Attention, leur discours résonne chez des millions de Français. Je veux donc le dire avec force : si la République était une évidence il y a quelques années, elle est redevenue un combat. Ce sera eux ou nous. Alors, républicains de tous bords, agissons !
Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet, le 18 mars 2024
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