Actualités
|
Publié le 28 Novembre 2024

L'entretien du Crif – François Zimeray, avocat de Boualem Sansal : « il est le bouc-émissaire d’un désastre »

François Zimeray, ancien Ambassadeur de France pour les Droits de l’Homme, est l’avocat du célèbre écrivain franco-algérien Boualem Sansal, qui vient d’être arrêté et incarcéré en Algérie. Répondant aux quelques questions express que nous lui avons posées, François Zimeray nous donne quelques nouvelles de l’écrivain incarcéré à Alger, nous explique que son cas ne saurait être juridiquement prisonnier, « le bouc-émissaire », d’une relation diplomatique entre la France et l’Algérie qui s’est très fortement détériorée, et déclare : « On voit mal comment la plume d'un homme de 80 ans aurait pu mettre en danger la sécurité d'un État de 45 millions d’habitants ».

Le Crif : Quelles sont les nouvelles que vous avez pu avoir de Boualem Sansal ?

François Zimeray : Les avocats algériens avec qui je fais équipe ont pu le voir hier. Ça va. Il est inquiet. Il est détenu au pavillon pénitentiaire de l'hôpital Mustapha à Alger et n’a aucun contact avec l'extérieur.

 

Boualem Sansal, écrivain franco-algérien

 

Le Crif : Mais comment expliquer cette situation, cette atteinte si brutale à la liberté d’un écrivain ?

François Zimeray : Dans cette affaire comme dans toutes les autres, il y a l'explicite et l'implicite, le cœur des griefs et le contexte. Lorsque nous aurons accès au dossier nous saurons précisément ce qui lui est reproché. Il semble que ce soit une infraction à l'article 87 bis du Code pénal algérien, qui réprime les atteintes à la sûreté de l'État. On voit mal comment la plume d'un homme de 80 ans aurait pu mettre en danger la sécurité d'un État de 45 millions d’habitants. Et puis il y a l'implicite, le contexte d'une relation franco-algérienne très détériorée. Je ne me fais pas d’illusion, il est le bouc-émissaire de ce désastre.

 

« L’enjeu, pour nous avocats, est de toujours rester sur le terrain et dans le langage du droit, de la défense de la liberté et de la dignité de la personne humaine »

 

Le Crif : Il s’agit d’un écrivain de nationalité française aussi et, à ce titre, il doit bénéficier de la protection de la France. Que peut-on en déduire, sachant qu’il est pris en otage par une situation inter-étatique tendue ?

François Zimeray : Au-delà du symbole qu’il incarne, c’est un homme de 80 ans dont le sort ne peut être instrumentalisé par des enjeux qui le dépassent, lui et sa plume. La défense ne doit pas tomber dans le piège de ceux qui cherchent à enfoncer un coin entre la France et l’Algérie.

 

Le Crif : Ni dans le piège de ceux qui instrumentalisent l’idée même de justice…

François Zimeray : L’enjeu, pour nous avocats, est de toujours être et de rester sur le terrain et dans le langage du droit, de la défense de la liberté et de la dignité de la personne humaine. C’est la seule chose qui doit prévaloir.

 

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet

 

- Les opinions exprimées dans les entretiens n’engagent que leurs auteurs -