Jean-Pierre Allali
Fascinant Chouchani, par Sandrine Szwarc (*)
Fascinant et mystérieux Chouchani. Dans cette remarquable et passionnante étude, Sandrine Szwarc nous dit tout et plus encore sur le clochard magnifique qui fut le maître à penser de nombre d’intellectuels juifs et qui, parce qu’il chercha, toute sa vie, à brouiller les pistes le concernant, était demeuré, jusqu’ici, un célèbre inconnu.
Né le 9 janvier 1985 à Brisk, il s’appelait en réalité Hillel Perelman et il était le fils de Manès et de Feiga Perelman. Plus tard, verront le jour sa sœur Sara et son frère Kusiel. En 1929, Hillel Perelman gagne Jérusalem et rejoint une première yeshiva avant de fréquenter celle du célèbre rav Kook.
7 mars 1914. Hillel Perelman qui ne tient pas en place, se retrouve à New York. Puis c’est Berlin, en Allemagne où il fréquente le cercle de Menahem Mendel Schneerson, le futur Rabbi de Loubavitch. 1928 voit Perelman en Algérie, à Oran. C’est à Strasbourg où il débarque en 1930 qu’il devient Mordehaï Chouchani. Il est à Paris en 1937. Pendant la Guerre, il enseignera en Dordogne avant de rejoindre la Suisse où il demeurera jusqu’en 1945 avant de retrouver la France. C’est là, en 1947, qu’il rencontrera Elie Wiesel, dans la « Maison des Hirondelles », à Lyon. En 1949, à la demande de Léon Askénazi « Manitou », il enseigne à la fameuse École d’Orsay. Dans les années cinquante il est de nouveau en Israël où il est victime d’un accident de voiture.
1955 : c’est le grand saut avec un départ pour l’Uruguay. C’est là qu’il décédera, le 26 janvier 1968 dans la localité de Durazno à 50 kilomètres de Montevideo. Il est enterré au cimetière de La Paz.
À la lecture du bel ouvrage de Sandrine Szwarc, on réalise le nombre incroyable d’intellectuels qui croiseront le chemin de Chouchani, l’adulant pour certains et l’exécrant pour d’autres car le personnage était, par certains côtés répugnant, mal fagoté et au caractère irascible : Elie Wiesel, bien sûr mais aussi, Léon Askenazi, le docteur Henri Nerson, Benjamin Gross, Judith Hemmindinger, Marianne Picard, Emmanuel Levinas, Claude Riveline, Jacob Gordin et bien d’autres. Chouchani, dont l’érudition et la connaissance des ouvrages bibliques était incommensurable, prenait un malin plaisir à montrer à ses interlocuteurs qu’ils étaient des ignorants. Ainsi, si Elie Wiesel fut son ami et disciple, il fut aussi son souffre-douleur !
Pour Claude Riveline, il était probablement un enfant prodige et ce que l’on désigne comme un autiste Asperger.
Si Chouchani n’a jamais publié, il a laissé, çà et là, des petits bouts de papier, des feuillets, des cahiers, que les experts tentent de déchiffrer pour en savoir plus sur ce fascinant personnage, sur ce vagabond savant qui adorait porter des chaussures dépareillées et disait avoir perdu toute sa fortune à la bourse mais ne se séparait pas d’une valise contenant des devises, de l’or et des bijoux.
Ajoutons que Chouchani, adepte du mouvement religieux Mizrahi, fut un sioniste convaincu et militant.
Un ouvrage remarquable agrémenté de nombreuses illustrations et de l’arbre généalogique des Perelman.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Hermann. Préface de Shmuel Wygoda. Février 2022. 466 pages. 25 €.