Actualités
|
Publié le 4 Décembre 2024

Le Crif en action – « 3 jours pour la mémoire » à Bordeaux : Jour 3

La troisième et dernière conférence des « 3 jours pour la mémoire » a mis à l’honneur un projet collaboratif unique qui allie Histoire, Mémoire et Transmission. Enseignants-chercheurs et étudiants de l’Université Bordeaux Montaigne, de l’IRHT-CNRS et de Sciences Po Bordeaux ont partagé les fruits d’un travail minutieux consacré aux pavés de la mémoire, proposé à la Mairie de Bordeaux. Ce travail ancré dans les archives bordelaises a dépassé la simple approche historique. Il a exploré la signification culturelle et émotionnelle de la mémoire, tout en s’appuyant sur des témoignages précieux de survivants. Les intervenants ont dévoilé des récits longtemps oubliés en remontant le temps de 84 ans. Ils ont invité le public à reconstituer avec eux des fragments de l’histoire de la Shoah, mais aussi de la vie à Bordeaux pendant cette période.

Mercredi 27 novembre

 

Jour 3 / Des archives de Vichy aux pavés pour la cité

 

Evelien Chayes, historienne chercheuse au CNRS, spécialiste de l’histoire des Juifs de l’époque pré-moderne à l’époque contemporaine, est à l’origine du thème de cette soirée. Elle a introduit le travail des étudiants qu’elle a accompagnés dans leurs recherches, s’intéressant elle-même de très près aux sources archivistiques.
Ses collègues Eva Kastenhuber, professeure agrégée d’allemand et Claire Kaiser, Maître de conférences en études germaniques, qui a co-dirigé la publication d’un dossier spécial sur les Stolpersteine en France et en Allemagne, ont coordonné et supervisé les travaux de leurs étudiants.

Les Stolpersteine sont une création de l’artiste berlinois Günter Demnig. Elles signifient « pierres d’achoppement », c’est-à-dire pierres sur lesquelles on trébuche.

Ce sont des pavés de béton noir, recouverts de métal, de 10 cm de côté. Ils sont encastrés dans le sol devant le dernier domicile connu des victimes du nazisme. Leur partie supérieure (qui affleure) est recouverte d’une plaque en laiton qui honore la mémoire d’une personne déportée dans un camp de concentration ou d’extermination parce que juive ou en raison de ses origines, de son orientation sexuelle ou de son opposition au régime nazi.

Il y a actuellement environ 100 000 Stolpersteine posées en Europe.

À Bordeaux et à Bègles les premiers pavés ont été posés en 2017 à l’initiative d’un groupe de chercheurs et d’étudiants de l’Université Bordeaux Montaigne et de l’IRHT-CNRS.

Cette pose de Stolpersteine répond à la nécessité d’individualiser la question mémorielle et de combattre l’anonymat.

Les étudiants Olivia Marlin et Pierre Émilien Le Ho ont expliqué leur démarche pour redonner une identité à des individus déshumanisés et à matérialiser le passé dans l’espace public.
Les investigations et les travaux archivistiques qu’ils ont entrepris aux archives départementales de la Gironde, du gouvernement, de Serge et Beate Klarsfeld et à Yad Vashem, au Mémorial d’Auschwitz, au Mémorial des Enfants, leur ont permis de replacer le destin des victimes dans un contexte plus global, d’enrichir et de valoriser leurs connaissances des persécutions à l’échelle locale.

La profusion des archives de Vichy, instruments de recherche et sources de savoir, particulièrement à Bordeaux où Maurice Papon détenait toute autorité et tout pouvoir, démontre que la création ou la destruction de l’Histoire passent par les archives.

Les étudiants ont aussi évoqué les difficultés rencontrées comme le changement de nom des rues, les documents perdus, et les choix à opérer en fonction des informations recueillies les plus exhaustives.
Ils ont exprimé leur ressenti devant la matérialité des documents et leur émotion dans leurs tentatives de prise de contact avec des membres des familles survivantes surtout quand cela a été couronné de succès.

À l’issue de leurs recherches, après leurs démarches auprès de la mairie de Bordeaux, deux familles seront honorées en 2025 : la famille Horowicz et la famille Latzis.

L’implication des étudiants témoigne de l’importance de la jeunesse dans la préservation de la transmission de cette mémoire essentielle. En revisitant le passé, cette soirée a posé une question fondamentale : comment aujourd’hui transformer les traces d’un héritage douloureux en un engagement pour l’avenir ?

Ces trois jours pour la Mémoire se sont achevés sur une note d’émotion et de réflexion, marquant un succès incontestable avec la participation de près de 250 personnes.

Albert Massiah, président du Crif Bordeaux-Aquitaine, a remercié les conférenciers et l’auditoire, et en raison de la disparition des derniers rescapés a conclu « vous êtes aujourd’hui les témoins des témoins ».

 

À lire aussi :