Le billet de Jérémie Haddad - À l'attention du médiateur du journal Le Monde

16 Mai 2024 | 461 vue(s)
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Chronique de Bruno Halioua, diffusée sur Radio J, lundi 12 février à 9h20.

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À l’attention du Médiateur du journal Le Monde à propos de l’article suivant : « Comment le monde a couvert le conflit israélo-palestinien depuis 1945 », publié à l'occasion des 80 ans du Monde, le 13 mai 2024 :

 

Je ne vous cache pas que j’attendais avec impatience votre article pour les 80 ans du Monde sur votre couverture du conflit israélo-palestinien.

Comment alliez-vous donc vous débrouiller pour démontrer l’équivalent d’un travail irréprochable, digne de l’objectivité, de la déontologie et de la rigueur qu’on est en droit d’attendre du Journal ? 

La petite manipulation du lecteur en début d’article expliquant que même des pro-Palestiniens peuvent être critiques des articles du Monde était à mon avis parfaitement dispensable.

Mais j’apprécie à sa juste valeur la reconnaissance malgré tout du tournant parfaitement anti-Israélien que Le Monde a épousé après 1967 et la Guerre des Six jours, en épousant une doxa faite d’inspiration gaulliste, de tiers-mondisme et de critique systématique d’Israël.

J’avais 16 ans en 1992, année à partir de laquelle j’ai commencé à lire Le Monde et où le conflit était en effet couvert par Patrice Claude. 

J’en ai conçu une méfiance durable sur la couverture de ce sujet par votre journal. Les risques existentiels pesant sur l’État d’Israël du fait de la volonté farouche de ses adversaires de faire disparaître cet État n’étaient objectivement jamais traités.

Plus de trente ans plus tard, je dois dire que cet aveu de Patrice Claude m’a estomaqué : « ce conflit m’a ému comme aucun autre, il m’a pris aux tripes ; je ne comprends toujours pas pourquoi ».

Comment appeler une véhémence systématique, irrationnelle envers le seul État juif de la planète, au détriment de toute déontologie professionnelle ? J’ai personnellement un adjectif pour cela, mais je souhaiterais que vous continuiez à me lire.
Non pas pour refaire la liste des frustrations et des colères (moi qui suis pourtant d’un naturel posé) qu’ont induit la lecture de vos articles, mais pour pointer une erreur factuelle dans l’article de Gilles Paris, qui me semble être le nœud critique de votre couverture de l’État d’Israël.

En parlant du dessin de TIM, publié après la célèbre conférence de presse du général De Gaulle, Gilles Paris écrit la chose suivante : « [le dessin] montre un déporté squelettique en vêtement rayé sur lequel a été cousue l’étoile jaune, la posture orgueilleuse, au-dessus de la formule : « sûr de lui-même et dominateur. » Il s’agit d’une réplique cinglante à la conférence de presse du général de Gaulle, le 27 novembre précédent, au cours de laquelle il a prononcé cette formule à propos du « peuple israélien ».

Revenons sur ce qu’a exactement dit le général : « Les Juifs, jusqu’alors dispersés, et qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, une fois qu’ils seraient rassemblés dans les sites de son ancienne grandeur, n’en viennent à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : "l’an prochain à Jérusalem" ».

Le général de Gaulle parlait des Juifs. Pas des Israéliens, c’est tout à fait explicite. Pourquoi Gilles Paris parle alors de « peuple israélien » dans son papier ? Probablement, parce que si l’on en croit la charte rédactionnelle du Monde, le mot juif ne peut s’écrire qu’avec une minuscule. Lorsqu’on écrit le mot juif, pour Le Monde, c’est forcément en utilisant une minuscule.

Les grammairiens et spécialistes de l’orthographe concluent aisément : un juif, c’est donc une personne pratiquant la religion juive au même titre qu’un chrétien ou un musulman. Un Juif, avec une majuscule, c’est très différent, c’est un membre du peuple juif, au même titre qu’un Russe, qu’un Anglais ou qu’un Palestinien.

Selon le contexte, le français est donc une langue qui permet de distinguer si l’on parle du juif dans sa dimension confessionnelle ou du Juif dans sa dimension nationale. C’est compliqué parce que la judéité est probablement la seule condition qui mêle dans un même terme une appartenance à un peuple et l’attachement à une tradition transcendante. 

Mais pour Le Monde, nul débat. En ne mettant jamais de majuscule au mot juif, le parti pris est clair : il n’existe pas de peuple juif, mais seulement une confession juive [israélite aurait-on dit au 19ème siècle].

Voici sûrement pourquoi Gilles Paris parle de peuple israélien au lieu de peuple juif. 

Mais s’il n’y a pas de peuple juif et que cette notion est une chimère, pourquoi voudriez-vous qu’il existe un État à destination de pratiquants d’une religion quelle qu’elle soit ? Un État pour une Nation, oui ! Mais un État pour une religion, c’est extrêmement douteux et cela doit être combattu.

Voici ce que je comprends de votre charte rédactionnelle et de votre position sur le conflit israélo-palestinien. À quelle date de l’histoire du Monde ce choix a-t-il été fait ? Cela mériterait a minima une recherche pour comprendre si l’inexistence du peuple juif pour Le Monde a été concomitante du tournant anti-Israélien du Monde.

Pour finir, j’ai été aimanté par le papier d’avril 1988 sur l’occupation que vous mettez en valeur dans l’article de Gilles Paris.

« Chassons les juifs [sic, avec une minuscule bien sûr] ! » « Nous retournerons à Jaffa ! ».

Que dit Le Monde de ces slogans palestiniens évoqués par vos envoyés spéciaux ?

« L’ennui, bien sûr, est que nombre d’Israéliens prennent ces slogans au pied de la lettre »

Décidément, qu’ils sont susceptibles ces Israéliens…

36 ans plus tard et sept mois après le 7 octobre, oseriez-vous dire qu’ils avaient tort ?

 

 

Jérémie Haddad, membre du bureau exécutif du Crif 

 

 

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