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Publié le 7 Novembre 2024

Interview de Patrick Klugman, avocat représentant les entreprises israéliennes dans les affaires Eurosatory et Euronaval

Patrick Klugman, avocat représentant les entreprises israéliennes dans les affaires Eurosatory et Euronaval est revenu pour le Crif sur ces deux événements pour lesquels l’État avait initialement interdit toute participation des entreprises israéliennes à ces salons, avant que le tribunal de commerce de Paris annule ces décisions en référé.

Crédit photo : ©SAMUEL BOIVIN / NurPhoto / NurPhoto / AFP

 

Alors que l’État avait initialement interdit toute participation des entreprises israéliennes au salon Euronaval, événement international dédié aux technologies navales de défense et de sécurité maritime, réunissant industriels et experts du domaine, le tribunal de commerce de Paris a annulé mercredi 30 octobre 2024, en référé, la décision du Conseil de défense et de sécurité nationale qui interdit aux entreprises israéliennes d’exposer au salon Euronaval.

En juin dernier, le tribunal de commerce de Paris avait déjà annulé la même interdiction de participation des exposants israéliens au salon Eurosatory, événement mondial consacré aux technologies de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres.

Dans les deux cas, le tribunal considère que le non-accès à ces événements, décidé par l’exécutif en premier lieu, constitue une forme de discrimination pour les sociétés concernées. Patrick Klugman a représenté les entreprises israéliennes et la Chambre de commerce France-Israël dans les référés concernant les salons Eurosatory et Euronaval. Il a ainsi contesté les décisions d'exclusion de ces sociétés des salons de défense. Son action et celle de ses associés a conduit le tribunal de commerce de Paris à suspendre ces interdictions.

 

Vous pouvez découvrir l’interview de Maître Patrick Klugman ci-après en vidéo :

 

 

 

L’interview a également été retranscrite :

« Depuis Eurosatory, il est manifeste qu’il y a une volonté au plus haut niveau de l'État d'empêcher les entreprises israéliennes d'accéder. Bien que cela n’est jamais été explicitement formulé, on comprend que des entreprises israéliennes dans le domaine de la défense doivent répondre, en quelque sorte, de la mauvaise relation entre le Premier ministre Netanyahu et le Président Emmanuel Macron. La différence entre les deux salons, Eurosatory et Euronaval, réside d’abord dans l’ampleur des entreprises impactées : Eurosatory concerne un plus grand nombre de sociétés. Pourtant, à Eurosatory, personne ne veut endosser la responsabilité de cette décision qui est finalement notifiée par la société organisatrice, une société privée, à ces contractants israéliens. Aucun ministre ni aucune autorité ne déclare publiquement : « Voici ce que nous avons décidé ». Cela place les entreprises dans une situation délicate, et c’est la raison pour laquelle nous avons porté l’affaire devant le Tribunal de commerce. L’entreprise doit donc succomber parce qu'elle dit qu’on lui a demandé, mais on ne saura jamais qui lui a demandé et quoi. On a simplement une entreprise qui empêche des entreprises sur le seul fondement de leur nationalité d'accéder à un salon. C'est sur ce fondement que la société organisatrice a été condamnée.

Pour Euronaval, le contexte est différent. L'État a pris connaissance des décisions de justice obtenues pour Eurosatory, et l'énervement du Président de la République semble s’être intensifié.
Il a mobilisé la machine de l'État au plus haut niveau. Deux décisions ont été prises en Conseil de défense, réunissant les ministres régaliens. Malgré cela, nous avons décidé d’aller devant le Tribunal de commerce car si le régalien est le régalien, ici c’est une entreprise privée qui interdit à d’autres entreprises, l’accès à un salon, toujours sur le fondement de leur nationalité.
Le préfet a alors adressé un déclinatoire de compétences au président de la juridiction, une démarche exceptionnelle par laquelle l’État interdit à une juridiction judiciaire d’intervenir dans un litige donné. Après un travail acharné de notre part, le président du tribunal a résisté, c’est-à-dire qu’il a retenu sa compétence et a ainsi jugé que quelles que soient les décisions du Conseil de défense, l’entreprise organisatrice du salon Euronaval ne pouvait pas empêcher les entreprises israéliennes d’avoir des stands sur le salon. Parce que c’était bien de cela dont il était question.

Voilà ce qui s’est joué pour ces deux salons. Pour Euronaval, on a vraiment vu la machine de l’État emboîter le pas à la décision politique du président de la République et tout faire que les cinq entreprises israéliennes ne puissent pas disposer d’un stand.

L’absurdité de la situation atteint son comble avec le critère final utilisé pour tenter d’éviter l’accusation de discrimination : ils ont exigé des entreprises israéliennes qu’elles n’aient aucun équipement en lien avec Gaza ou le Liban pour pouvoir participer. Or, premièrement, cette condition n’a été posée qu’aux entreprises israéliennes et non aux Américaines ou aux Allemands, qui eux aussi pourraient être impliqués dans ces régions. Et finalement, même cette condition n’a pas été véritablement appliquée. La discrimination demeurait donc manifeste, et le président du Tribunal de commerce l’a très courageusement relevée. Il a choisi de faire cesser cette discrimination en ordonnant l’accès aux stands pour les entreprises israéliennes, et cette fois-ci, contrairement à Eurosatory, le délai imparti a permis cette résolution. Les entreprises israéliennes qui avaient réservé leur emplacement à Euronaval ont pu, ainsi, exposer leurs produits sur leur stand. Même avec une décision étatique qui lui demanderait, le juge judiciaire saisi du litige au principal peut faire cesser un trouble manifestement illicite, en l’occurrence une discrimination.

Ce qui motive cette décision est donc la discrimination. La liberté du commerce et de l’industrie est incompatible avec toute forme de discrimination ou de boycott.

Vu qu’il existait un risque de boycott d’entreprises sur le fondement de la nationalité, il a été ordonné de faire cesser cette mesure et de permettre aux entreprises israéliennes d’accéder aux stands qu’elles avaient acheté. »

Une seule entreprise, semble-t-il, n’a pas pu venir au final, mais les autres sont installées dans le salon comme prévu. Et ce qui est notable, c’est que la société organisatrice, Sogena, n’a pas fait appel de cette décision, permettant ainsi au salon de se dérouler avec la présence des entreprises israéliennes, sans heurts apparents.