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Publié le 16 Février 2022

France - Spoliations nazies : à l’unanimité, le Parlement vote la restitution d’œuvres d’art

Après l’Assemblée nationale à la fin de janvier, le Sénat a unanimement validé le projet de loi pour la restitution des œuvres spoliées pendant la seconde guerre mondiale. La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a salué une loi « historique ».

Publié le 15 février dans Le Monde

Quinze œuvres, dont des tableaux de Gustav Klimt et Marc Chagall, vont pouvoir être restituées aux héritiers de familles juives spoliées par les nazis, après que le Parlement a unanimement autorisé ce retour, mardi 15 février.

Après le vote de l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 25 janvier, le Sénat, dominé par la droite, a validé ce texte à main levée, sous les applaudissements de ces héritiers ou de leurs représentants présents en tribune. « C’est une première étape [car] des œuvres d’art et des livres spoliés sont toujours conservés dans des collections publiques. Des objets qui ne devraient pas, qui n’auraient jamais dû y être », a répété la ministre de la culture, Roselyne Bachelot.

Cette dernière se félicite d’une loi « historique » par laquelle, pour la première fois depuis soixante-dix ans, « un gouvernement engage une démarche permettant la restitution d’œuvres des collections publiques spoliées pendant la seconde guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l’Occupation, en raison des persécutions antisémites ».

Un tableau de Klimt restitué à sa propriétaire autrichienne

Un projet de loi était nécessaire pour déroger au principe d’inaliénabilité des collections publiques. Les sénateurs de tous bords ont salué des restitutions allant « dans le sens de l’apaisement » et la « fin d’un processus trop long ».

La sénatrice de Paris Esther Benbassa (non inscrite), historienne spécialiste du peuple juif, a relevé l’importance de ce vote « à l’heure où certains tentent de réhabiliter le régime de Vichy dans le débat public », en allusion à Eric Zemmour, candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle. Selon la rapporteure Béatrice Gosselin (Les Républicains, Manche), les spoliations ont été « l’un des volets de la politique d’anéantissement des juifs d’Europe conduite par le régime nazi » et, « sans en être l’instigateur, le régime de Vichy a également collaboré à ces crimes de manière active ».

Parmi les quinze œuvres se trouve, notamment, Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, conservé au musée d’Orsay, seule œuvre du peintre autrichien appartenant aux collections nationales françaises. Il avait été acquis en 1980 par l’Etat chez un marchand. Des recherches approfondies ont permis d’établir qu’il appartenait à l’Autrichienne Eléonore Stiasny qui l’a cédé lors d’une vente forcée à Vienne en 1938, lors de l’Anschluss, avant d’être déportée et assassinée.

100 000 œuvres saisies en France pendant la guerre

Onze dessins et une cire conservés au musée du Louvre, au musée d’Orsay et au musée du Château de Compiègne (Oise), ainsi qu’un tableau d’Utrillo (Carrefour à Sannois) conservé au musée Utrillo-Valadon de Sannois (Val-d’Oise), font également partie des restitutions prévues. Un tableau de Chagall, intitulé Le Père, conservé au Centre Pompidou et entré dans les collections nationales en 1988, a été ajouté. Il a été reconnu propriété de David Cender, musicien et luthier polonais juif, immigré en France en 1958.

Pour treize des quinze œuvres, les ayants droit ont été identifiés par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), créée en 1999. La France a longtemps été accusée de retard par rapport à plusieurs voisins européens en matière de réparation. Une mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 a été créée au sein du ministère de la culture il y a deux ans.

Quelque 100 000 œuvres d’art auraient été saisies en France durant la guerre, selon le ministère de la culture ; 60 000 biens ont été retrouvés en Allemagne à la Libération et renvoyés en France. Parmi eux, 45 000 ont été rapidement restitués à leurs propriétaires.

Environ 2 200 ont été sélectionnés et confiés à la garde des Musées nationaux (œuvres « MNR » pouvant être restituées par simple décision administrative) et le reste (environ 13 000 objets) a été vendu par l’administration des Domaines au début des années 1950. De nombreuses œuvres spoliées sont ainsi retournées sur le marché de l’art.

Une loi-cadre pourrait faciliter les restitutions dans les années à venir. Selon Mme Bachelot, « nous y viendrons ». La sénatrice Nathalie Goulet (Union centriste, Orne), « fille et petite-fille de déportés », a brandi dans l’Hémicycle la « fiche de spoliation » remontant à 1942 de sa grand-tante qui tenait un magasin de chapeaux. Elle a appelé à « ne pas réduire la spoliation à ceux qui avaient des œuvres d’art » et demandé une « reconnaissance ».