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Publié le 12 octobre dans 20 Minutes
Jamais ils ne l’oublieront. Ce samedi, cela fera un an que Samuel Paty, enseignant d’Histoire-Géographie, a été décapité près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), après avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. Les enseignants sont amenés à lui rendre hommage cette semaine, s’ils le souhaitent. Car le ministère de l’Education n’a pas voulu rendre cela obligatoire. « Les écoles et établissements pourront notamment organiser une minute de silence en mémoire de Samuel Paty et consacrer une heure de cours à un temps d’hommage et d’échanges, dont le contenu sera laissé au choix des équipes », explique ainsi le ministère. Une commémoration jugée essentielle par Christine Guimonnet, secrétaire générale de l’Association des professeurs d’Histoire-Géographie (APHG) : « Cet hommage est important. L’assassinat de Samuel Paty a été un tel choc pour nous et l’on n’accepte toujours pas qu’il ait pu se produire ».
Mais le fait que les consignes du ministère soient arrivées seulement une semaine avant la date anniversaire de la mort de l’enseignant fait tiquer : « Certes, nous savions que ce triste moment allait arriver, mais tant qu’il n’y avait pas de cadre défini par le ministère, il était difficile de se projeter. Les hommages risquent d’être très inégaux d’un établissement à un autre », prévoit Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale. « On ne construit pas une séquence pédagogique sur un tel sujet en quelques jours, cela aurait dû être anticipé dès la rentrée », renchérit Christine Guimonnet.
Une vidéo de Robert Badinter sur la laïcité, la lettre de Jean Jaurès aux professeurs…
La teneur de cet hommage variera évidemment en fonction de l’âge des enfants. Ce temps pourra notamment prendre la forme, à partir du cycle 3 [CM1, CM2, 6e], d’une séquence spécifique sur la construction de l’esprit critique, ainsi que sur le métier de professeur, son rôle et sa légitimité. « On peut par exemple travailler sur la presse en identifiant avec les élèves les différents types d’articles, comparer la restitution d’une information selon les différents médias », explique Ghislaine David, la porte-parole du SNUipp-FSU, le principal syndicat d’enseignants du primaire. Mais selon elle, certains enseignants ne seront pas très à l’aise à l’idée d’évoquer les circonstances de la mort de Samuel Paty : « C’est délicat d’évoquer cette tragédie avec de jeunes enfants ».
Dans le secondaire, à partir de la 5e, il sera surtout question de liberté d’expression et d’esprit critique. Reste à savoir quels enseignants monteront au créneau : « Plus naturellement, ce sont ceux d’Histoire-Géographie et de Sciences économiques et sociales qui s’y engageront en premier lieu. Mais ils ne seront pas les seuls », prévoit Bruno Bobkiewicz. « Certains de nos collègues n’ont pas cours le vendredi, donc des débats ou des initiatives pédagogiques vont s’étaler sur la semaine. On va s’arranger entre nous pour que le maximum de classes soient concernées, ce qui implique que les enseignants de différentes matières y participent », indique Christine Guimonnet. Pour les aider à se préparer, le ministère a mis à leur disposition sur Eduscol certains documents. Telle qu’une vidéo hommage de Robert Badinter sur la laïcité, la lettre de Jean Jaurès aux professeurs. Et des vidéos présentant les valeurs de la République pourront constituer des supports pour entrer dans les échanges avec les élèves.
« Je vais travailler avec mes élèves sur la nocivité des réseaux sociaux »
Christine Guimonnet sait déjà comment elle va s’y prendre avec ses Terminale : « Je vais m’appuyer sur un travail que les élèves m’ont remis sur l’exercice de l’esprit critique pour démarrer une discussion. Je vais aussi en profiter pour redéfinir ce qu’est la laïcité. J’aborderai aussi les conséquences potentielles lorsqu’un élève ment sur ce qui s’est passé en classe ». Gilles Roumieux, professeur d’Histoire Géographie à Alès, a aussi des projets plein la tête : « Je vais travailler avec mes élèves sur la nocivité des réseaux sociaux et leur expliquer la manière de savoir bien lire une information sur le Web. On va également parler du rôle de l’enseignant ». Dans son collège, une exposition du projet « Touche pas à mon professeur », qu’il a élaboré avec ses élèves l’an dernier, est prévue : « Il s’agit de textes dans lequel les élèves expliquent ce que signifient pour eux vivre dans un pays en liberté, le rôle du professeur et ce qu’ils ont compris de l’assassinat de Samuel Paty ».
Reste que certains profs ne répondront pas à l’appel du ministère, souvent par peur d’évoquer les circonstances de cet assassinat. A l’instar de Théo, qui a répondu à notre appel à témoins : « Je n’en parlerai pas à mes élèves, cela serait prendre un risque pour ma vie ou celles de mes proches ».
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