Lu dans la presse
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Publié le 21 Décembre 2021

France - Disparition de Robert Créange, figure de la mémoire de la déportation

Défenseur inlassable de la mémoire de la Shoah, Robert Créange est décédé dimanche 19 décembre 2021 à l'âge de 90 ans. À 11 ans, en juillet 1942, il assiste à l'arrestation de ses parents qui seront assassinés à Auschwitz. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Publié le 20 décembre dans Actu.fr

Une vie marquée par l’horreur nazie

Robert Créange est né à Paris le 18 avril 1931, dans une famille de confession juive. Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, son père, l’écrivain et militant Pierre Créange, est recherché par la police française et la Gestapo. Robert a 11 ans en juillet 1942 lorsqu’il assiste à l’arrestation de ses parents, alors que la famille tente de passer en zone libre. Lui et sa sœur Françoise ne les reverront jamais. Pierre et Raymonde Créange sont déportés à Auschwitz depuis Drancy le 18 septembre 1942 et meurent en déportation. Le nom de Pierre Créange est inscrit au Panthéon sur la plaque « Aux écrivains morts pour la France ».

Enseignant et militant PCF

Robert Créange adhère au PCF en 1953 et exerce en tant qu’instituteur dans le Loir-et-Cher puis comme professeur d’enseignement général de collège (PEGC) au Niger et dans les Hauts-de-Seine. Dès 1953, Robert Créange encadre également les centres de vacances du comité d’entreprise de Renault et participe activement à la puissante grève Renault de 1968.

Membre du secrétariat de la section PCF de Boulogne-Billancourt, il est également conseiller municipal de la ville entre 1983 et 1995. C’est à lui que l’on doit la plaque commémorative en hommage aux 24 fusillés et déportés de l’usine Renault pendant la Seconde Guerre mondiale, apposée sur l’ancienne place Nationale à Boulogne en 2015.

L’usine fournit  pendant la guerre des camions militaires et des pièces de chars à l’armée allemande. Certains de ses ouvriers, communistes et syndicaux, dénoncent alors la collaboration. Des dizaines d’entre eux sont arrêtés puis déportés.

Un hommage rendu par la ville de Boulogne

Un mois avant son décès, en novembre 2021, Robert Créange s’était rendu au lycée Simone-Veil de Boulogne-Billancourt pour échanger avec une classe de lycéens. Témoin direct de la Seconde Guerre mondiale, cet ancien président de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) et secrétaire général depuis 1994, a milité toute sa vie pour la défense du devoir de mémoire.

La ville de Boulogne-Billancourt lui rendra hommage le jeudi 23 décembre à 11h à l’espace Landowski.

 

Témoignage de Robert Créange

Robert Créange, issu d'une famille juive d'origine lorraine. Ses parents et son grand-père paternel ont été arrêtés en tentant de franchir la ligne de démarcation en Juillet 1942, très vraisemblablement vendus par le "passeur" qu'ils avaient payé. Ils ont été internés à Poitiers puis à Drancy. Son grand-père faisait partie du dernier convoi de vieillards relâchés de Drancy.

Ses parents ont été déportés par le convoi n° 34 du 17 Juillet 1942 en direction d'Auschwitz-Birkenau. Ils meurent en déportation. Pendant sa déportation, Pierre Créange a écrit deux poèmes qui sont parvenus comme par miracle à ses enfants.

Robert a 11 ans ce jour d’août 1942 : "Pendant la guerre et l’occupation, mon père, Pierre Créange, militant de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière – le parti socialiste français), franc-maçon, juif et poète, a très vite été recherché. Aussi bien par la police française que par la gestapo.

Après la rafle du Vel’dHiv, du 16 juillet 1942, il a décidé de nous faire passer la ligne de démarcation pour rejoindre la zone libre, avec ma mère, mon grand-père maternel et ma sœur âgée de 13 ans. Nous savions qu’il y avait danger, mais nous ignorions complètement l’existence des camps et des chambres à gaz.

Ce jour d’août 1942, ma sœur et moi, nous avons vu nos parents pour la dernière fois, arrêtés par les Allemands. Recueillis par une tante à Périgueux, nous avons pu échanger quelques cartes avec nos parents, tant qu’ils étaient dans la prison de Poitiers et dans le camp de Drancy, jusqu’à l’arrivée de la dernière, sur laquelle un gardien avait inscrit “Partis le 18/09/1942 pour destination inconnue”...

Nous n’avons plus rien su de notre mère, certainement gazée à l’arrivée. Pour notre père, quelqu’un, qui en est revenu, nous a raconté et rapporté deux de ses poèmes écrits au camp. Notre grand-père a eu plus de chance, après la libération, nous l’avons retrouvé à Boulogne-Billancourt".

Source du témoignage : AJPN