Président de la Commission Souvenir du Crif
Il y a 76 ans, 20 enfants Juifs étaient massacrés le 21 avril 1945, à l’école de Bullenhuser Damm d’Hambourg.
Comment ne pas être ému en regardant les visages de cette petite fille qui s’appelait Jacqueline Morgenstern et de ce petit garçon qui s’appelait André Kohn ? Ce sont les photos de deux enfants juifs français tués à l’âge de 12 ans, le 21 avril 1945 dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale.
L’Allemagne nazi livre ses ultimes combats. Les dignitaires nazis ne se font aucune illusion car ils savent qu’ils sont en train de vivre les derniers jours d’un régime qui devait durer 1 000 ans. Ils décident d’effacer toutes les traces de leurs exactions et de leurs crimes. Les troupes britanniques sont entrées dans Hambourg. Ils sont à 27 km du camp de concentration de Neuengamme. Ordre est donné par le Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sûreté du Reich, RSHA) de tuer le groupe de vingt enfants juifs, dix garçons et dix filles âgés de 6 à 12 ans qui ont subi à Neuengamme une série d’expérimentations sur la tuberculose.
Deux enfants juifs français Jacqueline Morgenstern et Georges-André Kohn font partie de ce groupe qui été sélectionnés par Josef Mengele dans le camp d’Auschwitz et qui ont été transférés au camp de Neuengamme en novembre 1944. Le docteur Kurt Heissmeyer leur a fait subir une série d’expérimentations toutes inutiles et toutes douloureuses sans se soucier de la souffrance des enfants. Au cours d'une interrogatoire en 1964, Heissmeyer déclare sans éprouver le moindre remord qu'il n'y avait eu pour lui, « aucune différence fondamentale entre les juifs et les animaux de laboratoire ».
Dans la nuit du 20 avril les enfants sont réveillés puis transférés par camion dans l'école de Bullenhuser Damm situé à Hambourg. Ils sont accompagnés par deux médecins déportés français René Quenouille et Gabriel Florence et les deux infirmiers hollandais Anton Holzel et Dirk Deutekom. Ces déportés sont mis de côté et sont pendus à un tuyau au plafond dans la chaufferie afin qu’ils ne puissent pas témoigner. Les enfants juifs sont conduits à la cave. Chacun d’entre eux reçoit une injection de morphine qui les plonge dans un état de torpeur. Puis les SS sous la direction du SS-Obersturmführer Arnold Strippel les pendent un par un aux crochets sur le mur. L’un des assassins, le SS Johann Frahm doit peser avec le poids de son corps sur les enfants qui sont si maigres que le nœud ne peut pas se refermer autour de leurs cous.
Dans un interrogatoire en 1946, le SS Johann Frahm dira qu'il a « accroché les enfants au mur comme des tableaux ». Le médecin SS Alfred Trzebinski, médecin du camp de Neuengamme surveille attentivement l’opération d’extermination de ces enfants. Les corps des enfants sont décrochés à l’aube et emportés dans le camp de Neuengamme afin d’être incinérés.
Ce jour, viennent de mourir Georges-André Kohn et Jacqueline Morgenstern originaires de France, Eduard et Alexander Hornemann originaires des Pays Bas, Sergio de Simone originaire d’Italie, Walter Junglieb originaire de Slovaquie, Leelka Birnbaum, Marek Steinbaum, Eduard Reichenbaum, Bluma Mekler, Ruchla Zylberberg, H. Wassermann, Surcis Goldinger, Lea Klygerman, Riwka Herszberg, Bluma Mekler, Roman Witonski, Marek James, Eleonora Witonska et Mania Altmann originaires de Pologne.
Ces enfants sont morts dans l’indifférence la plus complète uniquement parce qu’ils étaient Juifs.
Quelques jours plus tard, la ville d’Hambourg est libérée. La vie reprend son cours. L’école de Bullenhuser Damm poursuit son activité avec les jeunes écoliers qui ignorent les crimes qui ont eu lieu.
Le médecin SS Alfred Trzebinski sera arrêté et jugé à Hambourg lors du procès du camp de Neuengamme par un tribunal britannique qui le condamnera à mort. Il sera exécuté par pendaison le 8 octobre 1946 à la prison d’Hamelin.Le docteur Kurt Heissmeyer qui avait réalisé les expérimentations sur les enfants juifs a retrouvé sa famille sans être inquiété après la Guerre. Il a repris son activité médicale à Magdebourg tout en devenant directeur d’une clinique privée spécialisée dans la prise en charge de la tuberculose. Il a toutefois été arrêté le 13 décembre 1963 puis jugé au cours d’un procès qui a eu lieu en 1966. Il est mort d’une crise cardiaque en 1967. Le SS-Obersturmführer Arnold Strippel chargé de diriger l’exécution des enfants a été jugé et il est resté en prison jusqu’en 1969. Il est mort le plus tranquillement du monde entouré de sa famille à Francfort en 1994 à l’âge de 83 ans…