Président du Crif, un militant juif et citoyen
"Les Juifs ont de l'argent" : ce poncif antisémite, sans doute aussi vieux que l'antisémitisme lui-même, coûta sa vie à Ilan Halimi, assassiné le 13 février 2006, après 24 jours de séquestration et de torture.
Un préjugé n'est pas une simple opinion. Rappelons ce principe à ceux qui ne veulent pas en voir la gravité : les préjugés sont le conditionnement mental nécessaire à la libération de la violence ciblée. C'est le terreau sur lequel grandit la possibilité du passage à l'acte. Dit autrement, sans l'idée que "les Juifs ont de l'argent", le "Gang des barbares" n'aurait jamais choisi puis tué Ilan Halimi, jeune homme sans fortune particulière.
Ainsi, les préjugés antisémites tuent. Mais 16 ans, demain jour pour jour, après sa mort, qu'avons nous retenu ? Rien ou presque rien !
Les préjugés antisémites sont toujours aussi largement partagés dans l'opinion publique. Dans une étude menée par Ipsos pour le CRIF en 2020, 44% (!) des Français considèrent que "les Juifs sont plus riches que la moyenne des Français" et 30% que "les Juifs aiment plus l'argent que les autres Français".
Plus grave encore, ces stéréotypes ne sont plus limités aux vieilles générations et semblent même trouver aujourd'hui un renouveau au sein de certaines catégories de Français, dont notamment les Français de culture musulmane qui sont 53% à y adhérer (Etude Fondapol/AJC - Janvier 2022) ou les électeurs d'extrême-droite et d'extrême-gauche.
Depuis la mort d'Ilan Halimi, l'antisémitisme a gagné de nouvelles sphères porté notamment par l'endoctrinement islamiste, la haine d'Israël ou les idées complotistes, ajoutant au fil des ans 10 nouveaux noms de Juifs de France à la liste des victimes contemporaines de cette haine devenue ordinaire.
Plus largement, les préjugés racistes et antisémites, eux, continuent de faire des ravages chez des esprits faibles et de légitimer de dramatiques passages à l'acte : ainsi, en 2016, un couturier d'origine asiatique, Chaolin Zhang, était à son tour ciblé parce que ses agresseurs considéraient que "les Chinois ont de l'argent".
16 ans après sa mort, le meilleur hommage que la France puisse rendre à Ilan Halimi serait de considérer enfin à leur juste mesure la gravité des préjugés antisémites, pour ouvrir des temps plus apaisés pour les Juifs de France mais aussi, avec eux, pour l'ensemble des Français.
Puisse la mémoire d'Ilan Halimi nous aider sur ce chemin.
Yonathan Arfi