Yonathan Arfi

Président du Crif, un militant juif et citoyen

Blog du Crif - Eric Zemmour : la double peine des Juifs français

20 Septembre 2021 | 1832 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Le 34ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 20 février 2019

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Opinion

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires !

Discours de Marcel Dreyfuss,  Président d’honneur du Consistoire, représentant du Crif ARA - Dimanche 18/7/2021 au CHRD

Discours prononcé à la cérémonie du 18 juillet par M. Albert Massiah, Président du Crif Bordeaux-Aquitaine, lors de la « Journée nationale à la mémoire des crimes racistes et antisémites commis par l’État français de Vichy et en hommage aux Justes de France. »

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Eric Zemmour ne s'encombre pas de la nuance : tout ce qui dépasse, détonne, dissonne, doit être supprimé.  C'est la quête d'une France rabougrie et monochrome. Et malheureusement, les Juifs, ça ne rentre pas bien dans les cases... Certains disent même que nous avons été inventés pour ça.

Les Juifs sont d'ailleurs doublement victimes du discours d'Eric Zemmour : une fois victimes de ce qu'il dit, une autre du lieu d'où il s'exprime. Une fois, politiquement, une autre, symboliquement.

Sur le plan politique, ce qu'il propose a le goût et l'odeur des vieux classiques de l'extrême-droite. Eric Zemmour attaque à tous les temps. Au passé, d'abord : "Pétain a sauvé les Juifs français" (Octobre 2019), fantaisiste révision de l'Histoire.

Au présent ensuite : "la Kippa est une sorte de selfie religieux" (Janvier 2016) ou hier matin en voulant "obliger à donner des prénoms français". Les Eytan, Déborah, Ilan, Rivka, Amir, Shirel, Gad... et les Français qui portent la kippa apprécieront.

Au futur, enfin, puisque Eric Zemmour s'arroge même le droit de déterminer la légitimité de nos lieux de sépulture. Même morts, nous sommes coupables. Pour Eric Zemmour, se faire enterrer en Israël, c'est de l'évasion funéraire !    

Sur le fond, rien de bien nouveau. Eric Zemmour, ce sont les provocations de Jean-Marie Le Pen avec le look de Bruno Mégret.

Mais le prix le plus élevé que les Juifs paient n'est pas seulement la remise sur le devant de la scène de ces vieilleries politiques. Non. Le plus insupportable vient du fait que ces provocations soient l'expression d'une personnalité largement identifiée comme juive.

Je ne cherche pas à analyser le rapport d'Eric Zemmour à son identité juive. Ce rapport intime lui appartient et je réclame pour chacun, et donc pour lui aussi, le droit d'échapper à toute assignation identitaire. Ce qui est certain, en revanche, c'est que ses propos ne trouveraient pas un tel écho s'ils n'étaient pas formulés par une personnalité perçue comme juive.

Les linguistes et communicants le savent, l'identité du locuteur compte dans la réception du message. Et en l'espèce, qu'une personnalité portant un nom juif, fasse la promotion des discours d'exclusion visant notamment les juifs et les musulmans, donne une légitimité inédite au propos. Qu'il le veuille ou non, Eric Zemmour contribue à apporter à l'extrême-droite ce que Marine Le Pen cherche depuis longtemps : un certificat "casher" dont elle espère qu'il lui apporte une légitimité nouvelle.

Cette dimension là peut paraître secondaire par rapport aux propos de Zemmour, mais pour moi, elle est la plus inacceptable. Celle qui me fait le plus mal.

En tant que Juifs, nous ne sommes bien entendu pas responsables des propos d'Eric Zemmour. Mais nous avons la responsabilité de nous mettre en travers de leur chemin.

Yonathan Arfi