Ancien Président du CRIF
Les restaurants sont ouverts, les masques sont tombés, les vacances annoncent des brassages humains oubliés mais le doute s’insinue.
Ce variant delta, suivant la nomenclature élaborée par l’OMS pour faire pièce au virus chinois de Donald Trump, qui fait suite à l’alpha ex anglais, au beta ex sud africain et au gamma ex brésilien, nous prépare-t-il un automne de reconfinement ? Précède-t-il un epsilon plus inquiétant encore ?
En tout cas, il ne signifie pas, bien au contraire, l’échec de la vaccination. En Israël, les mesures avaient été levées le 15 juin. Le retour du masque en intérieur et les restrictions aux voyages ont entrainé des commentaires acerbes et absurdes. Absurdes, car si les cas de Covid ont augmenté, passant de 15 le 10 avril à 219 le 24 juin et retombant d’ailleurs autour de 110 ces derniers jours, cela représente 100 fois moins qu’en janvier. Et il y a eu un seul décès depuis 15 jours…
L’augmentation est due au variant delta. Venu d’Inde, il a provoqué une flambée en Angleterre et sera très majoritaire en Europe dès la fin août.
Son expansion souligne la fragilité des contrôles aux aéroports, Ben Gourion compris, où Bennet a nommé un « tsar» pour pallier les défaillances. Ce facteur risque de limiter le trafic aérien dans l’avenir.
Pourquoi, parmi les milliers de mutations répertoriées sur les registres de séquençage, un variant devient-il prépondérant? Parce les mutations qu’il porte lui donnent, par hasard, un avantage dans ce qui est le seul objectif d’un virus, se reproduire.
Sauf s’il parasite une personne immuno déprimée, le virus et ses descendants ne subsistent pas chez un individu. Ils sont éliminés par les défenses immunitaires ou par la mort de la personne. Pour continuer la lignée ils doivent aller sur un autre individu encore vierge de défenses. Dans cette circulation que les mesures de confinement visent à réduire, les virus les plus contagieux, comme le delta, développent mieux leur descendance: c’est leur avantage darwinien. Et dans leur cas, l’immunité de groupe est plus proche de 80 que de 60% . Aucun pays n’y est encore parvenu, y compris Israël.
Or la vaccination stagne dans les pays riches qui disposent de vaccins. Il y a la folie antivax, les ravages du complotisme, la présentation mensongère ou incompétente des résultats, la confusion entre les effets secondaires fréquents et des complications graves exceptionnelles, myocardites du Pfizer ou thromboses de l’Astra Zeneca. Il y a l’indifférence de certains jeunes et les craintes de leurs parents. Jamais pratique médicale n’a été examinés à la loupe comme ces vaccinations dont les résultats sont enthousiasmants si elles sont complètes. Il faut regretter la médiocrité de la campagne médiatique de vaccination chez nous et la complaisance envers ceux qui refusent de se faire vacciner, même s’ils travaillent au contact des malades. Croire que la terre est plate ne risque pas de tuer autrui, refuser de se vacciner le peut.
Un autre avantage sélectif est la faculté d’un variant à esquiver les défenses de l’hôte. Certains y parviennent partiellement, mais pour l’instant les vaccins sont très performants. On vient ainsi de montrer que les vaccins à ARN messager continuent pendant des mois à affiner à l’intérieur des ganglions la sélection des anticorps. Les personnes vaccinées sont très rarement infectées et si elles le sont, elles font exceptionnellement une forme grave.
Être particulièrement toxique pour l’hôte n’est pas forcément un avantage pour un variant qui vise à mieux se reproduire et certains pensent que le SARS Cov2 deviendra bientôt aussi inoffensif que ses congénères responsables de rhumes. Mais plus le virus circule, plus il mute. Une mutation peut le rendre très pathogène, et en même temps très contagieux et immuno-résistant…
C’est pourquoi il faudra vacciner le monde entier pour fermer le fourneau infernal des mutations virales…
Richard Prasquier