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Publié le 4 Mai 2021

Actu - Au sujet du "texte moisi" de l'UJFP

Dans un communiqué navrant publié le 29 avril dernier, l'UJFP - en plus de considérations fausses et nauséabondes sur l'histoire de la Shoah - instrumentalise les propos de l'historien Tal Bruttmann. Ce dernier a réagi via son compte Facebook.

Un texte de l'historien Tal Bruttmann, publié le 2 mai sur son compte Facebook.

"Tiens donc, j'ai l'insigne honneur d'être cité dans un texte proche de l'immondice comme pseudo référence.

Quand je dis proche de l'immondice, en fait c'est un texte immonde signé de l'UJFP et qui débute ainsi : "Nous devons nous interroger sur ce nouveau discours sur « la Shoah » terme improbable adopté par Israël en 1951 pour définir ce qu’a été la destruction organisée des Juifs d’Europe par les nazis et ses complices français".

Alors tant qu'à me citer, chers rigolos de l'UJFP, vous devriez plutôt lire les 100 mots de la Shoah, où vous auriez appris que l'usage du terme Shoah ne date pas de 1951 mais bien avant. Ensuite il est toujours cocasse de lire qu'il s'agit d'un "terme improbable". Je suppose qu'il vous appartient à vous et vous seul de choisir le terme pour désigner l'évènement, et décider de ce qui est improbable ou non.

L'immondice se poursuit ainsi "La destruction des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale est l’histoire spécifique de l’Europe occidentale habituée par ailleurs à traiter les indigènes des colonies qu’elle occupait en sous-hommes, taillables et corvéables à merci. Réduits la plupart du temps à l’état d’esclavage. La nouveauté dans la destruction des Juifs d’Europe a résidé dans le fait qu’ils étaient blancs et européens. Qu’un certain nombre ont été transformés par les nazis en esclaves aux services des entreprises allemandes travaillant pour l’effort de guerre nazi jusqu’à l’extrême limite de leur résistance physique avant d’être détruits et réduits en cendres".

C'est toujours intéressant de constater que 80 ans après le début de l'évènement qu'est la Shoah ("terme improbable" hein mais évènement tout de même) on lise autant d'inepties malgré quelques décennies de travaux historiques. Inepties, contre-vérités et méconnaissances, le tout bien secoué et mélangé pour produire un ragout fort peu ragoutant. La Shoah serait donc le prolongement en Europe de la politique coloniale de l'Europe occidentale ? Tiens donc. Donc par exemple l'un des acteurs majeurs de la Shoah, la Roumanie, fait partie de l'Europe occidentale et disposait d'un empire colonial ? De même que les nationalistes baltes ou ukrainiens ? Parce que ces 3 là additionnés sont responsables de la mort du quart des victimes de la Shoah. Je passe sur la Croatie de Ante Pavelic dont les politiques « d'épuration ethniques » doivent probablement trouver leur source dans l'immense empire colonial de Yougoslavie (voire d'Autriche-Hongrie). Au temps pour la grille de lecture "colonialisme = Shoah".

Ah, et sinon, non, la Shoah (on va rester avec l'usage du "terme improbable") n'est pas un projet de travail forcé mais bien d'assassinat systématique = Treblinka 900 000 Juifs, 900 000 morts, assassinés dès l'arrivée. Pas souvenir non plus que les groupes mobiles de tueries (copyright Raul Hilberg) aient pensé non plus à faire travailler leurs victimes avant des les exécuter. Va falloir abandonner la grille de lecture marxiste de l'évènement pour le comprendre.

Continuons : "La France a largement participé à ce processus, engagé en amont, dès 1938, avec la création sur son propre territoire de multiples camps de concentration et l’institution du travail forcé à travers la création des CTE – Compagnie de Travailleurs Étrangers (décret du 12/04/1939) transformés ensuite en GTE – Groupe de Travailleurs Étrangers (loi du 27/09/1940) déclinés en sous-groupes selon les nationalités enrôlées de force dans cette entreprise criminelle".
Ben voyons les GTE sont l'équivalent des politiques nazis - chic, vivement le moment où on va m'expliquer que je défendrais Vichy en expliquant que les GTE, groupes de travail forcé, n'ont rien à voir avec les ZAL mis en place sous l'égide de la SS. Soit dit en passant l'UJFP vous êtes mal inspirés de citer les GTE "déclinés en sous-groupes selon les nationalités". Les GTE à majorité juive étaient appelés les "groupes palestiniens" - tiens donc, il aurait donc un rapport entre les Juifs et ce coin là ?

"Tal Bruttman notait dans son étude sur le rôle de l’administration française et l’application de la législation antisémite sous Vichy, à propos de la déportation des Juifs, que, passés la frontière, l’État était indifférent au sort des déportés".
Youpi, c'est moi. Enfin presque. Manque un N à mon nom les gars, ça serait sympa de citer correctement, de même que le passage en question. Ouais bon, franchement, c'est pas une grande découverte comme truc, Serge Klarsfeld, Paxton et Marrus, ou même Poliakov et Billlig avaient déjà pointé ça bien avant moi, et dans le bouquin cité il y a quand même quelques analyses plus novatrices. Enfin passons (enfin ceci dit c'est même pas un sous-chapitre dudit bouquin mais juste un bref passage). Sinon le gouvernement slovaque ou le gouvernement hongrois avaient la même attitude (et pas d'empire colonial).

Attention, maintenant le morceau de bravoure hautement politique : " Aujourd’hui encore, malgré les leçons de la politique de Vichy, la France continue, imperturbable, à perpétuer à grande échelle des pratiques toutes autant criminelles tout en clamant bruyamment son souci de la mémoire de la Shoah et ses enseignements auprès de la jeunesse française, etc. Les 37.612 enfants d’étrangers indésirables d’aujourd’hui pèseraient-ils moins que les 11.500 enfants Juifs déportés ?"

Bon, donc là je vais être taxé de xénophobe a minima si j'ai l'outrecuidance de pointer qu'à ma connaissance "Les 37.612 enfants d’étrangers indésirables" n'ont pas vocation à aller dans le même genre d'endroit que les "11.500 enfants Juifs déportés" ? Ou alors tout est dans tout et tout est équivalent ? Les politiques concernant les étrangers aujourd'hui (pour xénophobes qu'elles soient, et on se trouve dans une période où la xénophobie est largement présente) seraient donc l'équivalent de la "solution finale" ? Rien de moins ?

Sinon :

PS 1 - juste pour rappel, c'est pas parce qu'on se trouve cité dans un texte moisi qu'on a quelque chose à voir avec. Précision débile mais qui semble apparemment être un rappel nécessaire.
PS 2 - pas la peine de réclamer le lien du texte moisi, je le collerai pas ici"

Tal Bruttmann