Communiqués de presse
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Publié le 30 Avril 2012

«Les leçons de notre histoire qui appellent à la lucidité et à la vigilance»

Cérémonie du 29 avril 2012, communiqué de presse du Camp des Milles du 29 avril 2012.

Des élus de toutes sensibilités, anciens déportés et résistants, représentants institutionnels et religieux, associations, organisations humanitaires, représentants des communautés juive, chrétienne, musulmane, harki, arménienne et tsigane ainsi qu’un public nombreux a participé ce jour à la cérémonie au Wagon-Souvenir des Milles.  Cette diversité illustrait bien l’importance de la « mémoire des victimes et des héros de la déportation » pour aujourd’hui et pour demain.

 

La cérémonie, tenue sur les lieux mêmes du départ pour la déportation vers Auschwitz de plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs du Camp des Milles en août et septembre1942, débute par les dépôts de gerbes devant les drapeaux du monde combattant.

 

 Un temps mémoriel s’ensuit avec la lecture d’un extrait du Journal du Pasteur Manen, Juste parmi les Nations, et témoin des déportations des Milles. Il évoque ainsi  « des enfants tout petits, trébuchant de fatigue dans la nuit et dans le froid, pleurant de faim, s’accrochant lamentablement à leurs parents… de jeunes pères et mères pleurant silencieusement et longuement dans la constatation de leur impuissance devant la souffrance de leurs enfants ». Une jeune fille, à la voix empreinte d’émotion égrène alors les noms et âges de la centaine d’enfants et adolescents juifs déportés des Milles. Le même émoi est palpable dans l’assemblée lorsque Denise Toros Marter, déportée à 16 ans à Auschwitz, fait la lecture du « Testament d’Auschwitz » exprimant ainsi le vœu d’une transmission de la mémoire et de ses leçons «Puisse le Mémorial des Milles en Provence pour lequel nous nous sommes investis depuis des années,  apporter  aux jeunes gens qui le visiteront toute la dimension pédagogique recherchée pour faire barrage à la haine ! »

 

Mr Jean-Louis Medvedowsky, président de l’Union des Déportés, Internés, Familles de Disparus et Fusillés de la Résistance Aixoise rappelle « que cette année marque le 70° anniversaire du début des  rafles et des déportations massives en France et, notamment, du départ en août et septembre 1942 des internés du Camp des Milles pour Auschwitz via Drancy » Il souligne « que ces déportations, qui sont le symbole des crimes contre l’humanité commis au cours du XXe siècle, ont été conçues, organisées, réalisées par un pouvoir totalitaire dont l’idéologie était basée sur le racisme, notamment l’antisémitisme, sur le rejet de tous ceux qui n’acceptaient pas la norme de ce pouvoir et donc sur le mépris de la liberté et des droits de la personne humaine »

 

Mr Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation, s’interroge  sur ce qui peut être fait pour que les générations futures « ne soient pas confrontées à la barbarie qui assassine la victime et fait disparaitre l’humain chez le bourreau ». Il répond alors « qu’il faut apprendre du passé, de la formidable expérience humaine que ce passé représente, de la terrible leçon dont la souffrance des déportés, de tous les déportés, impose l’écoute respectueuse ». Il insiste ensuite sur « ce que l’histoire et les sciences sociales nous apprennent sur les périodes de crise : quand les mots deviennent fous, les hommes deviennent fous. Et l’histoire montre que les passions identitaires ou nationalistes sont le plus souvent incontrôlables lorsqu’elles sont enclenchées... Ici l’on sait que Bertold Brecht avait raison, que le « ventre est toujours fécond de la bête immonde », que tous les totalitarismes, tous les autoritarismes, toutes les pensées qui se croient uniques étouffent les libertés et finissent donc par tuer puisque l’homme est libre par essence… Vous aurez compris qu’à mes yeux les principales questions qui importent, permanentes et lancinantes, sont les suivantes : où en sommes-nous sur le chemin des exclusions, du rejet de l’Autre, sur le chemin qui peut mener au pire ? Et surtout que pouvons-nous faire ? »

 

Mme Sophie Joissains, Sénatrice des Bouches-du-Rhône, rappelle que, « contrairement à Auschwitz, au Camp des Milles c’est le début de l’inhumain (…) qui va faire  qu’à un moment donné l’atroce devient  possible. Et que c’est ce processus du traitement qui va faire  qu’un être humain ne sera plus un être humain aux yeux d’autres êtres humains. » Elle souligne  que « ce lieu doit être très présent dans la pédagogie à  avoir par rapport  à tous nos enfants. Parce ce qui  peut paraitre vicissitude de l’histoire… doit nous alerter et nous permettre de nous élever et de lutter parce que c’est le début. » Elle remercie « les initiateurs du Site-Mémorial des Milles pour leur travail tenace et essentiel pour l’avenir ».

 

Enfin, Mr Yves Lucchesi, sous-préfet d’Aix-en-Provence, représentant l’État, lit un message rédigé conjointement par les grandes associations nationales de déportés précisant que « jamais il n’a été plus indispensable de rappeler notre passé concentrationnaire qui peut sembler lointain aux générations nouvelles. Les enseignements que nous en tirons restent actuels à nos yeux. Malgré le temps qui passe et les mémoires qui s’éteignent, nous avons aussi le devoir de rappeler les leçons de notre histoire qui appelle à la lucidité et à la vigilance. Loin de disparaitre, le fanatisme, le racisme, la xénophobie ne cessent de ressurgir à travers un monde agité par des passions nationaliste et religieuse et des désordres économiques ».

 

Cette cérémonie faisait écho à une cérémonie organisée la veille sur ces mêmes lieux par une vingtaine de jeunes gens de neuf nationalités (Allemagne, Arménie, Espagne, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Pologne, Roumanie). Ils avaient tenu à faire une cérémonie, avec leurs mots, leurs gestes, à leur façon. Ils ont ainsi chanté dans diverses langues un hymne à la « liberté de penser », et ont dessiné un olivier, car, expliquent-ils, « l’olivier peut vivre malgré les branches mortes ou les branches malades,  il se nourrit par les racines, comme nous nous nourrissons de notre culture. Cet arbre représente aussi le passage du passé à l’avenir. Les racines sont la représentation de notre passé et de nos expériences. Les branches mortes sont l’image des mauvais sentiers que nous avons empruntés. Les branches pleines de vie représentent ceux que nous avons choisi d’emprunter et ces chemins sont ceux de la culture et de la commémoration du passé pour faire des choix réfléchis à l’avenir ». Ils ont alors affirmé que « La mémoire, c’est le défi perpétuel de s’approprier les leçons de l’histoire. En faisant ce travail de mémoire tous ensemble, nous avons réappris l’histoire et en portant cela sur nos épaules, nous pouvons être des acteurs responsables. Et avoir une mémoire partagée, c’est déjà un élément pour construire une société bienveillante et paisible.

Pour nous, la mémoire doit être quelque chose qui mène au futur. Elle nous donne des outils pour l’avenir qui est le nôtre.»

Et de conclure « La vie a un seul sens : vivre, vivre comme un vrai être humain.»