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Publié le 2 Décembre 2024

Le Crif en action – « 3 jours pour la mémoire » à Bordeaux : Jour 1

La troisième édition des « 3 jours pour la Mémoire » organisés par le Crif Bordeaux-Aquitaine, avec la participation des différents partenaires institutionnels (Dilcrah, Fondation pour la mémoire de la Shoah, B’nai B’rith Bordeaux, Entretiens de Bordeaux – Cercle Primo Levi, Université Michel Montaigne) s’inscrit cette année dans la quinzaine de l’Égalité et de la Diversité organisée par la ville de Bordeaux et Bordeaux Métropole. Lundi 25 novembre 2024, s’est déroulée la première journée de cette édition, consacrée à « la Shoah à l’Est, les témoignages des témoins indirects ».

Lundi 27 novembre : « 3 Jours pour la mémoire »

 

Jour 1/ La Shoah à l’Est, les témoignages des témoins indirects.

 

Cet événement exceptionnel a consacré trois soirées à trois thèmes liés à la Mémoire de la Shoah.
C’est dans le cadre de ses missions pour la défense de la mémoire de la Shoah et de sa transmission, que le Crif Bordeaux-Aquitaine, a proposé à un large public des conférences débats.
En effet se souvenir n’est pas seulement un devoir, mais un acte de résistance contre l’oubli, contre l’effacement des récits des victimes et contre les forces de haine qui persistent.
Cette année encore au travers de témoignages, projections et débats, la volonté première est de renforcer un engagement collectif à préserver une Mémoire vivante et à faire face aux défis contemporains et aux forces de haine qui persistent.

Environ 80 personnes se sont réunies lundi 25 novembre à l’Espace Beaulieu à Bordeaux, parmi lesquelles se trouvaient Jean-Luc Gleyze, Président du Conseil départemental de la Gironde et son épouse, Olivier Escots, adjoint au Maire de Bordeaux et Victoria Gilardi, chargée de mission auprès de la Direction générale, des solidarités et de la citoyenneté, des universitaires et des présidents d’associations.

 

 

Après l’introduction d’Albert Massiah, Président régional du Crif, Assia Kovriguina, Docteure en Histoire et en sémiologie du texte et chercheuse en Histoire soviétique (Shoah à l’Est et Goulag), a plongé l’auditoire dans les réalités du génocide des Juifs et des crimes de masse en union soviétique. Elle a mis en lumière l’extermination des communautés juives au travers de documents, photos, écrits et témoignages.

Dans les territoires de l’URSS, le génocide des Juifs a été perpétrés par les nazis non pas dans des camps éloignés, mais sur place près des ravins ou dans des fausses communes improvisées à proximité des villes et des bourgades. Les méthodes de tueries variaient d’un lieu à l’autre. Les Juifs étaient fusillés, gazés dans des camions à gaz, brûlés vifs ou noyés dans les rivières. Malgré cette diversité de méthodes d’extermination, une constante demeure partout sur les territoires de l’ex-URSS : les crimes se déroulaient sous les yeux de la population locale qui ne pouvait les ignorer et qui était directement ou indirectement impliquée.

Des millions de personnes ont vu les colonnes de Juifs aller vers la mort, ont entendu leurs cris et les bruits des mitrailleuses, et plusieurs ont vu les massacres de près. Certains de ces témoins oculaires de la Shoah ont laissé des témoignages écrits qui n’ont jamais été publiés.
La seule exception est le roman documentaire de A. Kouznetsov Babi Yar, paru en URSS en 1965 qui, réduit par la censure d’un tiers, a été traduit en français, mais reste très peu connu des lecteurs.

Si le massacre de Babi Yar est le plus connu il n’est, loin s’en faut, pas le seul.

En Ukraine (particulièrement) où sévissait un antisémitisme endémique les massacres se sont doublés d’un antibolchévisme féroce et certaines régions ont été « Judenfrei » avant même la décision de la Solution Finale et l’avancée des troupes allemandes.

En 2013 Assia Kovriguina a co-écrit avec Annie Epelboin un ouvrage fondamental La littérature des ravins, publié aux Éditions Robert Laffont, ouvrage précurseur dans les études historiques et littéraires consacrées à la Shoah par balles dans les territoires de l’URSS.

Cet ouvrage rend compte d’enquêtes dans les bibliothèques et dans les archives encore inédites et difficilement consultables. Partant de ses recherches Assia Kovriguina a exposé les mécanismes de censure complexes et le mythe communiste de l’amitié des peuples qui, conjugués avec l’effroi du totalitarisme soviétique, ont conduit les témoins au silence.
Contrairement aux œuvres de Primo Levi et de Claude Lanzmann, fondées sur le témoin-rescapé, il n’y avait presque pas dans l’ex URSS de rescapés juifs et le peu qui ont survécu, ont été contraints de se faire oublier. Le contexte d’un antisémitisme d’État a prévalu après la guerre et n’a pas permis d’évoquer le sort des Juifs, faisant disparaître leurs traces et leurs témoignages.

Les témoins sont donc des tiers qui vivaient sur place et ont assisté aux massacres, ou des correspondants de guerre. Les témoignages retrouvés, révèlent la nécessité de coucher sur du papier l’horreur et permet aujourd’hui de rendre compte de la volonté soviétique de falsification de l’Histoire,

C’est avec brio, une parfaite maîtrise du sujet et une certaine passion que Assia Kovriguina, malgré la dureté des images et du propos, a illustré et animé un débat fécond.

 

 

Albert Massiah a conclu en saluant l’importance des travaux qui mettent en lumière les récits indirects des voisins, passants ou travailleurs forcés pour approfondir notre compréhension de la tragédie à l’Est.
L’extermination massive des Juifs, perpétrée sur place, à ciel ouvert et sous le regard des populations s’est inscrit dans une conscience collective refoulée ou que l’État soviétique a tenté d’effacer. Ces témoignages et récits sont donc précieux et constituent un défi historiographique.

Il clôture la conférence en donnant rendez-vous pour la seconde soirée consacrée aux nouveaux visages de l’antisémitisme, en présence de Judith Cohen Solal et Jonathan Hayoun.