Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Ensemble et différentes - des femmes de Villeurbanne racontent, par Frédéric Abécassis, Éliane Benbanaste, Martine Benguigui, Roger Benguigui et Francine Kahn (*)

09 Juin 2016 | 168 vue(s)
Catégorie(s) :

Ce travail de qualité mérite d'être encouragé

Avec l'idée de dresser un état des lieux du « Vivre ensemble », une équipe de la Licra Rhône-Alpes est allée à la rencontre de femmes de différentes origines  vivant à Villeurbanne. C'est le résultat de cette enquête de terrain qui nous est proposé. Sont évoqués la question des origines de chacune et de leurs influences sur le vécu quotidien de leurs familles, la pratique ou non d'une religion, les conversions, l'incidence des mariages mixtes, le choix, de plus en plus affirmé d'une école confessionnelle pour les enfants, l'apprentissage de l'hébreu ou de l'arabe qui se développent chez certains, le racisme au quotidien ou encore l'incidence du conflit israélo-arabe sur l'attitude de certains segments de la population.
 
Pourquoi Villeurbanne ? La « Citadelle Rouge » où la classe ouvrière, avec une forte présence d'immigrés espagnols ou italiens, dominait après la Seconde Guerre mondiale, est aujourd'hui surnommée « La petite Jérusalem ». 10 000 Juifs en 2006, soit 8% de la population totale, 19 000 en 2016, soit 14% de la population totale. Synagogues, centres culturels, écoles confessionnelles et commerces cachères se sont développés. Les Musulmans sont également très présents avec la construction, en 1996, de la mosquée Othmane et l'ouverture, en 2007, d'un lycée privé musulman, le lycée Al-Kindi. Un melting-pot qui permettait d'espérer un panel représentatif d'interviewées.
 
Elles sont 18, nées entre 1941 et 1985. Voici Amina, Anne-Claude, Assia, Ayet, Catherine, Dounia, Évelyne, Faïza, Héloïse, Irène, Joëlle, Najwa, Marie-Aline (décédée en 2015), Marie-Claire, Myriam, Paula, Viviane et Yona.
Amina, Musulmane d'origine algérienne, n'a pas transmis sa foi à ses enfants, mais ces derniers sont devenus pratiquants.
 
Anne-Claude, dont les parents se sont convertis à un culte mormon, a suivi cette voie et transmis cette religion à ses enfants.
 
Assia, Musulmane, d'origine algérienne, est mariée à un Catholique qui a embrassé l'islam.
 
Ayet, Musulmane d'origine algérienne.
 
Catherine, née dans une famille catholique pratiquante, mariée à un Italien,  élève ses enfants dans une foi ouverte.
 
Dounia, sœur d'Amina, Musulmane, pratique sa religion mais refuse le voile intégral.
 
Éveline, Catholique d'origine italienne, née à Villeurbanne, s'est mariée à l'église, mais n'a pas transmis sa foi à ses enfants qui n'ont pas été baptisés. Elle se déclare athée.
 
Faïza, Musulmane d'origine algérienne, mariée à un Catholique, tend, avec son mari, à l'athéisme.
 
Héloïse, Juive algérienne originaire d'Oran dont le fils a été victime d'antisémitisme à l'école.
 
Irène, fille d'une Protestante allemande et d'un Catholique alsacien qui se convertira au protestantisme.
 
Joëlle, issue d'une famille mixte, juive et catholique, a décidé un jour, d'entreprendre une procédure de conversion au judaïsme libéral.
 
Marie-Aline ( Marie-France?), grenobloise, comptable.
 
Marie-Claire, agnostique, originaire de Saône-et-Loire.
 
Myriam, Juive originaire d'Algérie. 
 
Najwa, Kabyle musulmane algérienne, devient, à l'instar de ses enfants, de plus en plus pratiquante.
 
Paula, fille d'un Catholique et d'une Juive algérienne, a deux enfants qui suivent un enseignement religieux juif le dimanche.
 
Viviane, Juive originaire d'Algérie, née à Lyon, est revenue à une pratique juive plus rigoureuse sous l'influence de ses enfants.
 
Yona, Juive marocaine qui a épousé Louis, un Catholique d'origine espagnole et dont le fils a fait sa bar-mitsva au sein d'une synagogue libérale.
 
On pourra regretter que l' échantillonnage, pour Ce qui est du Maghreb, soit essentiellement axé sur l'Algérie et qu'on n'y trouve aucune représentante de la communauté asiatique. Pas plus, semble-t-il, de la communauté afro-antillaise.
 
Une liste des cas de racisme et d'antisémitisme recensés par la Licra à Villeurbanne entre 1995 et 2014 est proposée en fin de volume. Si les auteurs reconnaissent que «  les plus manifestes et ceux dont on trouve le plus facilement trace à la Licra, sont des agressions antisémites souvent perpétrées par des jeunes issus de familles d'origine maghrébine sur d'autres jeunes ou sur des adultes portant la kippa ou d'autres signes marquant leur inscription dans le judaïsme », des exemples inverses sont mis en évidence, de Juifs ayant une attitude raciste à l'égard d'arabo-musulmans.
 
Une remarque encore : à plusieurs reprises, il est dit que les Juifs d'Algérie parlaient arabe. En général, en Afrique du Nord, les Juifs ne lisaient pas, sauf exception, l'arabe et pratiquaient, à l'oral, non l'arabe mais le judéo-arabe qui est à l'arabe ce que le yiddish est à l'allemand.
 
Ce travail de qualité mérite d'être encouragé et d'être renouvelé dans d'autres villes de France.
 
Note :
(*) Éditions Le Bord de l'Eau. Mai 2016. Préface de Danièle Linhart. Postface de Michelle Zancarini-Fournel. 112 pages. 5 euros.