Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Blog du Crif - Richard Prasquier : Enseigner la Shoah pour lutter contre l’antisémitisme

28 Janvier 2019 | 111 vue(s)
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Opinion

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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Les démons  antisémites sont sortis de leurs placards naphtalinés et ont instillé leur moisi dans certains gilets jaunes: ils disent la clé des difficultés du quotidien et canalisent le ressentiment vers les responsables de l’exploitation, ces maîtres cachés du monde auxquels nos dirigeants sont asservis. Les Juifs, bien sûr: le produit est en magasin, a prouvé sa résilience au cours d’une longue histoire: autant s’en resservir. Et « pute à Juifs » est apparu dans le florilège de l’insulte. 

Bien sûr, les faits restent isolés et les protestations ont été unanimes ….Mais l’antisémitisme à l’ancienne, qu’on croyait déshonoré à jamais, reprend du service et s’accommode avec celui de l’ultra-gauche. En Europe un sondage récent montre que la perception que l’antisémitisme augmente est générale. Et aux Etats-Unis, il y a eu le massacre de Pittsburgh. La Commémoration de l’Holocauste du 27 janvier aura lieu dans un contexte inquiétant.

Le septuagénaire que je suis peut témoigner du chemin parcouru: au lycée, incollable sur les Guerres Médiques, je n’ai rien entendu sur le génocide des Juifs. Des années de combats mémoriels où  la France a enfin affronté son passé : hommages aux victimes, témoignages des survivants, reconnaissance aux sauveurs, procès à des responsables, ont accompagné une production historique qui affine notre compréhension de cette époque. Recueillement, mémoire, justice et quête de la vérité: ce programme est bien mis en oeuvre. Mais il ne s’agit pas d’une simple connaissance : l’éducation « contre » est au centre du projet. 

Le  « plus jamais ça » a subi dans le génocide des Tutsis un échec cinglant. Depuis lors, bien des massacres ethniques pas assez « bancables » médiatiquement ou politiquement délicats n’ont pas entraîné de réactions adéquates de la communauté des nations et des hommes, rappelant que pendant la Shoah le repoussoir moral n’a jamais prévalu chez les Alliés sur les considérations tactiques.

L’antisémitisme à l’ancienne, qu’on croyait déshonoré à jamais, reprend du service

Or, le sondage Comres-CNN indique que 20% des jeunes de notre pays ne connaissent rien à la Shoah. Une enquête de novembre 2018 le confirme: ce pourcentage inouï ne provient pas d’une ignorance en France du terme Holocauste, confondu avec « low cost »! Ces 20% proviennent surtout des milieux « fragiles », souvent issus de l’immigration. C’est là que le travail d’enseignement de la Shoah est le plus nécessaire, c’est là qu’il est le plus difficile et c’est là qu’il échappe aux radars statistiques qui privilégient les classes où tout va bien sur celles qui ne demandent pas de compléments de formation à la Shoah pour éviter des réactions hostiles. La lutte contre l’antisémitisme dans ces milieux est une urgence nationale. Cet enseignement lui-même est remis en question dans la société du soupçon où nous vivons. Et les survivants, seuls capables de créer un lien émotionnel intense ne sont plus qu’une poignée….

Hier, pour lutter contre le négationnisme, il a fallu prouver, avec des détails techniques quasiment sordides, que l’extermination des Juifs avait bien été programmée et en grande partie réalisée, aujourd’hui les négationnismes relèvent de l’opinion, du ressenti et esquivent la réfutation rationnelle. Par exemple:

- « Oui, des Juifs ont peut-être été tués, mais bien moins qu’ils le disent, eux qui contrôlent les médias et qui exploitent ces événements pour masquer la vraie Shoah, celle qu’Israël commet contre les Palestiniens….. »

Ou bien, la version humaniste du confusionnisme: « Parce que je suis horrifié par la Shoah, je le suis quand un enfant est assassiné (sous-entendu, en général, « par Israël »). Ces crimes sont pour moi équivalents….. ».

L’argumentation, qui n’est pas simple, doit faire face à la post-vérité et  l’amalgame. Elle est indispensable pour démonter les discours complotistes, cancer de l’information, tel celui, ignoble, des avocats de Mehdi Nemmouche, dignes de l’histrion négationniste qui est leur maître à penser…

Richard Prasquier, Président d'honneur du Crif 

Article publié initialement dans Actualité Juive