Blog du Crif - Les vingt pages de papier glacé qui m’ont fait rencontrer Simone Veil

31 Janvier 2020 | 429 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

Dov Maimon rejoint les auteurs du Blog du Crif !

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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A l'occasion du 4ème anniversaire de la disparition de Simone Veil, nous vous proposons la lecture de billets de blog qui lui rendent hommage.

En 2005, je trouve dans la salle d’attente du cabinet de psychanalyse de ma mère le numéro 2904 de Paris Match*. En couverture, Simone Veil.

Je lis l’article, et je découvre Simone Veil pour la première fois. Le reportage fait état du retour de Simone Veil à Auschwitz-Birkenau, entourée de ses enfants et petits-enfants. J’y apprends aussi que le 27 janvier est la date retenue pour la Journée internationale en mémoire des victimes de la Shoah, en écho au jour de libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Cette date aura désormais un sens tout à fait particulier.

Depuis ce jour de janvier 2005, la couverture de Paris Match est accrochée sur l’un des murs de ma chambre d’adolescente. Le mur a jauni, la couverture a tenu bon.

Cette rencontre avec Simone Veil, je veux le croire, aura influencé une large partie de mon engagement, de mes intérêts, et finalement de ma vie.

Quatorze ans plus tard, le 27 janvier 2019, je me suis rendue au cycle de conférences du Mémorial de la Shoah de Paris, dédié notamment à Simone Veil. La première table-ronde réunissait cinq auteurs d’ouvrages récents sur notre héroïne. Ces ouvrages, je les connaissais tous, à l’exception d’un, celui d’Alain Genestar.

Annette Wieviorka, dans une brillante introduction du sujet qui nous rassemblait ce jour, a présenté les auteurs. Quelle a été ma surprise en découvrant qu’Alain Genestar n’était autre que le Directeur de la publication de Paris Match à l’époque du fameux reportage sur Simone Veil, et – encore mieux – le journaliste qui l’avait accompagnée pendant ce voyage de mémoire.

J’avais devant moi l’homme qui m’avait présentée Simone Veil ! Mieux qu’à l’occasion d’un dîner pompeux ou d’un cocktail guindé, il m’avait fait rencontrer Simone Veil à travers vingt pages de papier glacé.

Alain Genestar, après avoir rappelé le travail réalisé pour le reportage de Paris Match de l’époque, a présenté son dernier livre, Pour mémoire. Retour à Auschwitz avec Simone Veil. Ce « petit livre » comme le décrit son auteur, accueille l’immense entretien réalisé avec Simone Veil pendant et après le voyage à Auschwitz. Complément ultime du reportage de 2005, il présente l’intégralité des propos de Simone Veil, dont certains passages avaient été coupés pour des raisons journalistiques d’une part, et de pudeur d’autre part.

Avec un soin infini, Alain Genestar explique l’origine et l’objectif de sa démarche de publication, quatorze ans plus tard, de ces précieuses paroles. Il insiste sur la simplicité avec laquelle il a voulu donner à lire le témoignage de Simone Veil, « sans effets d’écriture », « ses mots, à l’état brut ».

Il souligne aussi les difficultés rencontrées, et notamment la délicate question de la photo de Couverture du magazine, réalisée avec intelligence par Benoît Gysembergh.

En dépassant la peur commune aux passeurs de mémoire de déformer, de trahir ou de mal retranscrire, Alain Genestar a permis la découverte de paroles sincères et sans détour de Simone Veil sur ses mois passés dans l’enfer concentrationnaire mais aussi sur son combat pour la mémoire et le respect de la dignité humaine.

Parmi les 900 000 Français qui s’étaient procurés le numéro 2904 de Paris Match, Alain Genestar et son équipe avaient réussi le difficile pari de la transmission : ils avaient insufflé à une jeune fille de 12 ans le sens du devoir de mémoire.

*https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Simone-Veil-a-Auschwitz-son-temoignage-pour-l-Histoire-1296899

Pour mémoire. Retour à Auschwitz avec Simone Veil. 2018, éditions Grasset