Blog du Crif - Amos Gitaï au Théâtre de la Ville : de la responsabilité artistique

10 Septembre 2019 | 38 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Meyer Habib, il y a ceux qui l'aiment et ceux qui l'ont en exècre. Mais on ne peut en aucun cas tolérer un tel déferlement de haine antisémite.

Exposition jusqu'au 30 novembre, à la Galerie Saphir !

Discours prononcé lors de la Plénière de clôture.

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Les jolies colonies de vacances... Il fait beau, il fait chaud, ça sent vraiment les vacances ! Cette semaine, nous vous proposons une série d'articles sur les mouvements de jeunesse juifs en France ! Aujourd'hui, découvrez le parcours d'une ancienne E.I. !

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Un billet de blog de Chloé Blum

Il y a quelques jours, bercée par le soleil léger de septembre, je m’élançais le cœur en joie vers l’Espace Pierre Cardin qui abrite le Théâtre de la Ville le temps des travaux.

Comme à chaque fois que je me rends au théâtre, et encore davantage pour y découvrir le spectacle d’un artiste que j’apprécie, j’étais animée par une certaine émotion.

Pour ouvrir la saison artistique, le Théâtre de la Ville a mis à l’honneur Amos Gitaï dont il a fait son « Artiste Ambassadeur » pour cette nouvelle année de théâtre. Les spectateurs parisiens ont ainsi pu découvrir son nouveau spectacle, Letter to a friend in Gaza.

Dès l’annonce de la saison, j’ai été ravie de constater que Paris donnait à nouveau un espace d’expression de qualité à Amos Gitaï. A l’automne dernier, j’avais découvert Yitzhak Rabin, chronique d’un assassinat un spectacle qui mettait en lumière les circonstances de la mort de Yitzhak Rabin. Amos Gitaï était parvenu à montrer le déchirement de la société israélienne et les complexités de la recherche de la paix avec la grâce et l’intelligence qu’on lui connaît. Ce spectacle était présenté dans l’immense salle de la Philharmonie de Paris dans laquelle 2400 personnes s’étaient installées chaque soir de représentation.

Amos Gitaï est un artiste dont je connais le travail depuis des années, après que mon père m’ait fait découvrir la scène mythique d’une Nathalie Portman en larmes, au cœur du splendide et brut Free Zone. Au-delà de son expertise artistique, j’ai tout de suite aimé son engagement indéfectible pour la paix et l’expression franche de ses opinions politiques - similaires aux miennes, celles de la gauche israélienne historique.

C’est pour cela sans doute que la critique honnête et pertinente d’une partie de la droite israélienne et la dénonciation politique sans détours qu’il proposait dans son spectacle à la Philharmonie m’avait autant touchée. J’aimais l’idée d’un artiste israélien puisse offrir au monde une entrevue sur la vie des partisans de la paix.

Jeudi dernier, donc, j’attendais ce nouveau rendez-vous avec un peu d’impertinence, me sentant peut-être plus à ma place que la plupart des spectateurs. Parmi eux, des Parisiens sans doute plus habitués aux mondanités de l’Odéon qu’au public de théâtreux du Théâtre de la Ville.

En découvrant la librairie du spectacle, j’ai été un peu surprise par les choix littéraires qui étaient proposés : Mahmoud Darwich, Amos Oz et Aharon Appelfeld. Sans bien voir ce qui pouvait lier ces trois auteurs sinon la passion pour leurs terres, je constatai que les ouvrages de Darwich attiraient bien du mouvement.

Le spectacle que j’ai vu ce soir-là est loin d’avoir enchanter mon esprit et mon cœur. Pendant une heure et demie, trois personnages, disposés autour d’une table rectangulaire équipée de micros et de caméras Go-Pro face aux visages des acteurs, récitent tour à tour les textes de poètes et écrivains palestiniens et israéliens. Darwish en tête.

Si la beauté des textes de Mahmoud Darwich transpire une poésie certaine, elle est ici mise au service d’un spectacle plein de clichés et sans subtilité.

Amos Gitaï offre une représentation très orientée du conflit israélien-palestinien, plaçant les personnages palestiniens en victimes subissant sans pouvoir agir une occupation israélienne féroce. Le thème de la culpabilité est particulièrement mis en avant du côté des personnages israéliens qui s'interrogent sur ce qu'ils acceptent et sur ce qu'ils ont intégré à leurs vies quotidiennes.

Alors, au-delà d’une mise en scène quasi inexistante, d’une scénographie déjà vue (il s’agit de la même qu’à la Philharmonie l’an dernier), et d’un manque criant de créativité, ce spectacle, parce qu'il est montré à un public peu initié au sujet précis du conflit israélo-palestinien, est dangereux. 

En traitant du conflit le plus commenté de tous les temps depuis la Guerre de Troie d’une manière expéditive, il est dangereux.

En apportant sur la scène d’un théâtre public français les souffrances de deux peuples en s’autorisant à les hiérarchiser, il est dangereux.

En contournant les subtilités et les complexités de deux sociétés, il est dangereux.

En s’aventurant à des comparaisons historiques douteuses, il est dangereux.

En diffusant des photos dignes des Unes des plus abjectes des tabloïdes, il est dangereux.

Le Théâtre de la Ville a-t-il oublié sa responsabilité artistique ? A-t-il oublié le rôle qu’il joue dans une société parisienne où l’on consomme de l’art comme on dîne en terrasse ?

Visiblement, oui. Comment aurait-il, sinon, permis de montrer un spectacle qui n’a de cesse de stigmatiser la société israélienne, de la réduire à sa qualité militaire stricte, et de la rendre responsable d’un conflit  qu’il l’a divise et l’a fait souffrir depuis plus de 70 ans ?

Amos Gitaï se la joue israélien brisé qui veut mettre en avant les indélicatesses de son pays dont il est aujourd’hui lui-même la victime.

Mais, cher Amos, ici, on est en France. Ici, dans des manifestations contre la violence à Gaza, on tient de pancartes « Mort aux juifs » dans les rues de Paris. Ici, un juif est un israélien. Ici, l’antisémitisme le loge dans les recoins les plus sinueux de l’antisionisme.

Ici, un spectacle pareil a pour effet d’implanter encore davantage l’idée qu’Israël n’est qu’un monstre colonisateur sans état d’âme, une force qui s’épanouit dans la toute puissance et qui ne connaît aucune accalmie.

J’ai bien noté, Amos, la férocité avec laquelle vous avez choisi de faire sonner l’hébreu dans la voix pourtant si douce de Yaël Abécassis et la tendresse que vous avez placez dans les paroles en arabe de Darwich.

Je n'ai finalement qu'à vous lancer mes félicitations ironiques. Bravo pour la gravure ridicule de David et Goliath placée à la fin des photos prises à la frontière gazaouie.

Bravo pour cette fausse subtilité qui entend qu’avec un caillou, on peut tuer l’occupant.

Bravo pour l'importation d’un conflit qui fait couler autant d’encre que de sang.

Bravo pour ce spectacle sans âme dont même les maladresses ne parviennent pas à émouvoir.

Chloé Blum

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