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Publié le 28 Octobre 2014

Une histoire du Messie, par Mireille Hadas-Lebel (*)

Une recension de Jean-Pierre Allali

Membre du Comité directeur du CRIF, Mireille Hadas-Lebel est sans conteste l'une des intellectuelles françaises les plus brillantes de notre époque. Dans son domaine, celui de l'Antiquité, c'est une référence obligée. Après Philon d'Alexandrie et les Maccabées, elle nous propose une remarquable histoire du Messie.

Pour nous raconter le Messie, Mireille Hadas-Lebel traverse le temps et les contrées. Pour notre plus grand plaisir. Voici d'abord la Bible des Hébreux. Mashiah, nous dit l'auteur, c'est un participe passif du verbe Mashah, oindre. Étaient oints à l'époque, c'est-à-dire enduits d'huile d'olive, prêtres, rois et prophètes. On dénombre trente-neuf occurrences du mot Mashiah, celui qui devrait apporter le salut au monde,  le sauveur, le rédempteur, en somme, dans la Bible hébraïque. Cette vision individuelle du personnage n'a pas empêché l'idée d'un messianisme sans Messie de se développer au cours des siècles. Dès lors, l'attente messianique est celle d'une époque de paix universelle, de bonheur pour l'humanité. Il ne s'agit pas, comme on a pu le lire ici ou là d'un concept de « fin de l'Histoire », mais de « suite des temps » ( be aharit hayamim). Cela nous mène naturellement à la croyance en la résurrection qui sera, on le sait, à l'origine de schismes au sein du peuple hébreu entre Sadducéens, Pharisiens et Esséniens.

La longue espérance juive autour d'un « Fils de l'Homme » à venir puis l'« atmosphère brûlante » qui prévaut en Judée du règne d'Hérode à la révolte contre Rome, le « bimessianisme » de Qumram, l'idée d'un retour du prophète Élie, conduisent peu à peu au personnage de Jésus, auquel Jean-Baptiste posera la fameuse question : « Es-tu celui qui doit venir ? ».

Après l'échec de la révolte des Judéens contre Rome qui va porter au judaïsme un coup particulièrement sévère, le peuple juif va continuer d'espérer en la venue de l'homme providentiel, du « champion » des Juifs. Ce sera, avant la désillusion, Bar Kokhba, le « Fils de l'Étoile ».

Au cours des siècles, en Occident comme en Orient, des figures, parfois éphémères, vont apparaître et se déclarer ou être déclarés messies. Isaac ben Jacob Obadiah Abou Issa d'Ispahan, son disciple, Youghdan de Hamadan, Seren de Syrie, David Alroy, du Kurdistan, le mystique espagnol, Abraham Aboulafia, Moïse Botarel de Cisneros, David Reubeni, le smyrniote Sabbataï Sevi et, plus près de nous, le Rabbi de Loubavitch, Menahem Mendel Schneerson.

Un travail magistral et passionnant.

(*) Éditions Albin Michel. Février 2014.  304 pages. 19,50 euros.

CRIF