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Publié le 1 Octobre 2015

Nadine Morano : le racialisme tranquille

Le CRIF avait immédiatement dénoncé sur Twitter les propos de la député sur la "race blanche". 

Par Dominique Sopo, Président de SOS Racisme, publié dans le Huffington Post le 30 septembre 2015
Je me suis parfois surpris à vouloir considérer Nadine Morano comme une sympathique idiote. Encore eut-il fallu qu'elle fût sympathique. Et manifestement, elle ne l'est pas.
Un constat à nouveau confirmé par l'énième "fulgurance intellectuelle" dont l'ancienne ministre nous a gratifiés lors de l'émission "On n'est pas couché" diffusée ce 26 septembre.
Grotesque et incompétente, Nadine Morano a livré une prestation qui aurait pu être d'un odieux presque comique si elle n'était pas révélatrice de l'air du temps. Car reconnaissons à Nadine Morano un intérêt : sa pensée ne s'embarrasse pas d'artifices. Libre de toute gangue, elle est une pensée brute qui se donne à voir pour ce qu'elle est : une pensée profondément racialiste.
En résumé, la pensée de l'invitée du soir se décline ainsi : pour que la France reste la France, elle doit préserver sa majorité culturelle, que Nadine Morano associe au judéo-christianisme et à la race blanche. Cette majorité culturelle est menacée par les musulmans et par les étrangers qui, s'ils arrivaient en trop grand nombre, mettraient en péril l'équilibre de notre pays.
L'association entre culture et race est ici particulièrement intéressante. Nadine Morano ne s'embarrasse pas de subtilités qui relèvent d'un domaine qui lui est manifestement inaccessible. Elle confirme en cela superbement ce que Léon Poliakov avait analysé dans l'immédiate après-guerre : le racisme génétique a tellement été délégitimé par les atrocités de la seconde Guerre Mondiale qu'il ne peut plus s'exprimer que par le détour du refus de la culture de l'Autre, aujourd'hui majoritairement incarné par la figure du musulman (qui rêve secrètement de vous faire un sourire berbère) et circonstanciellement par celle du noir (dont la propension à utiliser de la viande humaine pour confectionner ses ragoûts doit amener tout esprit sensé à le surveiller avec une particulière attention) .
Dans sa réhabilitation de la notion de race, Nadine Morano joue sur un apparent bon sens. Après tout, affirme-t-elle, n'est-il pas vrai qu'il existe des Noirs, des Blancs, des Arabes, des Jaunes,... ? Le nier relèverait évidemment d'une bien pensance (dont on se demande bien pourquoi elle s'intéresserait à nier l'existence de différences de couleur de peau chez les gens, mais passons...).
Si des scientifiques avaient encore l'honneur des plateaux de télévision aux heures de grande écoute, on n'imagine que trop bien une confrontation entre Nadine Morano et Galilée au sujet de l'héliocentrisme ou avec des physiciens de l'Antiquité à propos de la rotondité de la Terre.
Face au bon sens, qu'importent les preuves génétiques de l'inexistence de races au sein de l'espèce humaine ? Qu'importe le fait que la couleur de la peau - dont on ne sait par quelle magie elle permettrait de définir des races cohérentes davantage que la couleur des cheveux ou la longueur des avant-bras - soit avant tout un construit socio-historique qui conditionne la façon dont l'autre est perçu ? Nadine Morano, plongée dans une époque de vaste régression morale que notre pays connaît depuis plusieurs années sur la question du racisme, réhabilite la lecture racialiste forgée aux 18ème et 19ème siècles lorsque l'obsession classificatoire des sciences naturelles s'étendit à l'espèce humaine. Dans cette époque de régression, Nadine Morano se trouve comme un poisson dans l'eau. La bêtise triomphe et elle se rêve en reine de parade... Lire l'intégralité.