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Vous fondez votre position sur un poème écrit par Jean Zay en 1924. Ce texte écrit dans sa jeunesse, à l’âge de 19 ans, n’était pas destiné à la publication. Il émerge en 1932 lors d’une campagne électorale et il est communiqué à la presse locale d’extrême droite qui en fait un argument censé prouver l’appartenance de Jean Zay à l’« anti-France ». Bien que Jean Zay s’en soit alors expliqué devant la Chambre des Députés, il est utilisé par une extrême droite profondément antisémite pour dresser son procès politique. II est ainsi publié en 1934 par la presse antisémite, celle-là même qui deviendra collaborationniste après la défaite, et ressurgira à chaque étape de la carrière de Jean Zay alors même qu’en votant le budget de la Défense nationale, il manifestait son refus du pacifisme, sa lucidité et sa fermeté face aux périls extérieurs auxquels la France allait devoir faire face.
Dès octobre 1940, les mêmes tentèrent de faire le procès d’une personnalité pourtant si viscéralement attachée à la France. C’est en effet Vichy qui le condamne à la dégradation et à la déportation, après avoir condamné à mort le général de Gaulle par contumace le 2 août 1940. À travers Jean Zay, c’est un régime politique qui était visé, la République.
Pourtant tout dans le parcours de cet homme exemplaire devrait vous convaincre de sa légitimité pour entrer au Panthéon.
Je n’évoquerai pas ici sa carrière de député, de Ministre de l’Éducation nationale. M’adressant à un Président d’association d’Anciens combattants, je me contenterai de revenir sur son parcours militaire.
Inscrit dans la tradition illustre d’un Abel Ferry pendant la Première Guerre mondiale, et de tant d’autres républicains, Jean Zay démissionne en 1939 de son poste au Gouvernement pour être enrôlé dans l’armée non par obligation, mais par amour de la France. Il écrit à cette époque : « Je désire partager le sort de cette jeunesse française pour laquelle j’ai travaillé de mon mieux au gouvernement depuis quarante mois. Je demande donc à suivre le sort normal de ma classe ». Il intègre le commandement du train pour la IVième armée comme sous-lieutenant. En juin 1940, refusant la défaite comme René Cassin qu’il rencontre à Bordeaux le 20 juin, comme le Général de Gaulle qui vient d’en appeler à poursuivre la lutte avec l’Empire et les Alliés, il décide d’embarquer sur le Massilia afin de poursuivre le combat depuis l’Afrique du Nord. Il y est notamment le compagnon de voyage d’Édouard Daladier, de Pierre Mendès-France, de George Mandel, un autre grand Ministre, une autre victime de la Milice.
Ainsi donc, Jean Zay aura été un grand patriote et un grand Républicain. Il réunit d’ailleurs aujourd’hui les Républicains de droite – ainsi François Fillon en 2004 lui rendit-il hommage –, comme de gauche.
Je suis certain que l’évidence des mérites de Jean Zay vous conduira à reconsidérer la position que vous avez exprimée, et que vous serez sensible à l’incompréhension qu’elle a pu susciter chez les nombreux Français qui sont attachés à cette figure patriotique.
Kader ARIF