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Publié le 11 Mai 2015

Découvrir Auschwitz en 2015 - Réflexions inabouties par Franck Guillory

Franck Guillory, journaliste, auteur et réalisateur de documentaires s'est rendu à Auswithz en Avril dernier.
 

Publié sur le Blog du CRIF le 10 mai 2015
C’était en 1979, fin avril 1979 – le 29, Journée nationale du Souvenir de la Déportation. J’avais 6 ans. Pour la deuxième année consécutive, FR3 – le France 3 de ces temps reculés – avait diffusé à 21h30 « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais.
Je dormais chez mon arrière-grand-mère et, souvent ces soirs-là, j’enfreignais allègrement le « couvre-feu » réglementaire. Vaquant à ses occupations, elle n’entendit pas l’annonce de la speakerine et déjà j’affutais mes arguments pour m’assurer une petite permission. « Il y aurait des Allemands », pensais-je, comme j’anticipais la présence de « cruels » Indiens dans les films de John Wayne…
Elle m’avait déjà tant dit sur les guerres, ses guerres, la Deuxième et la Première dont, née en 1903, elle conservait encore des souvenirs si vivaces. Elle m’en avait tant dit que, l’été, avec mes compagnons de plage, en notre paradis de Normandie, nous partions sans cesse à la recherche des « sablières », restes de cartouches du D-Day érodés par le sel. Elle m’en avait tant dit que, lors de nos parties de « petits soldats », je préférais réinventer l’Histoire plutôt que de jouer le jeu des « Boches ». Autour de nous, partout, 35 ans à peine après la fin de la guerre, son souvenir était encore de première main, comme en couleur, si proche…
Soudain, ma douce Mémé réapparut, se figea à quelques pas de l’écran puis, en alerte septuagénaire, elle se rua vers le téléviseur et l’éteignit d’un coup. Elle n’avait rien dit.
A 6 ans, même à 6 ans et demi, j’étais sans doute trop petit. Et mes questions incessantes commençant par « Dis-moi, c’était comment ? », et les récits de son retour de Bulgarie par le dernier Orient-Express, de l’Exode puis de l’Occupation, ici et là, une arrestation, une évasion, tout cela devait sans doute, selon elle, suffire amplement à satisfaire mon enfantine curiosité…
Ma génération, celle de l’entre-deux-siècles, celle qui sera la première des dernières à avoir touché cette Histoire de si près, ne bénéficia pas, ni au collège ni au lycée,  d’un enseignement poussé de la Deuxième guerre mondiale en général, et de la Shoah en particulier. Et puis j’avais cessé d’importuner mon arrière-grand-mère avec ses « histoires de guerres »… Mais, plus tard, beaucoup plus tard, alors que celle-ci s’apprêtait, plutôt fringante, à célébrer son centenaire, nous revîmes ensemble, par hasard, les premières minutes de « Nuit et Brouillard ».
Devant les images introductives en couleur, celle d’Auschwitz en 1955, elle resta silencieuse, le regard fixe. A la séquence suivante, montage en noir et blanc des archives nazies, elle leva doucement la tête au ciel, son regard bleu vif devint comme laiteux et, vingt ans après, le petit garçon de 6 ans obtint une réponse : « Nous ne savions pas, nous ne savions pas, tu sais»… Lire l’intégralité.
Source: http://www.crif.org/fr/blog/d%C3%A9couvrir-auschwitz-en-2015-r%C3%A9flexions-inabouties-par-franck-guillory/55541#sthash.qJgbgti1.dpuf